Nouveaux effets indésirables des immunothérapies du cancer

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

27 juillet 2015

La toxicité des immunothérapies a fait l’objet d’une vidéo du Dr Stéphane Champiat publiée le 9 juillet 2015 sur Medscape.fr

Paris, France -- A nouveaux traitements, nouveaux effets indésirables. « La toxicité des inhibiteurs de checkpoint est moindre par rapport aux chimiothérapies. Néanmoins, les effets secondaires liés à l’immunité sont fréquents et ils peuvent survenir de manière retardée » explique le Dr Stéphane Champiat (Gustave Roussy, Villejuif) à l’occasion du congrès de la Société Française du Cancer (SFC) [1].

Toutes les molécules inhibitrices de checkpoint n’entrainent pas le même risque même si les toxicités sont identiques. Les anti PD1 et PD-L1 sont dotés d’une toxicité différente qui semble inférieure à celle des anti CTLA4 et à celle des combinaisons d’inhibiteurs de checkpoints.

« Pour bien prendre en charge ces effets, une excellente communication entre le patient et le soignant doit être établie afin de porter un diagnostic de façon précoce et d’administrer rapidement des corticoïdes ou des immunosuppresseurs en cas d’effets indésirables liés à une immunothérapie (EILI) graves ».

Prendre un avis spécialisé au plus vite en cas de signes cliniques aigus

Les premiers effets indésirables décrits avec les inhibiteurs de checkpoint ont été des asthénies sévères et des syndromes pseudo-grippaux.

Mais ces médicaments peuvent aussi induire des complications auto-immunes à spectre très large pouvant impliquer différents organes. Si les pathologies cutanées ont été les plus décrites – et le vitiligo en particulier – des colites auto-immunes et pneumopathies interstitielles ont été rapportées plus récemment. C’est aussi le cas de maladies endocriniennes : insuffisance antéhypophysaire, dysthyroïdie, diabète.

« Les patients et les médecins traitants doivent impérativement être informés de ces risques afin de prendre un avis spécialisé au plus vite en cas de signes cliniques aigus qui peuvent sembler dans un premier temps peu alarmants : fatigue, diarrhée, dyspnée… », continue le Dr Stéphane Champiat.

Répartition des effets indésirables liés à une immunothérapie

Weber et coll. ont présenté à l’ASCO 2015 un poster sur les 474 effets indésirables liés à une immunothérapie à l’occasion des essais cliniques chez des patients atteints de mélanome métastatique.

Les plus représentés étaient les effets cutanés (33 % soit 155) qui survenaient en moyenne 5 semaines après la mise en place du traitement (0,1 à 57 semaines), suivi des effets gastro-intestinaux (14 % soit 66) un peu plus tardifs (7,3 semaines en moyenne, 0,1 à 37,6 semaines) et des effets endocrines qui ont concerné 36 patients (10,4 semaines en moyenne, de 3,6 à 46,9). Les atteintes hépatiques (19 patients, 7,7 semaines en moyenne), pulmonaires (9 patients, 8,9 semaines en moyenne) et rénales (8 patients, 15,1 semaines en moyenne) étaient moins fréquentes.

Cinétique des EILI

La cinétique d’apparition et de résolution des tous les EILI liés aux anti PD1 suit une courbe en U inversée toujours selon un travail présenté à l’ASCO 2015 par Weber et coll. sur les patients atteints de mélanome avancé et traités par anti PD1 à l’occasion d’essais cliniques.

- Pendant les 5 premières semaines, aucun cas de pathologie cutanée n’était signalé. Puis rapidement l’incidence augmentait : 10 % à la dixième semaine, 20% à la 12ème semaine, 30% à la 14ème semaine. Le pic était atteint à la 15ème semaine avec près de 34 % des patients concernés. La courbe d’incidence décroissait par la suite pour revenait à moins de 5% la 20ème semaine.

- Pour les effets indésirables gastro-intestinaux, la courbe était plus ramassée puisqu’elle commençait la 8ème semaine pour se terminer la 10ème semaine avec un pic à 14% des patients atteints la 9ème semaine.

- Les effets endocriniens débutent à la 10ème semaine, pour atteindre un pic la 23 ème semaine et décroitre jusqu’à la 39 ème semaine.

- Les effets hépatiques surviennent exclusivement entre la 8ème et la 11ème semaine.

- Les effets pulmonaires entre la 9ème et la 15ème semaine.

- Les effets rénaux entre la 15ème et la 20ème semaine.

Quel bilan à chaque cycle de traitement ?

Au moment de la mise en place d’une immunothérapie, le bilan doit comprendre une NFS avec dosage des plaquettes, un ionogramme avec dosage de la créatinine, un bilan hépatique avec mesure des transaminases et de la bilirubine, un bilan thyroïdien, et une imagerie thoracique de référence.

A chaque cycle, le bilan doit inclure une mesure de la NFS avec dosage des plaquettes, un ionogramme avec dosage de la créatinine, un bilan hépatique avec dosage des transaminases et de la bilirubine. La fonction thyroïdienne doit être vérifiée toutes les 2 à 3 cures.

L’examen clinique systématique sera orienté vers la recherche d’effets indésirables cutanés, pulmonaires ou endocriniens.

L’oncologue prescripteur doit ainsi savoir s’entourer

Les oncologues prescripteurs doivent être sensibilisés au risque d’EILI avec la prescription de check point inhibiteurs. La prise en charge repose avant tout sur la mise en place d’une équipe pluridisciplinaire qui sera à même de donner un avis spécialisé sur chacun des EILI détecté.

L’oncologue prescripteur doit ainsi savoir s’entourer d’un dermatologue, d’un endocrinologue, d’un pneumologue, d’un neurologue et d’un gastro-entérologues experts en pathologies liées à l’immunité.

Comment gérer les EILI ?

L’examen clinique et l’analyse biologique permet de détecter les effets indésirables liés à l’immunothérapie et de les différentier à la fois de la progression tumorale et des évènements fortuits non directement liés au traitement.

Avant tout, le traitement est fondé sur les recommandations disponibles. Il en existe pour gérer les effets indésirables. Ainsi, par exemple, les désordres endocriniens, gastro intestinaux, ou hépatiques….

Généralement, il s’agit d’un traitement symptomatique, associé à des corticoïdes ou des immunosuppresseurs, ces deux classes médicamenteuses étant utilisées avec une posologie décroissante progressive.

Les immunosuppresseurs permettent la résolution de 50 % des EILI de grade 3 et 4 cutanés et de 100 % des EILI de grade 3 et 4 gastro-intestinaux, endocrines, hépatiques et rénaux.

L’immunothérapie doit être suspendue pour les cas les moins graves voire arrêtée définitivement en cas de complications sérieuses. Si le traitement est repris, une vigilance particulière est recommandée en raison du risque de rechute ou de nouvel effet indésirable.

Généralement, l’immunothérapie est re-prescrite lorsque le grade des effets indésirables est repassé à 0 ou 1.

En revanche, il est nécessaire de suspendre définitivement le traitement en cas de EILI mettant en jeu le pronostic vital, d’impossibilité de réduire la corticothérapie, de l’existence d’effets de grade 2 ou 3 persistants ou en raison d’une toxicité sévère ou de grade 3 qui récidive.

Certains proposent de diminuer les doses ou d’espacer les cures, mais il n’existe aucune preuve de l’intérêt de cette approche.

 

REFERENCE :

  1. Session Tirer parti de l'immunité pour traiter le cancer : "Yes we can". S. Champiat (Gustave Roussy, Villejuif) Gestion des effets secondaires des immunothérapies en pratique clinique. SFC2015.

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