L’immunoscore a fait l’objet d’une vidéo du Dr Jérôme Galon mise en ligne sur Medscape.fr |
Paris, France -- « Avec un coût mensuel de 12 500 $ à 20 000 $, les immunothérapies vont peser sur les budgets de santé de tous les pays développés. C’est l’une des raisons qui doivent inciter à rechercher des marqueurs prédictifs de l’efficacité de ces traitements afin de les réserver aux seuls patients qui pourraient le plus en bénéficier. En effet, en moyenne seuls 20 à 40 % des malades, selon le type de cancer, présentent une réponse prolongée au traitement », explique leDr Julien Mazières (pneumologue et oncologue, Toulouse) à l’occasion du Congrès de la Société Française du Cancer (SFC) [1].
Les stratégies thérapeutiques bouleversées
Comme l’explique le Dr Franck Pagès (Laboratoire d’immunologie clinique, HEGP, Paris), « les données cliniques avec ces traitements font plus que confirmer les essais précliniques. Le traitement des cancers est d’ores et déjà bouleversé par ses nouvelles molécules ». Il faut dire que l’on a assisté en quelques mois à une avalanche de résultats positifs dans différents types de cancers – dont certains étaient considérés jusque-là comme peu immunogènes – : mélanomes, poumon, rein, œsophage, tête et cou, vessie, sein triple négatif, ovaire, hépatocarcinome, estomac…
Aujourd’hui, l’ipilimumab (Yervoy®, Bristol-Myers Squibb) est devenu le traitement du mélanome en deuxième ligne, voire en première pour les formes métastatiques d’emblée, et le nivolumab (Opdivo®, Bristol-Myers Squibb) et le pembrolizumab (Keytruda®, Merk&Co) sont indiqués en troisième et quatrième ligne pour les cancers épidermoïdes ou non du poumon.
Comment sélectionner les patients candidats aux immunothérapies ?
Dans un premier temps, les chercheurs se sont intéressés à l’expression de PD1 ou PD-L1 qui s’est avérée être un biomarqueur peu représentatif de l’activité des inhibiteurs de checkpoint. En outre, les méthodes de dosage sont encore peu standardisées. S’il est vrai que les patients qui expriment PD1 ou PD-L1 répondent mieux au traitement, nombre de patients qui n’expriment pas ces marqueurs répondent aussi aux inhibiteurs.
Alors quel autre facteur prédictif pourrait être pris en compte ?
« La classification TNM (tumeur, adénopathies, métastases) n’est plus de mise depuis quelques années. L’arrivée des nouveaux traitements (inhibiteurs de tyrosine kinase et immunothérapie) nous a imposé un changement de paradigme : on parlait déjà de classification morphologique, de classification en fonction de l’origine des cellules, en fonction des voies de signalisation moléculaires, de l’existence de mutations, de l’expression de certains gènes, mais désormais il faudra aussi prendre en compte la réponse immunitaire de l’hôte. Et pour cela, on peut doser les lymphocytes T CD3+, les CD8+, la densité lymphocytaire et leur localisation (médiane ou périphérique).
Le « paysage immunitaire » de la tumeur
Le score immunitaire Immunoscore® apparaît comme un élément beaucoup plus spécifique de la survie que la classification TNM ou la classification morphologique.
Tous ces paramètres ont été réunis en un score simple : l’Immunoscore® qui évalue donc le « paysage immunitaire des tumeurs » [2]. Une réponse adaptative importante faisant intervenir des lymphocytes T mémoire est associée à un développement plus rare de métastases et à une meilleure survie et en analyse multivariée.
Le score immunitaire Immunoscore® apparaît comme un élément beaucoup plus spécifique de la survie que la classification TNM ou la classification morphologique (p=0,00001 contre p=0,25 et p=0,84) », explique le Dr Jérôme Galon (directeur du laboratoire d’immunologie cancérologie intégrative INSERM Unité UMRS 1138). Plus le score immunitaire est important, moins le risque de progression, d’invasion et de récurrence tumorale est marqué.
Rendre les tumeurs immunogènes
Les cancers peu immunogènes seront-ils exclus d’une prise en charge par les immunothérapies ? « Non », a expliqué le Dr Galon, car « il est possible de les rendre plus immunogènes en utilisant au préalable des techniques qui permettent de favoriser l’infiltration de la tumeur par des lymphocytes : radiothérapie, vaccin, voire certaines chimiothérapies. Grâce à cette approche, la proportion des patients potentiellement répondeur pourrait être majorée ».
Un développement commercial de l’Immunoscore® Le Dr Jérôme Galon a cofondé la Société HalioDX qui a pour but de développer un test Immunoscore® utilisable en routine afin d’évaluer le contexte immunitaire tumoral [3]. Ce score coté de 0 à 4 pourra être utilisé comme une valeur pronostique de la maladie (score 4 associé à une survie globale supérieure à 15 ans et score 0 à une survie inférieure à 2 ans). L’Immunoscore® pourrait trouver une place comme un outil de stratification et comme une aide à la mise en place d’une immunothérapie. Enfin, ce score pourrait être intégré dans les essais cliniques. Un consortium international, le Worldwide Immunoscore Consortium, a été formé avec 23 centres de lutte contre le cancer et il a reçu le soutien de plusieurs sociétés savantes afin de valider rétrospectivement ce critère dans le cancer colorectal [4]. Une étude similaire sera menée en France dans le cadre d’un PHRC (Programme Hospitalier de Recherche Clinique). |
REFERENCES :
Session Tirer parti de l'immunité pour traiter le cancer : "Yes we can". J. Galon (Centre de Recherche des Cordeliers, Paris). Quels biomarqueurs pour les immunothérapies ? SFC 2015.
Bindeau G, Mlecnik B, Angelle H, Galon J. The immune landscape of human tumors: Implications for cancer immunotherapy. Oncoimmunology. 2014 Jan 1;3(1):e27456. Epub 2014 Jan 3.
Galon J, Angell H, Bedognetti D, Marincola F. The continuum of cancer immunosurveillance: prognostic, predictive, and mechanistic signatures. Immunity. 2013 Jul 25;39(1):11-26. doi: 10.1016/j.immuni.2013.07.008.
Antei M, Zeitoun G, Mlecnik B et coll. Prognostic and predictive values of the immunoscore in patients with rectal cancer. Clin Cancer Res. 2014 Apr 1;20(7):1891-9. doi: 10.1158/1078-0432.CCR-13-2830.
Citer cet article: L’immunothérapie va imposer une nouvelle classification des cancers - Medscape - 23 juil 2015.
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