POINT DE VUE

Dr Eric Topol : mes projections pour la médecine de demain

10 juillet 2015

New-York, Etats-Unis -- A l’occasion des 20 ans de Medscape.com,le Dr Eric Topol, rédacteur en chef du site a livré sa vision de la médecine de demain.

Chers lecteurs de Medscape,

Au moment de célébrer 20 années de publication sur Medscape pour les professionnels de santé, j'ai pensé qu'il serait intéressant de revenir sur ces 20 dernières années avant d'évoquer le futur.

En 1994, au moment de la création de Medscape, une infographie publiée dans The Economist m’a particulièrement marqué, au point de rester ancré dans un coin de ma mémoire. Ses prédictions pour l'avenir étaient assez audacieuses puisqu’elles annonçaient et dans un délai très court, l'arrivée des robots en chirurgie et de traitements contre les maladies génétiques, telle que la mucoviscidose (efficaces mais non curatifs).

A la recherche de l’élixir de jeunesse

En revanche, The Economist prédisait aussi, d’ici 2020, la possibilité de disposer d’un médicament améliorant la longévité. C’était bien trop optimiste. Toutefois, le fait que plusieurs entreprises, dont Calico ou Human Longevity, soient désormais activement impliquées dans la poursuite de cet objectif, avec financement conséquent à l’appui, rend cette perspective un peu plus réaliste. Ces dernières années, la compréhension du processus de vieillissement chez l'homme s'est clairement améliorée, ce qui devrait renforcer les efforts menés pour augmenter la durée de vie. Peut-être qu'un jour, dans les 20 prochaines années, cette idée de médicament agissant sur la longévité sera d'actualité.

Ceci dit, la perspective de guérir la plupart des maladies et de faire passer l'espérance de vie de 85 à 100 ans d'ici 2040-2050 semble « quelque peu » idéaliste. Vu le peu de médicaments permettant une véritable guérison, il semble difficile de croire qu'on assistera à une augmentation exponentielle de l’espérance de vie en un laps de temps si court.

En revanche, je pense que nous sommes et seront de plus en plus à même de prévenir les maladies d’apparition brutale comme l’infarctus du myocarde, l'accident vasculaire cérébral, les convulsions, l'asthme ou les maladies auto-immunes. Avec les outils de la biotechnologie, comme le séquençage ADN ou les marqueurs ARN, nous serons en mesure d'identifier les personnes à risque élevé de développer certaines pathologies. Des biocapteurs portatifs ou incorporés pourraient être utilisés pour assurer une meilleure surveillance des patients, et ce, de manière continue, avant même l'apparition de signes cliniques. Cela nécessitera une connaissance plus poussée des outils technologiques en vue d’une utilisation pour sa propre personne.

De plus, dans les années à venir, il devrait être plus aisé de suivre de larges cohortes d'individus malades ce qui permettra de proposer une stratégie préventive contre une ou plusieurs de ces pathologies.

La révolution du cancer est en cours

Pour ce qui est du cancer, une révolution est déjà en cours avec la biopsie liquide, réalisée à partir d'un prélèvement sanguin, qui remplace ou complète la biopsie tissulaire. A terme, cette nouvelle approche des cancers pourrait être autant utile au diagnostic qu’au suivi des patients.

Cela nous a amené Steve Quake et moi-même, à écrire en début d'année, " A stethoscope for the next 200 years ", dans le Wall Street Journal. Ce futur « stéthoscope » ausculte l'intérieur du corps au niveau moléculaire, avec une capacité toute nouvelle à analyser la biologie de l'individu pour savoir si le patient est au stade précoce de développement d’un cancer. De quoi modifier notre approche du bilan de santé annuel !

Anticorps contre la maladie d’Alzheimer

Un autre espoir porte sur la prévention de la maladie d'Alzheimer. Le laboratoire pharmaceutique Biogen a apporté la preuve que les auto-anticorps issus de personnes âgées dont les fonctions cognitives sont restées intactes, peuvent être employés contre la protéine bêta-amyloïde, plusieurs années avant que ne se forment les plaques amyloïdes responsables de la maladie d'Alzheimer. Cette recherche laisse envisager qu'un jour nous passions d’un objectif de guérison à celui de prévention. Bien entendu, il ne s’agit ici que de projections futuristes qui doivent être développées et validées.

Les dérives du surdiagnostic et du surtraitement

Je reste en revanche très méfiant à l’égard du risque de surdiagnostic et de surtraitement qui pourrait également arriver dans les prochaines années. Ce risque de dérive est particulièrement bien abordé dans le livre "Overdiagnosed: making people sick in the pursuit of health* (Beacon Press, 2011) de Gilbert Welch, Lisa Schwartz et Steve Woloshin, et dans l'article de Atul Gawande, paru dans le New Yorker sous le titre "Overkill"

Nous sommes encore loin de ces avancées potentielles. Toutefois, être seulement capable de percevoir ces possibilités est juste fascinant. Une chose est sure: dans 20 ans (et espérons avant), nous ne serons pas en train de parler de "médecine de surspécialité", de "médecine personnalisée", de "médecine digitale" ou de "médecine génomique", mais seulement de "médecine". Et Medscape sera là pour en assurer la couverture.

Cordialement.

Eric J. Topol

 

*Le surdiagnostic qui rend malade ceux qui sont à la recherche de leur santé.

Traduction : V Richeux, C Desmoulins d’après un texte paru sur Medscape.com

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