Déclenchement de l'accouchement: quelles précautions pour éviter la condamnation ?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

9 juillet 2015

Monaco, Principauté de Monaco - - Quelles conditions respecter pour se prémunir d'une condamnation après des complications liées à un déclenchement de l'accouchement ? Le point avec le Dr Jean-Michel Dreyfus (gynécologue, Lyon), membre de l'Association de prévention du risque opératoire (Asspro), qui est intervenu lors du congrès GynMonaco 2015 [1].

Stable dans les années 1990, le taux de déclenchement de l'accouchement a progressé à nouveau dans les années 2000 pour passer de 19,7% en 2003, à 22,7% en 2010, selon les chiffres de la dernière enquête nationale périnatale. Une situation jugée préoccupante, compte tenu du risque non négligeable de morbidité maternelle et néonatale, sans compter le risque de césarienne, qui se retrouve doublé, voire triplé.

Pour se prémunir d'une condamnation en cas de procédure judiciaire, il est avant tout conseillé de s'assurer qu'une information complète est apportée à la patiente, a souligné le Dr Dreyfus. Le défaut d'information reste, en effet, une cause majeure de condamnation des praticiens.

Le devoir d'information primordial

« L'information doit être orale et écrite. La fiche d'information doit préciser ce qu'est un déclenchement et mentionner les motifs médicaux ou de convenance, ainsi les risques de contractions violentes, de césarienne et de rupture utérine ».

Il peut aussi être pertinent de « décrire en quelques mots les signes d'alerte d'une rupture utérine, afin que la patiente puisse elle-même assurer une autosurveillance ».

La date de remise du document d'information est à préciser dans le dossier, tout comme celle du retour, une fois que la patiente a signé son consentement. « Cette traçabilité doit figurer impérativement dans le dossier. »

Par ailleurs, les raisons du déclenchement sont à mentionner en détail dans le dossier, en précisant « le motif du déclenchement, le déroulement pratique et le mode opératoire choisi ». Il faut aussi pouvoir montrer que l'indication a été validée.

En plus du consentement signé de la patiente et de l'indication détaillée et validée, « un bon dossier précise chacune des interventions, avec date et heure de réalisation, ainsi que le nom des intervenants. Les comptes rendus doivent être complets. »

Si le dossier semble litigieux, le Dr Dreyfus recommande de le photocopier. Un moyen de se prémunir des pertes de document ou des modifications qui pourraient être apportées par un tiers après le dépôt de plainte.

Définir le protocole de partage des tâches

Autre point fondamental: le protocole de partage des tâches. Il est recommandé de le mettre en place en incluant les sages-femmes, le gynécologue, l'anesthésiste et le pédiatre. « Il doit être clairement défini ».

« La décision du déclenchement appartient à la sage-femme, avec le contrôle du gynécologue obstétricien », rappelle le médecin. « L'examen du col est à réaliser systématiquement au début du déclenchement. C'est également à la sage-femme d'évaluer les difficultés pouvant survenir pendant l'accouchement. »

En cas de déclenchement sur utérus cicatriciel, « le gynécologue doit être sur place dans un délai de 10 à 15 minutes, considéré par les juristes comme un délai raisonnable ». Selon le spécialiste, « la non disponibilité du médecin peut être reproché, ainsi que l'absence de médecin de garde. »

« Il est très important de pouvoir recourir à une césarienne en une dizaine de minutes lorsqu'on envisage un déclenchement », estime le Dr Dreyfus.

Surveillance maternelle et foetale par écrans de contrôle centralisés

En ce qui concerne la surveillance après un déclenchement, il est essentiel d'avoir un tableau de garde clairement affiché et facilement accessible.

« La surveillance maternelle et foetale doivent pouvoir s'effectuer à travers des écrans de contrôle centralisés ». Une attention particulière est à apporter au rythme cardiaque foetal, qui « doit être surveillé en continu ».

En dehors du manque d'information, « les carences rapportés par les experts [judiciaires] sont l'absence de protocole affiché, un médecin non disponible, l'absence de tableau de garde et un délai d'intervention du médecin de garde jugé excessif », résume le Dr Dreyfus.

Sur le plan opérationnel, « il peut être reproché une mauvaise surveillance cardiaque ou une posologie de l'ocytocine inadaptée », surtout si elle conduit à une hypertonie, découverte trop tardivement.

Déclenchement du travail: quelles indications ?

Le déclenchement artificiel du travail est recommandé en cas de dépassement du terme, à partir du sixième jour après 41 semaines d'aménorrhée (SA), indique la Haute autorité de santé (HAS) dans ses recommandations.

La rupture prématurée des membranes constitue également une indication médicale. « Si les conditions cervicales sont favorables, un déclenchement immédiat peut être envisagé ». Le délai d'attente ne doit pas dépasser 48 heures.

En cas de diabète mal équilibré ou avec retentissement foetal, « il est recommandé de ne pas dépasser 38 SA + 6 jours ». Si le diabète gestationnel est bien équilibré, la grossesse peut se dérouler normalement.

Parmi les autres indications médicales figurent les grossesses gémellaires, la mortalité périnatale étant alors augmentée après 39 semaines, le retard de croissance intra-utérin ou une pré-éclampsie.

L'indication d'antécédent d'accouchement rapide (moins de 2 heures) est contestée.

S'agissant du déclenchement pour une indication non médicale, il ne peut être envisagé qu'à partir de 39 semaines, en cas d'utérus non cicatriciel et de col favorable.

REFERENCE :

  1. Dreyfus JM, Aspect médico-légal du déclenchement de l'accouchement, GynMonaco, 12 juin 2015.

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