Quid de l’épisiotomie 10 ans après l’arrêt de la pratique systématique ?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

7 juillet 2015

Monaco, Principauté de Monaco - Le taux d'épisiotomie a nettement diminué en France. Toutefois, « il ne faudrait pas descendre sous les 10 à 15% » en salle d'accouchement, afin de limiter le risque de complications liées aux lésions périnéales, selon le Pr Pierre Mares (pôle gynéco-obstétrique, CHU de Nîmes), qui est intervenu au congrès GynMonaco 2015 [1].

En raison d'un manque de bénéfices, notamment dans la prévention de l'incontinence et des troubles de la statique pelvienne, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a recommandé, en 2005, de ne plus réaliser d'épisiotomie systématique.

Ne pas avoir peur de l'épisiotomie

La pratique a alors régressé en France. Le taux d'épisiotomie a été réduit d'environ un tiers chez les primipares en près de dix ans, passant de 71% en 1998, à 44% en 2010, selon une enquête nationale périnatale. Parmi les multipares, 14,3% avaient subi cette incision du périnée en 2010.

Dans certaines salles d'accouchement, l'opération est presque devenue exceptionnelle. Pourtant, selon le Pr Mares, « les épisiotomies restent dans certains cas nécessaires afin de limiter des dégâts périnéaux immédiats ».

On ne peut pas avoir moins de 10 à 15% d'épisiotomie – Pr Pierre Mares

Sans aucune intervention, les déchirures du périnée sont, en effet, relativement fréquentes. « Lors d'un accouchement, elles surviennent dans 60% des cas chez les primipares et sont sévères dans près de 10% des cas », rappelle le gynécologue.

« Il ne faut pas avoir peur de l'épisiotomie. Il apparait désormais important d'adapter la pratique à la femme et aux conditions de naissance de l'enfant », dans l'objectif de réduire le risque de complications.

Au final, « on ne peut pas avoir moins de 10 à 15% d'épisiotomie », estime le Pr Mares. « Il s'agit non seulement de réussir un accouchement, mais aussi de préserver la fonctionnalité du périnée sur le long terme ». Par ailleurs, se détourner de l'épisiotomie aurait tendance à favoriser la césarienne.

Episiotomie médio-latérale à 60°

Lorsque la section du périnée s'avère nécessaire, notamment quand les muscles se révèlent au toucher près à se rompre, « l'opération doit être réalisée en respectant des règles très précises. Et, la suture est à envisager comme une chirurgie plastique, en respectant l'anatomie et la fonction du périnée. »

Parmi les modes opératoires, l'épisiotomie médio-latérale est à privilégier. Selon les recommandations du CNGOF, « elle doit partir de la fourchette vulvaire, se diriger à 45° au moins vers la région ischiatique, sur 6 cm environ, et sectionner en théorie le muscle puborectal ».

Pour limiter le risque de déchirure sur le sphincter anal, il vaut mieux rechercher « un angle minimum de 60° », voire réaliser une épisiotomie quasi latérale « à 20° de l'horizontale », conseille le Pr Mares.

Selon une étude norvégienne [2], chaque écart de 5 mm entre la fin de l'épisiotomie et le sphincter anal est associé à une baisse du risque de lésion de 70%.

Pour respecter cet angle de section, il existe désormais des ciseaux comprenant une tige à positionner sur le plan vertical. La section médio-latérale peut alors être effectuée exactement à 60° vers la région ischiatique.

Associer toucher rectal et vaginal

En cas d'accouchement sans intervention chirurgicale, l'absence de lésion est à vérifier en associant un toucher rectal à un toucher vaginal, a rappelé le Pr Mares. « Tant que ces deux touchers n'ont pas été réalisés, on ne peut pas affirmer qu'il y a eu un accouchement normal ».

Dans 30% des cas, les déchirures du sphincter anal ne sont pas dépistées. Il y a donc intérêt à ce que « l'échographie du sphincter anal devienne obligatoire, et non plus réservée à certains accouchements », estime le gynécologue.

« Je reçois encore beaucoup de femmes se plaignant de douleur périnéale longtemps après l'accouchement et qui n'ont plus de rapports sexuels depuis plus d'un an, alors que leur accouchement a été déclaré comme normal ».

Un fil, un nœud : la suture idéale
Envisager la suture d'une épisiotomie « comme une chirurgie plastique », en privilégiant la technique utilisant un fil et un noeud. C'est ce que recommande le Pr Mares pour préserver au mieux le périnée et éviter l'apparition de douleurs plusieurs années après l'opération, notamment lors de la ménopause.

Lors d'une autre intervention [3], le Pr Wassim Badiou (chirurgien gynécologue, Toulouse) a expliqué la technique, vidéos à l'appui. Contrairement à une réfection distinguant les plans vaginal, musculaire et sous cutané, celle qui utilise un seul fil vise à recoudre en une seule fois les trois plans. « Elle réduit les douleurs immédiates et diminue le risque d'oedèmes périnéaux », souligne le Pr Badiou.

Après un bilan lésionnel, « le premier point commence au niveau de l'angle vaginal ». Le surjet est réalisé « de manière asymétrique afin de restituer au mieux la fourchette vulvaire, une fois le plan vaginal terminé ». La difficulté de la technique réside dans le fait de ne pas pouvoir faire marche arrière.

« La progression est stoppée au niveau de la fourchette vulvaire. On redescend ensuite sur le plan musculaire, jusqu'à l'angle de l'épisiotomie ». Le rapprochement des tissus doit s'effectuer sans serrer, puisque « la fibrose permet ensuite de restituer l'anatomie du plancher pelvien ».

« On remonte alors sur le plan sous-cutané ». Une fois sur la fourchette pubère, « on pose idéalement un dernier point dans le muscle constricteur du vagin, ce qui va permettre de redescendre avec un surjet intradermique vers l'angle de l'épisiotomie ».

La suture se termine par d'une boucle, puis le fil est ressorti « en dehors de la cicatrice, à un point situé à 2 cm, à la perpendiculaire de l'anus ».

REFERENCES :

1. Mares P, Préparation du périnée pendant la grossesse, GynMonaco 2017, présentation du 11 juin 2015 .

2. Stedenfeldt M, Pirhonen J, Blix E, Episiotomy charactéristic and risks for obstetric anal sphincter injuries: a case-control study, British Journal of Obstetrics and Gynaecology, 119(6), pp 724/730, mai 2012.

3. Badiou W, Réfection de l'épisiotomie: "un fil, un noeud", GynMonaco 2017, présentation du 11 juin 2015.

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