Faut-il prescrire de la vitamine D pour prévenir le diabète de type 2?

Pr Chantal Mathieu, Pr Ronan Roussel

Auteurs et déclarations

27 juillet 2015

Pr Ronan Roussel

Endocrino-diabétologue Département Hospitalo-Universitaire FIRE Groupe Hospitalier Bichat - Claude Bernard, Paris

Pr Chantal Mathieu

Professeur de médecine Présidente, Division d’endocrinologie clinique, Université Catholique de Louvain, Louvain, Belgique

Quel est le rôle de la vitamine dans la prévention et le traitement du diabète de type 2? Que disent les données récentes? Qui doser, qui supplémenter? Le point avec Chantal Mathieu et Ronan Roussel.

(Correction : dans l’étude SUNNY [1], la dose était 50 000 UI par mois et non 4000 UI comme mentionné dans la vidéo.)

 

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Enregistré le 6 juin 2015

Transcription de la discussion :

Ronan Roussel (RR) : Bonjour et bienvenue sur Medscape. Nous allons aujourd’hui aborder la question de la relation entre la carence en vitamine D et le risque de diabète. Et pour cela je suis avec le professeur Chantal Mathieu de l’Université de Louvain, en Belgique. Bonjour Chantal.

Chantal Mathieu (CM) : Bonjour.

RR : Cette relation entre carence en vitamine D et risque de diabète est probablement assez fréquente. Quelle est l’étroitesse de ce lien?

CM : Des études épidémiologiques démontrent en effet qu’une carence en vitamine D -- ou même une déficience en vitamine D, donc des taux assez bas sans être dans le niveau de la carence -- entraîne un risque accru de développer le diabète, en particulier le diabète de type 2.

RR : Dans une situation de carence, le risque est-il augmenté de 10%? Est-il doublé?

CM : Il y a des études qui démontrent que dans certaines populations, le risque est doublé. Par contre, l’interprétation de ces études épidémiologiques est très difficile. C’est-à-dire que la carence en vitamine D s’accompagne toujours d’un profil spécifique. La plupart de ces gens carencés en vitamine D étaient aussi obèses, plus âgés, très fréquemment d’origine non-Européenne. Il existe donc plusieurs facteurs de risque qui accompagnent la carence en vitamine D dans le diabète de type 2.

RR : Tu suggères donc qu’il y a des facteurs confondants et que finalement cette relation n’est par une relation de causalité.

CM : Il y a certainement des facteurs confondants, mais quand on corrige ces facteurs (obésité, âge etc.), on observe toujours un risque accru et qui varie selon les populations. Certaines études montrent que le [risque est doublé] quand on est en carence.

RR : A-t-on une idée de la plausibilité biologique des mécanismes impliqués?

CM : […] Il y a des récepteurs de la vitamine D dans les cellules bêta, dans les cellules cibles de l’insuline, dans le foie, le muscle et les tissus adipeux. On pense que la vitamine D pourrait avoir une fonction physiologique dans ces tissus [et donc dans la pathophysiologie du diabète de type 2]. Chez les patients carencés en vitamine D, on observe un moindre fonctionnement de la cellule bêta comparativement à la normale,  c’est-à-dire qu’il y a un dysfonctionnement de la cellule bêta, et également une résistance à l’insuline. Donc quand on est carencé en vitamine D, on a à la fois une fonction de la cellule bêta qui est diminuée et une résistance à l’insuline qui est accrue.

RR : A-t-on des notions d’interventions chez l’animal ou chez l’homme qui impacteraient, peut-être pas le diabète de type 2 -- je pense que si la vitamine D prévenait le diabète de type 2, on le saurait! -- mais les critères intermédiaires comme l’insulinosécrétion ou l’insulinosensibilité? Est-on plus insulinosensible lorsqu’on prend de la vitamine D?

CM : Il y a plusieurs années, des études ont été faites dans des populations très carencées en vitamine D, par exemple les patients sous dialyse. Quand on a [supplémenté] en vitamine D ces populations très à risque, on a observé une amélioration de la sensibilité à l’insuline ainsi qu’une réduction du risque de diabète de type 2. Cependant, il s’agit d’études assez anciennes,  non randomisées et donc très difficile à interpréter. Il y a des études plus récentes, comme par exemple l’étude SUNNY [1] dans laquelle où on a donné [50 000 UI par mois] de vitamine D à des gens qui avaient déjà le diabète de type 2 : Il n’y avait aucune différence dans le taux d’hémoglobine glyquée etc.  Donc c’est très difficile de dire si prendre plus de la vitamine D quand on est déjà diabétique de type 2 a un impact. […]

RR : Donc dans le diabète de type 2, la vitamine D n’est pas un élément du contrôle glycémique, en tout cas pas un élément qui permet de modifier ce contrôle métabolique. Mais existe-il des essais en cours dans la prévention du diabète?  

CM : Sur le site clinicaltrials.gov, où sont enregistrées la plupart des études, on peut voir beaucoup d’essais en cours dans le diabète de type 2 qui regardent de façon très mécanistique la résistance à l’insuline et la fonction de la cellule bêta, et aussi dans des populations très intéressantes comme par exemple le diabète gestationnel. Dans cette population à risque, est-ce qu’éviter la carence en vitamine D permet de prévenir le diabète gestationnel? Il y a donc beaucoup d’études et elles sont très élégantes parce qu’elles ont une [durée] assez limitée et donc donneront des résultats assez rapidement. 

RR : Les choses vont donc avancer rapidement. Il existe déjà des recommandations dans le contexte du bilan phosphocalcique et du risque fracturaire. Est-ce que la prévention du diabète est un argument sur lequel on doit finalement [se baser pour] augmenter notre prescription de dosage de vitamine D? Par exemple, chez un patient originaire d’un autre pays à fort risque, obèse, avec des antécédents familiaux : dois-je doser la vitamine D chez lui plutôt que chez un autre? Que faut-il faire aujourd’hui?  

CM : J’ai déjà participé à des débats très animés sur ce sujet : Faut-il doser la vitamine D ou pas? Mon opinion est que [compte tenu] de la prévalence de carence en vitamine D dans nos pays, surtout dans les populations à risque, ceux qui ont la peau foncée, les gens plus âgés etc., on sait qu’il y a une carence. Donc je pense qu’on peut même éviter de mesurer la vitamine D dans le sérum. Il faut juste donner la vitamine D à tout le monde. Combien doit-on donner? Il faut adhérer aux recommandations internationales, c.-à-d. entre 600 et 800 UI [par jour]. Ce ne sont pas des doses fortes, mais si on peut déjà donner ces petites doses à tout le monde, on évitera les cas de carence très élevée et peut-être que cela affectera aussi le risque de diabète.

RR : En effet, on n’est pas dans des [doses] qui peuvent conférer un danger particulier et on va probablement corriger des petites anomalies.  Les essais [futurs] nous diront si c’est vraiment le cas. Y a-t-il des recommandations qui vont aller dans ce sens-là?

CM : Pour l’instant les recommandations adhèrent toujours à des doses assez basses de vitamine D parce qu’il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une vitamine lipophilique et donc qu’on ne peut pas l’éliminer par l’urine. Elle peut s’accumuler et entraîner des cas de toxicité : hypercalcémie, néphrocarcinose etc. Donc pour l’instant, le message pour les médecins est :

1) Éviter la carence en vitamine D : Il y a des données épidémiologiques qui montrent un certain lien avec l’insulinorésistance, le dysfonction de la cellule bêta et donc le diabète de type 2.
2) Mesurer? Non, mais il faut regarder les populations à risque et donner les doses recommandées actuellement partout dans le monde, c.-à-d. 600 à 800 UI/j.

RR : Il n’y a pas de raison de penser que des doses supraphysiologiques pharmacologiques vont forcer le système et constituer un traitement préventif du diabète, n’est-ce pas? Pouvez-vous clarifier pour qu’il n’y ait pas de surinterprétation?

CM : Quand on regarde les études dans les modèles animaux, [donner des doses supraphysiologiques] ne marche pas. Quand on a une carence [en vitamine D], on a plus de résistance, plus de dysfonctionnement de la cellule bêta. Mais donner plus de vitamine D à des animaux qui ont déjà des taux normaux en vitamine D, n’est pas bénéfique. Chez l’homme, il faut vraiment attendre des études qui démontreraient que donner des doses plus élevées [aurait un effet bénéfique]. Dans ce cas, il faudra naturellement le faire, mais pour l’instant non. Il faut adhérer aux doses recommandées - 600 à 800 UI.

RR : Donc une prescription facile de petites doses chez les populations à risque, sans nécessité de dosage.

CM : Absolument. Et on peut le faire de façon journalière -- ma façon préférée -- ou bien chaque mois.

RR : D’accord, c’est très clair. Merci beaucoup Chantal Mathieu.

RÉFÉRENCE

  1. Krul-Poel YH, Westra S, Ten Boekel E Effect of Vitamin D Supplementation on Glycemic Control in Patients With Type 2 Diabetes (SUNNY Trial): A Randomized Placebo-Controlled Trial. Diabetes Care. 2015 May 13. pii: dc150323.

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