Divulgation du secret médical entre amis : le Conseil d’Etat dit non

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

6 juillet 2015

Cet article a fait l’objet d’un commentaire par Maitre Alice Meier-Bourdeau, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, l’une des avocates qui a plaidé l’affaire.

Paris, France -- « Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés »,dit le Serment d’Hippocrate. Et le Conseil d’Etat a ajouté le 17 juin 2015 que cette obligation de secret doit être étendu à toutes les personnes qui se confient à un médecin, y compris les amis soignés par un autre praticien.

Epilogue d’une histoire de Clochemerle, qui devrait inciter tous les médecins au secret absolu, même lorsqu’il s’agit de sa famille ou de connaissances plus ou moins proches.

Respect du secret médical entre amis

L’histoire commence le 23 décembre 2011 dans la Loire par la consultation d’une jeune femme dans un cabinet médical tenu par un couple de ses amis : lui généraliste, elle gynécologue. L’examen gynécologique réalisée par la spécialiste avait conclu à une possible infection sexuellement transmissible.

La patiente s’était confiée à titre personnel en dehors de toute consultation ce même jour au généraliste qu’elle a rencontré dans le secrétariat du cabinet. Elle avait fait part de ses doutes quant à une possible contamination par son ancien compagnon. L’ami médecin lui avait conseillé de prévenir cet homme afin qu’il procède à des tests si l’infection gynécologique était confirmée.

La jeune femme a fait part de son refus et a explicitement demandé aux deux médecins de respecter le secret médical.

Mais le généraliste est passé outre. Il a directement contacté l’homme pour l’inciter à se faire dépister et se soigner.

La patiente a porté plainte auprès du Conseil de l’Ordre pour divulgation du secret professionnel.

Le 24 janvier 2013, le conseil départemental de l'Ordre des Médecins de la Loire a transmis à la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des Médecins de Rhône Alpes, comme il est usuel pour limiter les risques d’interférences entre confrères du même département. Celle-ci a rejeté la plainte.

Le conseil départemental de l'Ordre des Médecins de la Loire, le Conseil National de l'Ordre des Médecins et la patiente ont fait appel de cette décision.

Le 24 septembre 2014, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a annulé la décision et infligé au médecin une peine d'interdiction d'exercer la médecine pendant trois mois à compter du 1er janvier 2015.

A son tour, le praticien a fait appel auprès du Conseil d’Etat fin 2014.

L’échange avait eu lieu hors du cabinet

 
Le Conseil d’Etat estime que le secret institué par ces dispositions s'étend à toute information de caractère personnel confiée à un praticien par son patient ou vue, entendue ou comprise par le praticien dans le cadre de son exercice.
 

Et ses conclusions du Conseil d’Etat sont sans appel : le médecin a eu tort.

Deux articles du code de la Santé Publique ont été mis en avant pour appuyer ce jugement : « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant (article L. 1110-4). ».

« Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris (article R. 4127-4).

Le Conseil d’Etat estime que le secret institué par ces dispositions s'étend à toute information de caractère personnel confiée à un praticien par son patient ou vue, entendue ou comprise par le praticien dans le cadre de son exercice. Il précise que la patiente s’était adressée au médecin pour sa qualité de médecin. Il ajoute que l’échange avait eu lieu en dehors du cabinet du médecin et que la patiente n’était pas venue le consulter.

Le Conseil d’Etat conclut que « la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant trois mois prononcée à son encontre n'est pas hors de proportion avec les faits retenus ».

 

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