Planète en surchauffe : un nouveau péril sanitaire mondialisé ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

3 juillet 2015

Genève, Suisse – Coup de chaud sur la France. Les organismes, surtout les plus fragiles, souffrent. Mais il va falloir s’y habituer car, réchauffement climatique ou pas, les épisodes de canicule se multiplient, et sur tous les coins de la planète, y compris les moins attendus. Alors que l’année 2015 est en train de battre des records de chaleur, le WHO (World Health Organisation) et le WMO (World Meteorological Organization) viennent de publier ensemble un rapport qui fait le point sur les liens entre fortes chaleurs et santé. Les deux organisations mondiales proposent, à défaut de pouvoir agir sur leurs survenues, de savoir les anticiper et s’y préparer en mettant en place des systèmes d’alerte et une gestion appropriée de ce qui pourrait devenir un nouveau péril sanitaire mondialisé [1].

Canicule : un risque sanitaire à part entière

« Même si elles n’ont pas la violence et le côté spectaculaire que peuvent avoir d’autres phénomènes naturels, comme les crues soudaines et les cyclones tropicaux, les épisodes de canicule ont des conséquences tout aussi sévères et requièrent toute notre attention» déclarent, de façon volontairement conjointe, Maxx Dilley et Maria Neira, respectivement directeur de la branche sur les prévisions climatiques du WMO et directrice du département de santé publique et déterminants sociaux et environnementaux de l’OMS [2].

Au cours des 50 dernières années, les épisodes caniculaires se sont multipliés, pendant que leur longueur et leur intensité allaient en s’amplifiant. L’Asie en est un bon exemple, si l’on s’en tient juste aux derniers mois. « En Inde, 2015 est considérée comme la deuxième année la plus meurtrière de l'histoire du pays (2451 personnes étaient mortes en 1998 lors de la première) et la cinquième la plus fatale sur l'ensemble de la planète, selon les chiffres du EM-DAT, une base de données internationale sur les catastrophes naturelles » peut-on lire dans Geopolis [3]. Au mois de juin, c’est au tour du Pakistan de connaitre une vague de chaleur extrême qui fait des ravages chez les personnes les plus fragiles. « 700 morts ont déjà été enregistrés depuis le 20 juin 2015, dont la plupart dans la seule ville de Karachi [3] », où l’on a observé des températures atteignant 45 degrés Celsius.

De fait, l’OMS et le WMO ont décidé de « renforcer leur collaboration pour répondre aux risques sanitaires en cas d’événements climatiques extrêmes et de la menace croissante liée aux changements climatiques. » La chaleur pourrait, en effet, si elle s’intensifiait constituer un véritable péril pour la santé humaine, au même titre que le sont les maladies cardiovasculaires, infectieuses ou le cancer.

Même prise de conscience de la part du Lancet, qui, a consacré son édition spéciale du 22 juin aux conséquences des changements climatiques sur la santé [5]. La revue scientifique prédit en effet que des vagues de chaleur de l’intensité de celle qu’a connu la France en 2003 ou bien la canicule russe de 2010 pourraient se généraliser et devenir, dans les scénarios les plus pointus, la nouvelle norme estivale dans de nombreuses régions. Les conséquences sanitaires seraient d’autant plus sévères que les personnes de plus de 65 ans ont migré vers les zones urbaines.

Epidémie de canicules
Ce n’est pas une canicule, mais 5 ou 6, voire plus, qui ont sévi ce printemps en des endroits très dispersés sur la planète, voire très inhabituels, indique Science Presse [4]. Outre l’Inde et le Pakistan, Israël a fait face début juin, au début du mois à des pics de températures de 45°C, tandis que le Japon, la Corée et l’Est de la Chine ont aussi connu des températures-records au printemps. Au Japon, les services de santé rapportent que 780 personnes ont été admises dans les hôpitaux pour des coups de chaleur; et deux décès sont à déplorer, rapportent les journalistes québécois. Enfin, les États-Unis ont été frappés par deux canicules, l’une en Floride, et l’autre… en Alaska. De quoi surprendre et inquiéter puisque, dans cet état au climat classiquement polaire ou subpolaire, « la température y était par moment plus élevée qu’en Arizona ». Sans doute, considère Science Presse, faut-il y voir « les signes qu’il ne s’agit pas d’une «simple» canicule, mais d’un réchauffement plus global. » Sachant que l’année n’est pas finie, on peut s’attendre à de nouveaux records de chaleur pour 2015.

Amener les acteurs-clés à travailler ensemble

Au milieu de ces annonces peu réjouissantes, l’OMS voit quand même une bonne nouvelle : la possibilité de lancer des alertes précoces de ces phénomènes caniculaires et d’engager des mesures adéquates. Concrètement, cela revient à mettre en place, en coordination avec les météorologues, l’équivalent du Plan canicule gouvernemental, à savoir des recommandations, des outils de communication et une mobilisation accrue auprès des plus fragiles pour ne pas voir se renouveler l’épisode de 2003 qui avait pris tout le monde de court. Le rapport cite en exemple la ville de Philadelphie qui met en oeuvre depuis 1995 à l’annonce d’une vague de chaleur toute une organisation avec renforcement des services d’urgences, de l’assistance aux sans domicile fixe, des soins aux personnes âgées, de l’accès aux zones d’air conditionné, etc.

Les zones rurales sont elles aussi concernées : ainsi, une communauté au Manitoba (Canada) a, elle aussi, mis en place des réponses adaptées. C’est ce type d’initiatives que l’OMS et le WMO voudraient voir se généraliser d’où leur souhait que ce rapport serve de « catalyseur » amenant les acteurs clés du domaine climatique, de la santé, les services d’urgence et les décisionnaires, de même que le grand public, à initier ensemble des actions pour gérer les fortes chaleurs à l’instar d’autres risques, et ce, dans le monde entier.

En pleine canicule européenne et à 5 mois de la Conférence de Paris sur les changements climatiques - du 30 novembre au 15 décembre 2015 - à Paris, le rapport tombe à point pour faire prendre conscience de la nécessité de changements profonds et de grande ampleur en faveur de la planète, que les canicules soient dues ou non à un réchauffement climatique induit par les activités humaines. Rappeler aussi que, quoi qu’il en soit, personne ne pourra faire l’économie de mesures concrètes pour gérer à court et moyen terme le péril chaleur.

Des effets directs et indirects
Si la conséquence la plus directe et la plus évidente d’une canicule (définie par des températures élevées le jour ne redescendant sous un certain seuil la nuit) sur la santé se traduit par l’augmentation brutale du nombre de décès – 70 000 décès en Europe dus à la canicule de l’été 2003 -, les températures extrêmes peuvent aussi impacter les infrastructures, rappelle le rapport [1] et donc indirectement la santé.

Pendant les périodes de grosses chaleurs, la demande en eau et en électricité est augmentée pouvant conduire à des ruptures d’alimentation; la sécurité alimentaire peut être mise en danger en cas de rupture de la chaîne du froid, les épisodes de pollution sont augmentés, tout comme le risque d’accidents industriels (rejet de matière, incendie, explosion) ainsi que le signale Le Monde [5].

 

REFERENCES :

  1. WHO & WMO. Heatwaves and Health: Guidance on Warning-System Development; 1 juillet 2015.

  2. WHO and WMO Issue Guidance on Heat Health Warning Systems, 1 juillet 2015.

  3. Le Brech C. Après l'Inde, records de chaleur au Pakistan en plein Ramadan. Geopolis, 23 juin 2015.

  4. Canicules en série , Agence Science-Presse, 29 juin 2015.

  5. Watts N, Adger WN, Agnolucci P et al., J. Health and climate change: policy responses to protect public health, The Lancet, Published online June 23, 2015 http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(15)60854-6.

  6. Barroux R. Pourquoi la canicule peut aussi provoquer des accidents industriels, 2 juillet 2015.

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