Préserver sa fertilité lors d'un cancer: les femmes manquent d'information

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

26 juin 2015

Monaco, Principauté de Monaco -- Si elle concerne aussi les hommes, l'oncofertilité fait surtout référence à la possibilité pour les femmes de moins de 40 ans et les jeunes filles atteintes de cancer d'accéder à des techniques de préservation de la fertilité. Etat des lieux avec le Pr Michaël Grynberg (CHU Jean Verdier, AP-HP), président de la récente Société française d'oncofertilité (SFOF), interrogé lors du congrès Gyn Monaco 2015.

Medscape: Quelle est la situation de l'oncofertilité aujourd'hui en France? A quels freins cette activité est-elle encore confrontée?

Pr Michaël Grynberg

Pr Michaël Grynberg: Il persiste encore un sérieux manque d'information sur la question de la fertilité après cancer chez les femmes, ainsi que sur les techniques visant à préserver le potentiel de fertilité.

Moins de la moitié sont adressées à des centres spécialisés, en vue de bénéficier de conseils en oncofertilité.

Chaque année en France, environ 7 000 femmes sont potentiellement candidates à un accès à des techniques médicales et/ou chirurgicales pour conserver leur capacité de reproduction. Pourtant, moins de la moitié sont adressées à des centres spécialisés, en vue de bénéficier de conseils en oncofertilité.

Encore trop souvent les oncologues n'y pensent pas, estiment que la procédure va être trop complexe ou encore ne croient tout simplement pas aux bénéfices des récentes techniques de préservation de la fertilité. Certains considèrent aussi que leur patiente n'en a pas besoin, en particulier si elle a déjà des enfants.

Il est vrai que nous ne pouvons pas encore donner de résultat précis, le recul n'étant pas encore suffisant. Peu de femmes guéries de cancer ont, à ce jour, concrétisé une grossesse par ce biais. Mais les techniques utilisées ont, pour certaines, déjà fait leurs preuves dans le traitement de l'infertilité.

La possibilité de se projeter dans une future maternité reste fondamental au moment d'initier des traitements anti-cancéreux extrêmement lourds.

S'il est certain que les techniques de préservation ne pourront jamais garantir une grossesse à 100%, elles restent avant tout pour ces jeunes femmes un moyen de se donner un maximum de chances pour devenir par la suite mère par transmission du patrimoine génétique. Pour les hommes, la démarche est depuis longtemps installée dans les pratiques.

Par ailleurs, la possibilité de se projeter dans une future maternité, et donc d'envisager une guérison, reste fondamental au moment d'initier des traitements anti-cancéreux extrêmement lourds, tant sur le plan physique, que psychologique.

Medscape: Quels progrès peut-on encore attendre dans ce domaine?

Pr M.G: Pour ce qui est de l'information, je compte beaucoup sur l'implication du grand public. Si les femmes sont sensibilisées, elles pourront elles-mêmes demander à bénéficier de cette préservation de fertilité.

Quant aux techniques, on peut espérer une évolution dans l'utilisation du tissu ovarien. Actuellement, la cryopréservation d'ovocytes ou d'embryons, après stimulation ovarienne, reste la méthode standard. Mais, en permettant une restitution ultérieure de la fonction ovarienne endocrine et exocrine, la cryoconservation du tissu ovarien, en vue d'une greffe, présente un intérêt évident.

Cependant, on ne connait pas encore l'efficacité de ce type de greffe chez ces patientes, une fois qu'elles ont surmonté leur cancer. Les cas de grossesse sont encore trop rares pour un nombre de greffe réellement pratiquées qui n'est pas clairement connu.

La greffe de tissu ovarien comporte surtout un risque élevé de réintroduire des cellules malignes, congelées au moment de la cryoconservation. Des travaux sur l'animal ont pu montrer qu'il est possible de limiter, voire d'éliminer ce risque, en isolant les follicules et en initiant leur culture in vitro. On parle alors d'ovaire artificiel. Mais, pour l'instant, ces techniques, réalisées uniquement chez les rongeurs, restent expérimentales.

On peut aussi espérer à l'avenir s'appuyer sur la fabrication d'ovocytes, via des cellules souches.

Medscape: La Société française d'oncofertilité a été créée en 2013. Quels sont ses objectifs?

La greffe de tissu ovarien comporte surtout un risque élevé de réintroduire des cellules malignes, congelées au moment de la cryoconservation.

Pr M.G: Cette société a justement été créée pour pallier le manque d'information, notamment auprès des oncologues, afin de les sensibiliser sur la nécessité d'adresser les femmes de moins de 40 ans et les jeunes filles en consultation d'oncofertilité.

Il s'agit aussi de favoriser la mise en place de recommandations, afin d'homogénéiser les pratiques sur l'ensemble du territoire. Car aujourd'hui, les différents centres ne disposent pas de toutes les techniques de préservation de la fertilité, ce qui engendre des disparités dans les propositions de prise en charge.

Nous avons donc constitué des groupes de travail, rassemblant des gynécologues, des embryologistes, des pédiatres, des psychologues, ainsi que des juristes, des sociologues et des spécialistes de l'éthique. L'objectif est de réfléchir ensemble à des conseils de prise en charge, qui serviront à l'élaboration de futures recommandations.

Le résultat de ces réflexions devrait être présenté pendant le deuxième semestre 2015.

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