Paris, France – Un essai combinant préconditionnement et post-conditionnement ischémique myocardique dans l’infarctus a été présenté au congrès EuroPCR 2015 par le Dr Ingo Eitel (Leipzig, Allemagne)[1]. Son objectif était de voir si la combinaison d’un préconditionnement à distance et d’un post-conditionnement avait un effet additif sur la sauvegarde du myocarde.
Les résultats de LIPSIA sont positifs en terme d’imagerie IRM : le double conditionnement ischémique en amont et en aval de la revascularisation influe de manière significative sur l’oedème et la nécrose mais ils ne « transforment » pas au plan clinique : aucune différence ne sort en terme de devenir clinique des patients à 6 mois.

Pr Michel Ovize
Pour le Pr Michel Ovize (hôpital Louis Pradel, Lyon), qui commentait ce travail, cela n’a rien de surprenant « il faudrait certainement avoir de plus gros effectifs et un suivi au-delà de 6 mois pour voir apparaitre une différence en faveur du conditionnement ischémique. »
A la recherche du saint Graal de l’infarctus ?
Cela fait longtemps que l’on sait que la revascularisation d’une artère coronaire obstruée ne permet pas la récupération complète du tissu myocardique et ceci même si le délai door-to-ballon est très court car la restauration brutale du flux coronaire est en elle-même à l’origine de dégâts cellulaires.
On estime que, pour un infarctus à l’origine d’une nécrose de 70% du myocarde, la reperfusion réduit la taille de l’infarctus de 40% mais il reste 30% de lésions de reperfusion qui devraient idéalement pouvoir être évitées.
Les travaux sur la question ne datent pas d’hier, on peut notamment citer ceux du Pr Ovize. Au chapitre de la cardioprotection, de nombreuses stratégies ont déjà été testées/tentées sans qu’aucune ne soit encore sortie du lot. On peut citer le refroidissement (perfusion salé glacée), divers candidats médicaments (cyclosporine,…) et les manœuvres d’ischémie, réalisées, soit en amont et à distance de la revascularisation (préconditionnement), soit en aval, après revascularisation de l’artère en procédant à des cycles successifs de gonflement-dégonflement du ballonnet d’angioplastie (post-conditionnement).
Comparaison de 2 stratégies
LIPSIA est une étude randomisée en trois groupes :
-angioplastie de reperfusion seule (contrôle),
-préconditionnement (3 cycles de gonflement /dégonflement du brassard huméral de 5 mn) + angioplastie + post-conditionnement (4 cycles de gonflement/dégonflement du ballonnet de 30 secondes),
-angioplastie + post-conditionnement.
Tous les patients devaient avoir un STEMI depuis moins de 12h, ne pas avoir été thrombolysés et être aptes à passer une IRM. Au total, 696 patients ont été randomisés, 232 dans chaque groupe.
Le critère de jugement primaire porte sur l’index de sauvetage myocardique, un critère d’imagerie IRM (volume de l’œdème-taille de l’infarctus/volume de l’œdème), mesuré à J1 et J4. Un critère secondaire clinique compare à 6 mois les décès, réinfarctus et insuffisances cardiaques congestives (critère combiné).
Comparativement à l’angioplastie, l’index de sauvetage myocardique est significativement amélioré dans le groupe combinant pré et post-conditionnement mais il n’atteint pas la significativité avec le post-conditionnement uniquement.
En revanche, la résolution du segment ST et les CPK ne diffèrent pas entre les 3 groupes, de même que l’évolution clinique à 6 mois.
Pour le Dr Eitel « cette étude montre qu’un protocole de prise en charge de l’infarctus combinant un pré-conditionnement au brassard huméral et un post-conditionnement en salle de cathétérismeest faisable et efficace».Il précise que le préconditionnement n’a pas retardé la revascularisation. « On voit aussi que le seul post-conditionnement est inutile. Il faudrait maintenant mener un essai de conditionnement combiné de grande taille. »
On peut se demander si un tel essai verra le jour. Dans une interview accordée il y a quelques années à theheart, le Pr Ovize expliquait que la véritable difficulté du conditionnement ischémique est que l’on ne connait pas précisément le mécanisme mis en jeu et qu’il n’est pas question de multiplier les études en ajustant les paramètres un à un.
Mieux vaudrait peut-être se tourner vers une méthode moins empirique, avec un agent pharmacologique. Le Pr Ovize est investigateur principal de l’essai de cardioprotection CIRCUS avec la cyclosporine dont les résultats devraient être prochainement connus.
LIPSIA Cardioprotection by Combined Intrahospital Remote Ischaemic Conditioning and Postconditioning in ST-Elevation Myocardial Infarction.
REFERENCE :
Eitel I. Hot Line, EuroPCR2015, 20 mai 2015.
Citer cet article: Dr Catherine Desmoulins. Cardioprotection dans l’infarctus : la combinaison d’un pré et post conditionnement ischémique à l’essai - Medscape - 25 juin 2015.
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