Monaco, Principauté de Monaco - En Espagne, où l'autoconservation des ovocytes « pour convenance personnelle » est autorisée, de plus en plus de femmes se tournent vers cette option pour s'assurer une future maternité. C'est ce que révèle un bilan de la clinique privée de procréation assistée Eugin, à Barcelone, présenté au congrès GynMonaco 2015 [1], par le Dr Valérie Vernaeve, directrice médicale du centre. Le programme de préservation de fertilité pour convenance personnelle de la clinique, baptisé Time Freeze, a été lancé en 2011.
1 950 euros pour quatre ans de conservation et photo des ovocytes en prime
« Nous recommandons la vitrification ovocytaire aux femmes qui souhaitent retarder leur maternité pour des raisons personnelles ou professionnelles, afin d’éviter les effets de l’âge sur la fertilité », indique la clinique sur son site Internet.
Le traitement proposé dure près de deux semaines. L'aspiration ovocytaire est réalisée « 10 à 15 jours après la stimulation ovarienne », effectuée lors d'une première visite. Neuf ovules au minimum sont alors prélevés. Après trois heures de repos, la patiente se voit remettre une photo de ses ovocytes, avant de quitter la clinique.
Coût de l'opération : 1 950 euros, pour quatre ans de cryoconservation. « Le prix du traitement ne comprend pas le coût des médicaments nécessaires pour la stimulation, ni les examens médicaux complémentaires », précise la clinique. A partir de la 5ème année, le prix du maintien au froid s'élève à 250 euros par an.
Depuis la mise en place du programme, « nous avons accueilli 280 femmes, avec un âge moyen de 38,4 ans », a indiqué le Dr Vernaeve. « Pour l'instant, seules une dizaine d'entre elles sont revenues avec un projet de maternité, intégrant un partenaire ou un donneur. »
Preuve que cette option séduit de plus en plus: « le nombre de femmes prises en charge a augmenté de 60% en 2014, par rapport à l'année précédente ». Et le nombre de visites quotidiennes sur le site internet de la clinique est passé de 500 à 3 500 en quatre ans, a précisé la responsable.
L'option séduit aussi hors des frontières, puisque « un peu plus de la moitié des femmes qui viennent dans notre centre sont françaises », a précisé l'établissement.
Age limite pour une cryoconservation fixé à 43 ans
« Aujourd'hui, l'âge moyen des femmes prises en charge se situe entre 37 et 38 ans. Un âge encore élevé, mais qui tend à diminuer, puisqu'en 2011, les femmes étaient plus proches des 40 ans. On peut espérer aller vers un âge moyen de 34 ans. »
« Après de nombreux débats au sein de la clinique », l'établissement a fixé l'âge limite pour une cryoconservation à 43 ans. « Au-delà des 40 ans, on explique bien que les probabilités de grossesse sont extrêmement faibles ». Une information notée dans le consentement éclairé que les patientes sont invitées à signer.
Selon le bilan, la quasi-totalité des femmes (96%) ayant franchi le pas n'avaient pas de partenaire lors du prélèvement. « Un taux proche de celui que l'on retrouve dans d'autres centres », souligne le Dr Vernaeve.
Quasiment toutes (93%) ont mené des études supérieures et exercent une activité professionnelle (97%), « majoritairement dans le secteur de la santé, de la communication et du management ».
Comme le confirment deux études réalisées dans un centre américain et une clinique belge [2,3], « la plupart des femmes ayant recours à la cryoconservation ont l'intention d'utiliser leurs ovocytes au début de la quarantaine », souligne la responsable.
Seules 3% les mettent de côté pour repousser au maximum la maternité. Des résultats qui montrent, qu"il n'y a pas, à ce jour, de raison de craindre une utilisation à un âge trop avancé, selon le Dr Vernaeve.
Aux Etats-Unis, où la pratique est en vogue, près de 60% des cryoconservations d'ovocytes sont réalisées pour « convenance personnelle ». Depuis 2014, les entreprises Apple et Facebook couvrent les frais engagés par leurs salariées souhaitant préserver leur fertilité par ce moyen et reporter leur projet de grossesse après 40 ans.
En France, une autoconservation restreinte L'autoconservation "pour convenance" est interdite en France. Toutefois, depuis la loi de bioéthique de 2011, elle peut être proposée aux femmes effectuant un don de leurs ovocytes, une partie du prélèvement étant alors conservé pour la donneuse, en vue d'un éventuel usage futur. Faute de décret publié, cette disposition n'est pas encore appliquée. En mai dernier, lors d'un discours prononcé à l'occasion des dix ans de l'Agence de la biomédecine, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé sa volonté de soumettre prochainement ce décret d'application au Conseil d’Etat. Interrogé par Medscape France, le Pr Bernard Hedon, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens (CNGOF), considère cette procédure, effectuée dans le cadre d'un don, comme « un chantage inacceptable ». Il estime que l'autoconservation devrait être autorisée pour toutes les femmes. « C'est l'unique moyen de traiter efficacement l'infertilité pour les femmes de 40 ans et plus, actuellement orientées vers une fécondation in vitro, alors qu'il y a une pénurie de gamètes et que le risque d'échec est élevé ». « La modification de la loi en faveur de l'autoconservation de convenance serait bénéfique pour la santé des femmes. C'est aussi une question d'égalité hommes-femmes, puisque les hommes se voient, eux, proposer la conservation de leurs spermatozoïdes, lorsqu'est envisagée une stérilisation », souligne le président. Il en appelle donc au comité d'éthique pour une évolution de la loi, mais se dit peu confiant. « Il est peu probable que le gouvernement se risque à ouvrir à nouveau un débat sur la procréation assistée pour des raisons non médicales ». Au sein de l'Union européenne, quatre pays ont autorisé l'autoconservation sociétale des ovocytes par vitrification: la Grande-Bretagne, la Belgique, l'Italie et l'Espagne. |
REFERENCES :
1. Vernaeve V, The technology behind social freezing: safe and reliable? Decision making and profile of fertility preservation women. Congrès GynMonaco, 12 juin 2015.
2. Stoop D, Nekkebroeck J, Devroey P, A survey on the intentions and attitudes toward ovocyte cryopreservation for non medical reasons among women of a reproductive age, Human reproduction, issue 3, vol.26, pp 655-661, Mars 2011.
3. Hodes-Wertz B, Druchenmiller S, Smith M, What do reproductive-age women who undergo oocyte cryopreservation think about the process as a means to preserve fertility?, Fertility preservation, Vol 100, n°5, nov 2013.
Citer cet article: Vincent Richeux. L’autoconservation des ovocytes « pour convenance personnelle » a le vent en poupe en Espagne - Medscape - 25 juin 2015.
Commenter