Urgentiste : une reconversion envisagée dès le début des études

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

19 juin 2015

Paris, France -- « Les futurs urgentistes évoquent leur reconversion à plus ou moins long terme dès le début de leurs études en DESC (Diplôme d’Etudes Spécialisées Complémentaires). Pour faire évoluer l’attractivité de la spécialité, avant la mise en place du futur DES (Diplôme d’Etudes Spécialisées) [1], une réflexion sur l’évolution de la discipline doit être menée », explique à l’occasion du congrès Urgences 2015 le Dr Remy Diesnis qui présentait un travail sur la « Représentation du métier de médecin urgentiste par les internes inscrits en DESC » [2].

Pour mettre en place ce travail, le Dr Diesnis est parti d’un triple constat :

- la carrière de médecin urgentiste dure actuellement en moyenne 6,9 ans [3],

- 72 % des urgentistes pensent « de temps en temps » ou « souvent » à changer d’orientation [4],

- la mise en place du DES limitera peut-être les possibilités de réorientation de carrière en l’absence de possibilités de passerelles avec d’autres spécialités.

Etre urgentiste : un choix en toute connaissance de cause ?

L’objectif principal de l’étude visait à mieux préciser la représentation sociale du métier d’urgentiste par les internes et l’objectif secondaire était de comparer l’appréciation des compétences d’urgentistes par les internes et celles prévues par le référentiel des compétences de médecine d’urgences. Bref, est-ce que les jeunes médecins qui choisissent une carrière d’urgentiste en toute connaissance de leur futur métier ?

Un total de 20 étudiants inscrits en première année de DESC d’urgence entre 2011 et 2013 dans le Nord Pas-De-Calais a été interrogé sous forme d’entretiens collectifs semi-dirigés d’une durée moyenne de 66 minutes.

Diversité des types d’activités qui permet de ne pas s’ennuyer

« L’analyse des données de verbatim nous a permis de définir 4 grand thèmes qui revenaient systématiquement dans les conversations : le choix de la médecine d’urgence, la représentation sociale du métier d’urgentiste, l’évolution personnelle et l’évolution de la discipline », continue le Dr Diesnis.

- Le choix de la médecine d’urgence a été fondé sur la polyvalence de ce travail, sur la possibilité de travailler en équipe, au sein d’un hôpital en prenant en charge des pathologies aiguës… c’est souvent à l’occasion d’un stage dans un service d’urgence que le déclic s’est fait et le stage chez le praticien a confirmé leur choix.

- La représentation sociale est vue à la fois comme positive – organisation, relation avec des spécialistes, recherche – et négative – conditions de travail, risque de burn-out.

- L’évolution personnelle est sous tendue par la diversité des types d’activités – qui permet de ne pas s’ennuyer – et par les possibilités de reconversion qui permettent d’envisager une relation harmonieuse entre vie professionnelle et vie privée.

- Enfin, les futurs urgentistes sont très conscients de l’immanquable évolution de la discipline dans les années qui viennent.

Une représentation assez fidèle du métier d’urgentiste

 
Ne va-t-on pas, en choisissant de reconnaître l’urgence comme une spécialité, perdre des vocations de médecins ?
 

« Globalement, l’analyse des données des entretiens collectif a permis de définir 5 domaines considérés comme nécessaires par les étudiants pour devenir de bons urgentistes : communication, soins, éthique, gestion et professionnalisme. Ces champs de compétence sont assez proches de ceux définis par l’European Society for Emergency Medicine (EuSEM) en 2009 qui en définissait 6 : soins aux patients, connaissance médicale, communication, professionnalisme, management ainsi que formation et recherche. Il semble donc que les futurs urgentistes aient une représentation assez fidèle du métier d’urgentiste », conclut le Dr Diesnis.

Reste que la question de la perte de possibilité de réorientation avec la mise en place d’un DES est très prégnante chez les jeunes internes. Ne va-t-on pas, en choisissant de reconnaître l’urgence comme une spécialité, perdre des vocations de médecins qui souhaitaient travailler seulement quelques années aux urgences et qui vont être contraints de choisir une autre spécialité ?

Interrogé par Medscape.fr, le Dr Diesnis précise, « bien que mon travail n’ait pas permis de dégager de donnée chiffrée, il semble qu’en dépit de la perte de possibilités de passerelles, les internes soient plutôt favorables à la mise en place du DES. Cette donnée va dans le même sens qu’une étude française publiée en 2013 sur le même sujet [5] ».

 

REFERENCES :

  1. Diesnis R. Représentation du métier de médecin urgentiste par les internes inscrits en DESC. Congrès Urgences 2015.

  2. Couraud F, Pruvot F-R. Propositions pour une restructuration du troisième cycle des études médicales. 2014. CNIPI p. 28.

  3. Vermare E, Frappé P. Abandons de carrières en médecine d’urgence. Ann Fr Médecine Urgence 2012. 2(4):232–6.

  4. Garrigue R, Delasara C, Casenove L. (2011) Enquête nationale de l’AMUF 2011 : http://www.amuf.fr/derni-res-news/enqu-te-nationale-amuf-2011.html

  5. Dehours E, Vallé B, Concina F et coll. New diploma in emergency medicine in France: the students' perspective. Eur J Emerg Med. 2013 Apr;20(2):133-5. doi: 10.1097/MEJ.0b013e328356fa72.

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