Paris, France – Deux études présentées à l’ASCO 2015 , l’une chez la femme, l’autre chez l’homme, arrivent à la même conclusion : la prise de statine est associée à une réduction de la mortalité par cancer [1].
Les études constatent une réduction de 22% des décès par cancers de tous types et de 55% des cancers des tissus osseux/conjonctifs chez la femme.
Chez l’homme, l’étude porte sur une population de patients diabétiques prenant de façon concomitante de la metformine. L’effet préventif observé est une réduction de 40% de la mortalité par cancer de la prostate et l’effet est plus prononcé en cas d’obésité/syndrome métabolique. Mais là, rien ne prouve que l’effet ne soit pas dû à la metformine ou au traitement combiné metformine/statine.
Ce n’est pas la première fois qu’un effet protecteur des statines est évoqué. Nous rapportions en 2012 dans theheart/Medscape cardiologie, les résultats d’une grande étude de population danoise qui constatait une réduction de 15% de la mortalité par cancer en cas de prise de statine en amont d’un diagnostic de cancer. Cependant, en 2006, une vaste méta-analyse des essais randomisés avait battu en brèche l’hypothèse d’un effet protecteur des statines à l’égard du cancer. Difficile avec les analyses post-hoc d’arriver à une conclusion prouvant le lien de causalité…
Quid du mécanisme d’action ? Pour expliquer cet effet préventif, les investigateurs suggèrent une interaction entre les statines et la croissance cellulaire/les métastases via le blocage de la production de cholestérol. Ceci aurait un effet sur les voies de signalisation et la réponse inflammatoire. |
Les résultats de l’étude portant sur les femmes sont issus de la cohorte WHI (Women Health Initiative), un programme de recherche sur 15 ans, ayant inclus des femmes ménopausées âgées de 50 ans à 79 ans, dans 40 centres aux Etats-Unis, entre 1993 et 1998.
Les chercheurs ont comparé la mortalité par cancer des femmes n’ayant jamais pris de statine, celles sous statines au moment de l’étude et celles en ayant pris antérieurement. L’analyse porte sur 146 326 femmes suivies en moyenne 14,6 ans et tient compte des facteurs confondants suivants : âge, origine ethnique, niveau d’éducation, tabagisme, IMC, activité physique, antécédent familial de cancer, prise en charge médicale.
On dénombre 23 067 cas de cancers incidents pour lesquels on dispose d’un suivi complet, 5837 décès par cancers (sur un total de 7411 décès). Sur les 3152 décès par cancers retenus pour l’analyse,708 sont survenus chez des sujets sous statine et 2443 chez des personnes n’ayant jamais pris de statine.
L’analyse multivariée ne retrouve pas de lien entre la prise de statine et l’incidence du cancer, ni d’association entre une prise antérieure de statine et la mortalité par cancer. Cependant, il existe une importante réduction de la mortalité par cancer en cas de prise concomitante de statine (HR : 0,78 vs jamais de prise). L’effet ne semble pas lié au type de statine, ni à la durée du traitement.
La réduction des décès concerne le cancer du sein (HR=0,60), de l’ovaire (HR =0,58), le cancer colo-rectal (HR=0,57), digestif (HR=0,68), des os/tissus conjonctifs (HR =0,45) mais pas le cancer du poumon (HR=1,17).
Le Dr Ange Wang (Stanford, Californie) qui présentait les résultats a souligné que la nature prospective du suivi était un point positif de l’étude WHI mais que l’analyse post-hoc ne permet certainement pas d’établir un lien de causalité.
Cholestérol bas, statine et cancer : une vieille histoire
Rappelons que le lien entre statine et cancer (dans le sens de la majoration) et cholestérol LDL bas et cancer, a déjà fait couler beaucoup d’encre.
En 2008, une augmentation des cancers observée chez des sujets sous simvastatine + ézétimide (Inegy®) dans l’essai SEAS avait imposé une analyse intermédiaire des données qui concluait à l’absence de sur-risque de cancer.
L’association entre un bas niveau de cholestérol LDL sous statine et la survenue de cancers a aussi fait l'objet de plusieurs publications dont les résultats ne sont pas homogènes. Il semble bien exister un rapport inverse entre la baisse du taux de LDL et l'augmentation des cancers mais qui est sans rapport avec le traitement par statine.
L’étude WHI a été menée par le National Heart, Lung, and Blood Institute, le National Institutes of Health et le US Department of Health and Human Services. |
REFERENCES :
American Society of Clinical Oncology (ASCO) 2015 Annual Meeting: Abstracts 1506 et 5018. Présenté le 30 mai 2015.
Citer cet article: Dr Catherine Desmoulins. Effet préventif des statines sur le cancer : le retour - Medscape - 17 juin 2015.
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