Phoenix, Etats-Unis – L’étude VADT (Veterans Affairs Diabetes Trial), publiée en 2009, ne montrait pas de bénéfice d’un contrôle glycémique strict en termes d’évènements cardiovasculaires (CV), après un suivi de 5,6 ans [1]. Avec un suivi porté aujourd’hui à 9,8 ans, l’incidence des évènements CV apparait bien diminuée parmi les sujets dont l’hémoglobine glyquée (HbA1c) a été traitée de manière intensive Toutefois, la survie globale n’en est pas améliorée, ce qui confirme qu’entre le bénéfice CV d’un contrôle strict, et ses inconvénients, en termes d’effets secondaires et d’hypoglycémie notamment, la porte est extrêmement étroite. Ces résultats ont été présentés au congrès de l’American Diabetes Association 2015 et publiés conjointement dans le New England Journal of Medicine. [2]
La question du bénéfice en termes de complications macrovasculaires d’un contrôle glycémique strict a été longtemps débattue. Le suivi à long terme de la fameuse étude UKPDS (United Kingdom Prospective Diabetes Study), montrait un bénéfice en termes de complications micro et marcovasculaires, ainsi qu’un bénéfice de mortalité. L’étude ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes), dans le cadre d’un suivi prolongé, a confirmé l’an dernier un bénéfice du contrôle strict sur les évènements CV non fatals. Toutefois, durant les 3,5 ans de suivi de l’essai avant interruption, c’est une augmentation de la mortalité qui est apparue sous traitement intensif, vraisemblablement du fait du taux élevé d’hypoglycémies sévères, lié à un traitement très agressif. Enfin, l’étude ADVANCE (Vascular Disease: Preterax and Diamicron Modified Release Controlled) un suivi à long terme (12 ans) ne montre pas de bénéfice du contrôle intensif, ni en termes d’évènements CV, ni en termes de mortalité.
Beaucoup d’encre a coulé sur les différences entre ces études : populations (les diabétiques d’UKPDS étaient nouvellement diagnostiqués, alors que le diabète était diagnostiqué depuis 8 à 11 ans dans les autres études), durée de la phase d’intervention (10 ans dans UKPDS, vs. 3,5 ans dans ACCORD, 5 ans dans ADVANCE, 5,6 ans dans VADT), traitements antidiabétiques et prise en charge des autres facteurs de risque CV (UKPDS a été commencée en 1977…)
Le quatrième grand essai randomisé et contrôlé est donc VADT.
Rappelons qu’il concernait 1791 vétérans américains, atteints d’un diabète de type 2 diagnostiqué depuis 11,5 ans en moyenne. Ces sujets étaient âgés de 60 ans en moyenne, présentaient un IMC de 31,2 kg/m2, et une HbA1c initiale de 9,5%. La durée d’intervention a été de 5,6 ans en moyenne. Les sujets présentant un IMC >27 kg/m2 ont reçu de la metformine et de la rosiglitazone, les sujets présentant un IMC < 27 kg/m 2 ont reçu du glimépiride et de la rosiglitazone. Les patients ont été randomisés pour recevoir de l’insuline lorsqu’ils ne pouvaient descendre en deçà de 7% d’HbA1c (groupe traitement intensif), ou en deçà de 9% (groupe traitement standard).
Publiés en 2009 dans le New England Journal of Medicine, les résultats montraient un bénéfice en tendance, mais non significatif du contrôle intensif (et même très intensif) sur le critère primaire, qui était la survenue du premier évènement CV (infarctus du myocarde, AVC, apparition ou aggravation d’une insuffisance cardiaque, amputation pour gangrène ischémique, décès CV) : RR=0,88 ; IC95%[0,74-1,05] ; p=0,14.
C’est donc le suivi préspécifié de cette population durant 5 années supplémentaires qui est publié aujourd’hui. Durant cette période, les participants à la première phase de l’étude ont repris leur traitement habituel. Aucun écart entre groupes n’a par ailleurs été relevé pour ce qui concerne les traitements antihypertenseurs ou hypolipémiants, notent les auteurs.
Un évènement CV majeur prévenu pour 116 personne.années
Un total de 1391 sujets ont rempli le questionnaire annuel. La durée médiane du suivi est de 9,8 ans.
Durant la phase d’intervention, l’écart entre HbA1c des groupes intensif et contrôle, était de 1,5% en valeur absolue (6,9% vs. 8,4%). Un an après la première phase de l’étude, alors que les participants avaient recommencé leur prise en charge habituelle, ces taux étaient passés à 7,8% et 8,3% respectivement. Trois ans après l’intervention, l’écart entre groupes s’était réduit à 0,2-0,3%, pour rester stable jusqu’à la fin du suivi.
A 9,8 ans, le risque de survenue du critère primaire était significativement inférieur dans le groupe traitement intensif : RR=0,83 ; [0,70-0,99] ; p=0,04.
« Ces résultats indiquent une augmentation significative du délai avant le premier évènement CV majeur », écrivent les auteurs, en précisant que cette augmentation correspond à une réduction absolue de 8,6 évènements CV pour 1000 personne.années, ou de 1 évènement pour 116 personne.années.
En revanche, la mortalité CV (RR=0,88 ; [0,64-1,20] ; p=0,42) et la mortalité toutes causes (RR=1,05 ; [0,89-1,25] ; p=0,54), considérées comme critères secondaires, n’étaient pas significativement diminuées dans le groupe traitement intensif.
« L’effet d’un contrôle glycémique intensif ne diffère pas selon le risque CV global des patients, évalué d’après le score UKPDS ou le score de Framingham », signalent encore les auteurs. « Il n’y avait pas davantage d’hétérogénéité de l’effet du traitement selon l’existence ou non d’un antécédent cardiovasculaire, ni en fonction de l’HbA1c initiale ».
Des résultats grosso modo en phase avec ceux des autres études
La réduction de 17% de l’incidence des évènements CV est cohérente avec la réduction de 10 à 12% pour 1% d’HbA1c, rapportée dans UKPDS et ACCORD. L’absence de bénéfice en termes de mortalité est, elle, cohérente avec les données du suivi à long terme d’ADVANCE.
En effet, « même avec la participation d’équipes de recherche dédiées, seule une moitié environ des participants présentaient une HbA1c inférieure à 7%. En outre, en l’absence de réduction de la mortalité totale, une réduction faible à modérée des évènements CV doit être mise en balance avec les effets potentiellement délétères d’un traitement agressif, son profil de sécurité à long terme, et ses effets secondaires, y inclus la prise de poids et les hypoglycémies », concluent-ils.
L’étude VADT a été financée par le Département des Vétérans américains, le National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases, le National Institute of Health. Parmi les auteurs, le Dr Reaven déclare des liens avec AstraZeneca, Novo Nordisk et Amgen. Le Dr Emanuele déclare des liens avec Merck. |
REFERENCES :
Duckworth W, Abraira C, Moritz T, et al. Glucose control and vascular complications in veterans with type 2 diabetes. N Engl J Med 2009;360:129-39.
Hayward RA, Reaven PD, Wiitala WL, et coll. Follow-up of glycemic control and cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2015;372:2197-206.
Jusqu'où et comment baisser les glycémies chez le diabétique ? Les leçons des grandes études
Contrôle strict de la glycémie et de la PA : quel intérêt à long terme?
L'insuline hors de cause dans la surmortalité cardiovasculaire des diabétiques dans ACCORD
Diabète : quelle est la prévention cardiovasculaire optimale ?
ADVANCE suggère une absence de causalité entre hypoglycémies sévères et mortalité
ACCORD à 5 ans confirme l'inutilité d'un traitement intensif du diabète sauf pour les rétinopathies
Citer cet article: Vincent Bargoin. VADT à 10 ans : le contrôle glycémique strict réduit les évènements CV mais pas la mortalité - Medscape - 8 juin 2015.
Commenter