Paris, France -- Les régurgitations aortiques post-procédurales sont un problème majeur lors du remplacement percutané de la valve aortique (TAVI) qui survient chez 10 à 30 % des patients. Identifier les patients qui présenteront ce type de fuite devrait donc idéalement pouvoir se faire en cours d’intervention afin de tenter des manœuvres correctrices. A ce jour, cependant, malgré la surveillance per-opératoire combinée échographique, angiographique et hémodynamique, il demeure difficile de prévoir une fuite en per-opératoire.

Pr Eric Van Belle
Ces régurgitations sont généralement liées à des troubles de la coagulation infracliniques ou peu symptomatiques qui ne sont pas mis en évidence par un simple examen de la coagulation de routine. En raison de la possible existence de syndromes de Willebrand acquis chez les patients souffrant de rétrécissement aortique – comme cela est observé en cas de rétrécissement mitral – l’équipe du Pr Eric Van Belle (Centre cardiologique, CHU Lille) a réalisé des tests diagnostiques de cette pathologie en salle de cathétérisme avant et pendant la réalisation de l’intervention, ceci afin d’identifier un facteur prédictif des fuites post-procédurales. L’étude WITAWI a été présentée lors du congrès EuroPCR 2015 [1].
« La mesure en salle de cathétérisme du temps de coagulation avec des plaquettes activées par ADP et la mise en évidence d’un baisse sélective des multimères de haut poids moléculaire du facteur de Willebrand pourraient permettre de détecter les patients à risque de régurgitation aortique pendant la pose de TAVI et de proposer un traitement préventif », explique le Pr Van Belle.
Syndrome de Willebrand acquis
Le syndrome de Willebrand acquis se définit comme un syndrome hémorragique comportant les anomalies biologiques de la maladie de Willebrand constitutionnelle mais se développant en lien avec une pathologie. C’est le cas par exemple chez certains patients atteints de malformations cardio-vasculaires (rétrécissement mitral ou aortique) chez lesquels se produit une protéolyse excessive des multimères du facteur de Willebrand de haut poids moléculaire dans des conditions hémodynamiques anormales. Dès 1988, une publication [2] rapportait un arrêt de saignements gastro-intestinaux dans les suites d’un remplacement valvulaire aortique. Mais c’est en 2003 que l’on a parlé pour la première fois de syndrome de Willebrand acquis chez les patients souffrant de valvulopathies [3]. Le remplacement prothétique fonctionnel – sans fuite post-procédure – permet de traiter les signes de coagulopathie. En cas de fuite prothétique, le risque hémorragique persiste.
Le Pr Van Belle a installé dans les salles de cathétérismes des centres participants à l’étude un appareil permettant d’analyser la fonction plaquettaire Willebrand dépendante (mesure du temps de coagulation avec des plaquettes activées par ADP). Cette mesure est majorée en cas de protéolyse excessive des multimères du facteur de Willebrand de haut poids moléculaire. Un dosage de ces multimères était effectué de façon concomitante. Ces mesures ont été réalisées avant la mise en place du TAVI, après chaque nouvelle dilatation si cela était nécessaire et en fin de pose.
L’objectif principal de l’étude était d’étudier le lien entre le dosage effectué et le risque de régurgitation post-procédurale.
Multimères du facteur de Willebrand de haut poids moléculaire
Au total, 88 patients consécutifs ont été inclus dans l’étude. Ils ont tous reçu une valve Sapien XT ® introduite par voie fémorale. L’intensité de l’éventuelle régurgitation a été mesurée par échographie trans-oesophagienne. Si une régurgitation était mise en évidence, une dilatation avec un ballon de plus grande taille était effectuée.
Les patients étaient âgés en moyenne de 82 ans, il s’agissait de femmes en majorité, très symptomatiques (NYHA III et IV 67 %) et dont le diamètre aortique moyen était de 24,4 mm.
Chez les patients qui n’ont pas présenté de régurgitation post-procédurale, le ratio des multimères du facteur de Willebrand de haut poids moléculaire est passé en moyenne de 0,6 avant le geste à 0,9 après la dilatation et à 1 après la procédure. En revanche, en cas de régurgitation, les variations ont été moindres (entre 0,6 et 0,7 après dilatation et en fin de procédure) (p<0,0001).
La mesure du temps de coagulation avec des plaquettes activées par ADP était pour sa part significativement augmentée chez les patients en régurgitation (220 secondes contre 100 secondes p<0,0001).
Pour le Pr Van Belle, « reste encore à définir des valeurs seuils des mesures effectuées et à proposer des traitements spécifiques qui pourraient permettre la réalisation du geste de pose de TAVI en toute sécurité. »
Des traitements ont été déjà testés dans le syndrome de Willebrand acquis : desmopressine, concentrés de facteur de Willebrand, concentrés de facteur VIII recombinant ou, en dernier recours, facteur VII activé recombinant… .
REFERENCES:
Van Belle E, Rauch A, Hurt C et coll. Von Willebrand factor, as a highly sensitive sensor of flow and beside test to detect aortic regurgitation during TAVI procedure. Hot lines TAVI. EuroPCrR 2015.
Casson A, McKenzie N. Heyde’s syndrome. Chest. 1988 Oct;94(4):891-2.
Vincentelli A, Susen S, Le Tourneau T et coll. Acquired von Willebrand syndrome in aortic stenosis.N Engl J Med. 2003 Jul 24;349(4):343-9.
Citer cet article: Dr Isabelle Catala. TAVI : le facteur de Willebrand pourrait prédire les régurgitations post-procédurales - Medscape - 8 juin 2015.
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