Chicago, Etats-Unis – Médiane de survie sans progression presque quadruplée par l’association de nivolumab (Opdivo®, Bristol-Myers Squibb) et d’ipilimumab (Yervoy®, Bristol-Myers Squibb) dans le mélanome de stade III ou IV dans l’étude CheckMate 067. Selon les résultats présentés par le Pr Jedd Wolchok (Memorial Sloan Kettering Cancer Center, New-York), au congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO 2015) , la survie sans progression serait en outre doublée avec le nivolumab par rapport à l’ipilimumab [1].
Ces résultats spectaculaires doivent être confirmés en termes de survie. Ils posent en outre la question de la toxicité de la bithérapie. Mais le problème de fond est celui du coût. Ce problème va croissant depuis une dizaine d’années, et il est aujourd’hui sur la table, publiquement débattu, et plus aucun médecin, pays ou institution de santé ne peut faire mine de l’ignorer, quel que soit le mode de financement des soins.
Les commentaires des médecins américains, visibles en ligne sur Medscape International , sont d’ailleurs parlants, qui dans leur grande majorité, tirent la sonnette d’alarme sur le prix de ces traitements.
Nivolumab, Ipilimumab Combination Effective in Advanced Melanoma; Cost Questions Raised : tel est le titre de l’article consacré à l’étude CheckMate dans l’ASCO Daily News. Il dit assez que la préoccupation financière fait maintenant quasiment jeu égal avec les débats sur l’efficacité. Aux Etats-Unis, « le prix de l’ipilimumab est environ 4000 fois plus élevé que celui de l’or », a indiqué le Dr Leonard Saltz (Memorial Sloan Kettering Cancer Center, New-York) en session plénière, soulignant que le coût des médicaments de chaque patient dans CheckMate 067 se chiffre en centaine de milliers de dollars. La tendance « n’est pas soutenable » a-t-il estimé, en indiquant que, selon lui, de tels prix de vente ne reflètent pas les coûts de développement, et ne favorisent pas l’innovation. « Les prix sont basés sur ce qui s’est fait avant, et sur l’idée que se fait le vendeur de ce que le marché va pouvoir supporter ». Pour le Dr Saltz toujours, l’incapacité de la FDA à envisager les coûts, et l’incapacité des centres Medicare et Medicaid à négocier ces coûts, contribuent au problème. Un premier pas serait que la collectivité commence à admettre qu’il y a un plafond à ce qu’elle peut payer pour traiter un patient cancéreux. « C’est une discussion très désagréable », a admis le Dr Saltz, « mais elle est nécessaire ». |
Des résultats « incroyablement encourageants »
CheckMate 067 est une étude de phase III, menées dans 137 centres, chez 945 patients atteints de mélanome III-IV (non traités auparavant), randomisés entre l’ipilimumab, un inhibiteur de CTLA-4, le nivolumab, un inhibiteur de PD-1, ou l’association des deux anticorps.
Après une durée de suivi de 9 mois au minimum, la médiane de survie sans progression était de 2,9 mois chez les patients traités par ipilimumab seul, 6,9 mois dans le groupe traité par nivolumab, et 11,5 mois avec la bithérapie.
Par rapport à l’ipilimumab seul, le risque relatif de progression sous nivolumab seul est de 0,57 ([0,43-0,76]), et de 0,42 sous combinaison thérapeutique (IC 95% [0,31-0,57]).
On note que la la combinaison thérapeutique pourrait permettre une meilleure survie sans progression que le nivolumab seul (RR=0,74 ; [0,60-0,92]), mais l’étude n’est en fait pas dimensionnée pour cette comparaison.
Ces résultats se payent d’une toxicité accrue, puisque des évènements indésirables de grade 3 ou 4 ont été rapportés chez 55% des patients traités par les deux anticorps, contre 16,3% des patients traités par nivolumab, et 27,3% des patients traités par ipilimumab. On compte par ailleurs 36% d’interruptions de traitement lié à ces effets dans le groupe bithérapie, mais aucun décès lié à la toxicité du traitement.
Parmi les effets secondaires les plus fréquemment observés avec la bithérapie, on note près de 10% de diarrhées sévères, et 7,7% de colites sévères.
On attend maintenant les données de survie à 2 ou 3 ans. En conférence de presse, le Dr Steven O’Day (Skin cancer Institute, Los Angeles), qui commentait les présentations, a toutefois indiqué que selon les données historiques, la survie et la survie sans progression sont « bien corrélées ».
Ces résultats sont « incroyablement encourageants », a-t-il estimé.
La bithérapie : pour qui, et à quel prix ?
Plusieurs bémols, toutefois.
En premier lieu, l’analyse en sous-groupes montre que chez les patients présentant un niveau élévé (> 5%) de ligand PD-1 (PD-L1) à la surface des cellules tumorales, les résultats de la bithérapie sont équivalents à ceux du nivolumab seul, avec une médiane de survie sans progression de 14 mois dans les deux groupes (3,9 mois dans le groupe ipilimumab).
A l’inverse, pour un taux faible de ligand PD-L1, la médiane est nettement meilleure avec la combinaison (11,2 mois) qu’avec le nivolumab (5,3 mois) et l’ipilimumab (2,8 mois).
A priori, les patients PD-L1 négatifs (ceux dont la tumeur dépend le moins de la voie PD-1 / PD-L1 pour échapper à l’immunité) seraient donc les plus à même de bénéficier de la bithérapie. Ce résultat n’est non seulement pas logique, mais il est en contradiction avec les données antérieures. C’est un aspect qu’il faudra éclaircir.
Et il est d’autant plus important de l’éclaircir que la sélection des patients susceptibles de bénéficier de la bithérapie constitue « le cœur du débat », selon le Dr Wolchok, qui faisait indirectement allusion à la question du coût.
Le Dr Frances Collichio (Université de Caroline du Nord, Chapel Hill), qui n’a pas participé à l’étude, a pu être beaucoup plus directe, en affirmant que « nous devons soigneusement définir qui peut bénéficier de la combinaison thérapeutique ou du nivolumab seul, puisque la société ne peut se permettre de traiter tous les patients par la bithérapie ».
Il va donc vraiment savoir de quel côté de la barrière des 5% de PD-L1, la bithérapie serait envisageable.
L’étude CheckMate 067 a été financée par Bristol-Myers Squibb. Le Dr Wolchok a déclaré des liens d’intérêt avec Bristol-Myers Squibb. Deux auteurs de l’étude sont employés par le laboratoire. |
REFERENCE :
Wolchok JD. Efficacy and safety results from a phase III trial of nivolumab (NIVO) alone or combined with ipilimumab (IPI) versus IPI alone in treatment-naive patients (pts) with advanced melanoma (MEL) (CheckMate 067). Congrès de l’American Society of Clinical Oncology 2015. Présenté en session plénière le 31 mai 2015.
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Citer cet article: Vincent Bargoin. Mélanome : l’adjonction de nivolumab à l’ipilimumab quadruple la survie sans progression - Medscape - 2 juin 2015.
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