Risque d’AVC après TAVI : à quoi servent les dispositifs de neuroprotection ?

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

28 mai 2015

Paris, France – Le dispositif TriGuard™ (Keystone Heart), prévu pour limiter le risque cérébral lors des TAVI, se révèle sûr, et semble améliorer certains critères neurocognitifs, selon des résultats finaux de l’étude REFLECT III, présentée par le Pr Andréas Baumbach (Bristol, Royaume-Uni) au congrès EuroPCR 2015 , et publiés simultanément dans l’European Heart Journal [1,2].

Classiquement, on compte de l’ordre de 5% d’AVC cliniques à un an après TAVI, et 2-3% à 30 jours, des taux qui vont en s’améliorant avec les progrès des valves et l’entrainement des équipes, mais qui restent préoccupants.

Parmi les AVC précoces, quelques 40% surviennent dans les deux jours suivant l’intervention, très vraisemblablement du fait des microembols libérés lors du franchissement de la crosse aortique et de l’implantation de la prothèse.

Divers dispositifs déployables au niveau de la crosse aortique, ont été développés : Embrella™ (Edwards), Sentinel™ (Claret Medical), qui est un dispositif en filet permettant la capture du matériel et non seulement sa déviation, et TriGuard™ (Keystone), qui protège les trois troncs supra-aortiques.

Lors d’une session consacrée à la question au congrès EuroPCR 2014, tous les intervenants soulignaient à la fois l’intérêt potentiel de ces dispositifs, et l’absence de bénéfice clairement démontré.

Présentée l’année précédente à EuroPCR 2013, l’étude pilote PROTAVI, qui évaluait l’Embrella™ avait déjà donné des résultats décevants, des lésions post procédurales ayant été constatées à l’IRM chez 100% des patient – alors que les différentes études et registres de TAVI indiquent la présence de lésions cérébrales cliniquement silencieuses chez 70-80% des patients.

S’agissant du dispositif Sentinel™, l’étude CLEAN-TAVI, présentée en septembre 2014 au congrès TCT, montrait, elle, des résultats encourageants, avec une tendance à la réduction en nombre et volume des lésions visibles à l’imagerie, mais aussi, semble-t-il, un bénéficie neurologique. Par exemple, un taux d’ataxie réduit à 48 heures a été constaté parmi les patients protégés par le dispositif Sentinel™ par rapport aux sujets non protégés (9% vs. 24%).

Quel rapport entre micro-embols et AVC ?

Le problème est évidemment celui de l’interprétation : dans la population actuelle des patients TAVI, il est quasi impossible d’affirmer que les micro-embols cérébraux provoqués par la mise en place de la valve auront un impact clinique à plus ou moins long terme, et donc d’évaluer le bénéfice clinique d’une prévention.

Au mieux, on peut vérifier que ces dispositifs ne posent pas de problème de sécurité, s’assurer d’une présomption d’efficacité, et finalement s’en remettre au principe de précaution pour justifier son utilisation.

L’étude DEFLECT III, qui vient à son tour d’être présentée, entre parfaitement dans ce schéma.

Evaluation par IRM et tests neurocognitifs

L’étude a été menée dans 13 centres en Europe et en Israël, chez 85 patients inopérables ou à haut risque chirurgical, randomisés entre une protection par le TriGuard™ et pas de protection. « Cette population était représentative des patients chez lesquels le TAVI est actuellement indiqué », notent les auteurs.

S’agissant des valves implantées, une valve Edwards SAPIEN-XT™ ou SAPIEN-3™ (dilatation par ballonnet) a été implantée dans 63,5% des cas, une CoreValve™ de Medtronic (autodéployable) dans 31% des cas, et enfin une autre valve commercialisée dans 3,5% des cas. S’agissant de l’implantation elle-même, elle a emprunté la voie fémorale dans la quasi- totalité des cas (82/85).

Les IRM cérébrales ont été réalisées à 4 jours et à 30 jours. On note qu’en l’absence de données pré-procédurales, toutes les lésions visibles ont été considérées comme nouvelles et imputés au TAVI. Les auteurs justifient cette absence d’IRM pré-procédurale par des données antérieures montrant que les lésions avant TAVI ne sont observées que chez moins de 1% des patients.

Par ailleurs, une évaluation neurologique et cognitive a été menée initialement, puis une seconde avant la sortie de l’hôpital, et enfin une troisième à 30 jours.

Cette évaluation comportait les tests suivants : National Institutes of Health Stroke Scale (NIHSS),  Modified Rankin Scale (mRS), Montreal Cognitive Assessment (MoCA), Cogstate Research Test, Digit Symbol Substitution Test, Trail making Test Parts A et B, ainsi que différents tests portant sur le langage. Ces tests ont été effectués dans chaque centre, sous la supervision de personnel formé et certifié, ignorant le groupe d’allocation de chaque patient.

Sûr, oui ; efficace, c’est moins sûr  

S’agissant de sa mise en place, le TriGuard™ a pu être convenablement déployé dans la crosse aortique, pour couvrir les 3 troncs supra-aortiques, puis retiré sans entraver le TAVI proprement dit, chez 89% des patients (40/45).

Sur le plan de la sécurité, le critère primaire regroupait les décès, AVC, hémorragies sévères, insuffisances rénales aiguës, complications vasculaires majeures, survenant à l’hôpital. Les auteurs soulignent que ce critère est conforme aux recommandations du Valve Academic Research Consortium-2 (VARC-2).

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