
Pr Ota Hlinomaz
Paris, France – Présentée au congrès EuroPCR 2015 par le Pr Ota Hlinomaz (Hôpital Ste Anne, Brno, République Tchèque) l’étude PRAGUE 13 a au moins le mérite de montrer combien la prise en charge optimale des patients se présentant avec un infarctus caractérisé ST + conserve quelques mystères [1].
L’objectif était d’évaluer la revascularisation de toutes les lésions significatives à l’angiographie, versus l’angioplastie de la seule lésion coupable. Cette évaluation avait déjà été entreprise dans études PRAMI et CvULPRIT avec des résultats très en faveur de la revascularisation complète. Or, dans PRAGUE 13, cette stratégie n’apporte rien par rapport à la prise en charge conservatrice – « pas même en tendance », a noté le Pr Hlinomaz.
Même si les patients recrutés dans PRAGUE 13 se distinguent par leur faible risque, même si PRAMI et CvLPRIT souffrent de faiblesses méthodologiques qui ont été relevées par tous les commentateurs, et en particulier les Prs François Schiele et Gabriel Steg dans ces colonnes, il reste que la contradiction est assez saisissante. Là où PRAGUE 13 n’observe rien, ni sur le critère primaire, ni sur les critères secondaires, on peut en effet s’interroger sur la baisse de 65% des évènements majeurs observés dans PRAMI (résultat qui avait entrainé l’interruption prématurée de l’étude), et de 55% dans CvLPRIT.
Des patients à faible risque
PRAGUE 13 est une étude menée en ouvert, dans 6 centres tchèques, portant sur 214 patients. Rappelons les effectifs de PRAMI (n=465 lors de l’interruption) et de CvLPRIT (n=296), avaient été critiqués pour leur faiblesse.
Le Pr Hlinomaz a longuement insisté sur le fait que ces patients étaient à faible risque (FEVG à la sortie de l’hôpital : 48% ; Killip : 1,1 ; délai symptômes-PCI : 229 minutes ; infarctus de l’interventriculaire antérieure : 35%). De même, les patients ayant présenté des symptômes angineux depuis plus d’un mois avant l’accident, étaient exclus du recrutement.
Moins de revascularisations dans PRAMI
La randomisation a été effectuée plus de 48 heures après l’apparition des symptômes, après une angioplastie primaire réussie (TIMI II-III), et après qu’une équipe de cardiologues interventionnels ait reconnu que le patient pouvait être pris en charge dans l’un ou l’autre groupe.
Un groupe de patient a été traité de manière conservatrice, conformément aux recommandations. Chez les patients de l’autre groupe, toutes les sténoses > 70% observées à la coronarographie ont été dilatées dans un délai compris entre 3 et 40 jours après l’angioplastie primaire. En moyenne, deux stents ont été implantés chez ces patients sur des lésions non impliquées dans l’infarctus.
Rappelons que dans PRAMI, le seuil de dilatation des sténoses était de 50% et que tous les patients du groupe revascularisation complète ont été traités durant l’angioplastie primaire.
Dans CvLPRIT, le seuil d’intervention était de 70% et 60% des lésions non coupables ont été traitées lors de la phase aiguë.
Le Dr Hlinomaz précise que « le schéma retenu dans PRAGUE 13 est assez proche de la pratique interventionnelle actuelle, qui programme généralement le traitement des lésions significatives dans les jours suivant l’angioplastie primaire, mais qui peut aussi retarder ce traitement de plusieurs semaines s’il s’agit de lésions complexes, le temps d’un bilan complet. A la différence de PRAGUE, toutefois, qui évaluait la significativité des lésions d’après l’angiographie, les centres interventionnels recourent largement à la FFR. »
Rien ne sort
Au terme d’un suivi médian de 38 mois, 17 évènements du critère primaire (mortalité toutes causes + IDM non fatals + AVC) ont été recensés parmi les patients revascularisés de manière élargie, contre 15 parmi les patients traités de manière conventionnelle (revascularisation de l’artère infarcie uniquement), soit un RR de 1,35, non significatif (p=0,407).
Considérée isolément, les composantes du critère primaire sont également non significatives, de même que les critères secondaires (hospitalisation pour angor instable, cross over entre groupes, revascularisation d’une artère non coupable, mortalité CV, hospitalisation pour insuffisance cardiaque).
Enfin, le Pr Hlinomaz a indiqué que 4 IDM périprocéduraux avaient été observés parmi les patients entièrement revascularisés. Ces IDM étaient « de bon pronostic ». L’observation reste néanmoins importante, puisque dans PRAMI et dans CvLPRIT, la revascularisation complétée lors de l’angioplatie primaire chez la totalité ou une majorité de patients, ne permettait pas le diagnostic des IDM périprocéduraux.
Et en attendant, on fait quoi ?
« Des essais plus larges sont nécessaires pour clarifier la stratégie de prise ne charge des infarctus ST+ chez les patients pluritronculaires », a conclu le Pr Hlinomaz. Et il s’agira vraisemblablement d’essais incluant une évaluation des lésions par FFR.
« Les recommandations actuelles sur la prise en charge de l'IDM-ST+ recommandent l'angioplastie de la seule artère infarcie, du fait de l'absence de preuve de l'efficacité de l'angioplastie préventive », soulignaient les auteurs de PRAMI dans leur papier du New England Journal of Medicine [2]. « Cette incertitude a conduit à une variabilité des pratiques, certains cardiologues interventionnels choisissant de réaliser ces angioplasties préventives immédiatement, en dépit des recommandations, tandis que d'autres retardent ces angioplastie jusqu'à récupération de l'IDM aigu, d'autres encore limitant cette procédure aux cas de récurrence des symptômes, ou aux patients chez lesquels l'ischémie est documentée ».
PRAMI n’a pas permis de résoudre cette ambiguïté – commentant les résultats, le Pr Steg soulignait que trois évènements de moins dans le groupe traitement conservateur auraient suffi à faire perdre leur significativité aux résultats. CvLPRIT n’a pas fait mieux. En contradiction avec ces deux études, ce n’est certainement pas PRAGUE 13 qui va permettre de préciser jusqu’où il convient de pousser la revascularisation, sur quels critères, et dans quel délai par rapport à l’évènement aigu. Les cardiologues interventionnels vont donc devoir quelques temps encore se baser sur leur propre expérience pour juger ce qu’il convient d’entreprendre, éventuellement à 3 heures du matin avec une équipe restreinte.
L’étude PRAGUE 13 a bénéficié du soutien financier de la République Tchèque et de l’Union Européenne. |
REFERENCES :
Hlinomaz O. Multivessel coronary disease diagnosed at the time of primary PCI for STEMI : complete revascularisation versus conservative strategy : the PRAGUE 13 trial. Session de Hot Line. EuroPCR 2015, Paris, 19 mai 2015.
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PRAMI stoppée pour cause de succès de l'angioplastie préventive dans l'infarctus
Citer cet article: Vincent Bargoin. Infarctus : aucun bénéfice de la revascularisation complète dans PRAGUE 13 - Medscape - 20 mai 2015.
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