L’addiction à Candy Crush fait tout oublier, même la douleur !

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

7 mai 2015

San Diego, Etats-Unis –     Le cas clinique rapporté par 6 médecins de San Diego dans JAMA Internal Medicine peut faire sourire. Ces praticiens décrivent en effet une rupture     du tendon du pouce indolore suite à la pratique addictive d’un jeu sur smartphone par un homme de 29 ans [1]. Outre le fait de rappeler qu’un usage     excessif d’un téléphone portable peut avoir des conséquences néfastes sur la santé, les auteurs s’interrogent sur les raisons qui poussent certain(e)s à un     usage abusif des jeux vidéos. La recherche par les « gamers » d’un potentiel rôle antalgique du jeu pourrait-elle sous-tendre ce comportement addictif ?

Too much Candy Crush

Le cas clinique décrit par les américains est simple. Un homme de 29 ans, droitier, est venu consulter pour une douleur chronique au pouce gauche et une     perte de mobilité. Diagnostic confirmé à l’IRM : rupture du tendon du muscle long extenseur du pouce. Aucun antécédent de blessures, de lésions ou     d’opérations aux mains, ni d’arthrose, d’utilisation de quinolones, ni aucune pathologie prédisposant à la rupture de tendon peuvent expliquer la lésion.     En revanche, le patient a rapporté une pratique intensive d’un jeu sur téléphone portable avant la survenue des symptômes. En effet, tandis que sa main     droite vaque à d’autres tâches, la gauche s’affaire à jouer – à Candy Crush [2] – toute la journée, et ce pendant 6 à 8 semaines. Fait notable, l’homme dit     n’avoir ressenti aucune douleur pendant qu’il jouait.

Pour ce patient, une chirurgie réparatrice avec l’un des deux tendons extenseurs de l’index a été pratiquée pour réparer le tendon lésé.

Les jeux video au banc d’essai pour leur rôle antalgique ?

Ce cas clinique original a inspiré une réflexion aux auteurs – pas tant à la lésion en elle-même – mais sur l’effet antalgique engendré par les jeux vidéo.     Celui-ci est connu puisque deux études l’ont démontré chez des enfants pendant des soins pour des brûlures. La distraction visuelle et l’activation     neuro-endocrinienne hypothalamo-hypophysaire pourraient l’expliquer. Dans le cas présent, la douleur –ainsi inhibée- n’aurait pas joué son rôle de     feed-back qui aurait (peut-être) permis au joueur se s’arrêter avant la rupture du tendon.

« Bien qu’il s’agisse d’un cas unique, les chercheurs devraient se demander si les jeux vidéo ne pourraient pas jouer un rôle dans la gestion de la douleur     et comme alternative non pharmacologique possible au cours de procédures médicales douloureuses ou inconfortables, de même que dans la réduction du stress     » affirment les auteurs, allant jusqu’à suggérer un banc d’essai pour savoir si certains jeux seraient plus susceptibles que d’autres de réduire la     perception de la douleur. Et si l’addiction au jeu des certains «gamers» avait à voir avec son effet antalgique ? La question est posée.

Comment ne pas jouer jusqu’à la rupture ?
           Les solutions proposées par les auteurs dans la presse américaine relèvent du bon sens [2, 3]:
           - ne pas jouer plus d’une heure par jour ;
           - modifier sa façon de tenir son téléphone, le poser sur une table et utiliser son index,
           - « texter » de la main gauche si on est droitier et inversement ;
           - faire appel au contrôle vocal (ex : Siri sur l’iPhone) ;

 

La « Novlangue » (le néolanguage) des pathologies des jeux vidéos
           Toute nouvelle technologie entraine de « nouvelles » pathologies - surtout dans le cadre d’un usage inapproprié ou abusif - et donc de nouveaux mots ou expressions. « Texter à s’en rompre le tendon du pouce » pourrait bientôt passer dans les mœurs, tout comme les termes «    Nintendinis » ou, plus précis, « Wiitis ».
           Dans une étude publiée en décembre dernier dans le BMJ, des chirurgiens néerlandais se sont « amusés » à répertorier les articles évoquant les     lésions liées à l’utilisation des jeux vidéo de chez Nintendo (mais ce serait identique avec d’autres marques) [4]. Sur les 1198 papiers recensés, ils en     ont sélectionnés 38.
           Les auteurs ont ainsi mis à jour des pathologies spécifiques comme des « Nintendo Epilepsy » liées à la succession rapide d’écran sur le jeu Super Mario Bros, des problèmes cervicaux répertoriés sous le terme « Nintendo neck » suite à l’usage de la Game boy, des «    Nintendo elbow » ou encore des « Nintendo hallucinations » auditives dues à la musique des jeux-vidéos.
           Ils ont aussi regroupé plusieurs nouvelles lésions musculo-squelettiques sous des mots-valises liés à la technologie impliquée :
           - la « nintendinitis » ou « nintendonitis » désigne les douleurs aux pouces, aux mains et aux poignets, conséquences     d'une utilisation excessive des manettes à boutons des premières consoles ou du joystick après l’introduction de la console Nintendo 64 en 1997.
           - la « wiitis » est un terme générique qui regroupe différentes blessures (touchant les muscles des bras, les épaules le tendon d'Achille ou le canal     carpien) liées à la Wii. Toutes traitées avec des médicaments anti-inflammatoires et du repos. On distingue la « Wii knee » quand les     blessures ont trait au genou, et la « surgerii » quand les lésions sont plus graves (où l’on voit que le tennis sur Wii est très dangereux     !).

 

REERENCES :

  1. Gilman L, Cage DN, Horn A, et al.                     Tendon Rupture Associated                 With Excessive Smartphone Gaming. JAMA Intern Med. Published online April 13, 2015. doi:10.1001/jamainternmed.2015.0753

  2. ABC.                     Candy Crush Bender Causes Man                 to Rupture Tendon in Thumb. 16 avril 2015.

  1.    

    UT-San Diego. Torn tendon from texting is rule of thumb. 27             avril 2015.

       

  1. Jalink MB, Heineman E, Pierie JP et al.Nintendo related injuries and other problems: review. BMJ 2014;349:g7267

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