AVC : la mobilisation intensive très précoce semble délétère

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

6 mai 2015

Glasgow, Royaume-Uni – Selon les résultats de l’étude australienne AVERT (A Very Early Rehabilitation Trial), présentée par le Pr Julie Bernhardt (Florey Institute of Neuroscience, Université de Melbourne) à la conférence de l’ European Stroke Organisation (ESO) et publiés simultanément dans le Lancet, une mobilisation rapide après un AVC ne favoriserait pas le pronostic à 3 mois. Au contraire, un programme intensif, commencé dans les 24 heures suivant l’accident, semble associé à un moindre taux de bonne récupération que la prise en charge traditionnelle [1,2].

Les résultats de notre essai devraient impacter la pratique clinique et faire évoluer les recommandations – les auteurs

L’information est d’autant plus surprenante que le bénéfice d’une mobilisation précoce est à peu près admis – sans véritable preuve toutefois. Les prises en charge traditionnelles incorporent d’ailleurs généralement des exercices précoces, dans les 24 heures de l’évènement. La particularité du programme australien est simplement que ces exercices ont été effectués systématiquement et de manière intensive.

« Les résultats de notre essai devraient impacter la pratique clinique et faire évoluer les recommandations », estiment les auteurs. « Sur les 30 recommandations de sociétés savantes examinées, une mobilisation précoce était préconisée dans 22 cas, avec toutefois peu, voire le plus souvent aucune information sur le protocole à mettre en œuvre ».

« L’implication a minima de nos résultats est que l’instauration dans les 24 heures d’un AVC, d’une mobilisation fréquente et à haute dose, n’apporte rien par rapport aux soins habituels. Toutefois, ces soins constituent déjà une intervention complexe [….], et certains composants de notre programme d’intervention sont déjà utilisés en routine. La priorité est donc de comprendre quelles composantes affectent le pronostic pour tenter d’élaborer des recommandations basées sur des preuves. Nous allons lancer des analyses doses-réponses de nos résultats pour établir les effets d’une dose de réhabilitation sur l’efficacité et la sécurité de la prise en charge ».

Evaluation multicentrique, randomisée, d’une réhabilitation précoce et intensive

L’étude a été menée dans 56 unités neurovasculaires (UNV), répartis dans cinq pays (Australie, Nouvelle-Zélande, Malaisie, Singapour, Royaume-Uni) chez 2104 patients, victimes d’AVC ischémiques ou hémorragiques, inauguraux ou récurrents, et hospitalisés dans les 24 heures suivant l’évènement (45% d’AVC modéré à sévère ; 26% de patients de plus de 80 ans).

Les patients thrombolysés par tPA étaient autorisé (26% des patients). En revanche, les patients présentant un score de Rankin modifié (mRS) supérieur à 2 avant l’évènement, n’ont pas été inclus dans l’étude (les patients avec déjà une séquelle conséquente d’un précédent évènement).

Après randomisation, ces patients ont été pris en charge selon le protocole classique de l’unité d’admission, ou selon un protocole renforcé.

« L’intervention incluait trois éléments cruciaux », indiquent les auteurs. « Premièrement, elle devait commencer dans les 24 heures suivant l’AVC. Deuxièmement, elle se focalisait sur la position assise, debout, et sur la marche. Troisièmement, elle devait comporter au moins trois sessions supplémentaires d’activité « hors lit » par rapport au protocole habituel ». Enfin, la dose proprement dite de l’intervention, était « dictée par les capacités fonctionnelles et leur évolution », avec quatre niveaux préspécifiés.

Précision : le patient n’était mobilisé hors du lit qu’en l’absence d’une hypotension orthostatique de plus de 30 mm Hg.

Cette prise en charge renforcée s’effectuait sous la supervision de kinésithérapeutes et d’infirmières spécialement formés et s’interrompait à la sortie du patient de l’UNV ou à J14.

Infériorité, dans tous les sous-groupes

En pratique, sur les 1054 patients randomisés dans le groupe « mobilisation précoce », 965 (92%) ont effectivement été mobilisés dans les 24 heures, contre 623 (59%) des 1050 patients du groupe contrôle. En moyenne, le délai avant la première mobilisation était de 18,5 heures dans le groupe intervention, contre 22,4 heures dans le groupe contrôle. Le nombre de sessions journalières d’activités hors du lit étaient de 6,5 et 3 respectivement, pour une durée quotidienne de 31 minutes et 10 minutes. Au total, le temps de mobilisation avant la sortie de l’hôpital, ou jusqu’à 14 jours prévus, était 201 et 70 minutes.

Une évolution favorable à trois mois était définie par un score de Rankin mRS de 0-2. 99% des patients ont pu être évalués à trois mois.

L’analyse a été réalisée en intention de traiter, et après ajustement pour l’âge et la sévérité de l’AVC (score NIHSS).

La fréquence des issues favorables se révèle inférieure parmi les patients pris en charge de manière intensive : 46% vs. 50% ; RR=0,73 ; IC95%[0,59-0,90] ; p=0,004.

L’incidence des décès est de 8% vs. 7% (RR=1,34 ; p=0,113).

Des évènements sévères non fatals ont été observés chez 19 et 20% des patients respectivement, tandis que l’intervention n’a pas diminué le nombre des complications liées à l’immobilité (embolie pulmonaire, TVP, infection urinaire, escarres, pneumonie).

Enfin, dans tous les sous-groupes préspécifiés – âge (<65, 65-80, >80), sévérité de l’AVC, type d’AVC, traitement ou non par tPA, délai avant la première mobilisation (<12h, 12-24h, >24h), zone géographique (Australie+Nouvelle-Zélande, Asie, Royaume-Uni) – la prise en charge traditionnelle apparait en tendance ou significativement supérieure à la prise en charge intensive.

Résultats malgré tout surprenants

Le résultat obtenu est surprenant. Il contredit en effet tous les travaux menés sur la question, et notamment une étude pilote d’AVERT, menée par la même équipe, et qui montrait, elle, un bénéfice significatif d’une mobilisation précoce et intensive [3].

Il reste que ces résultats portaient tous sur des effectifs très limités, et qu’AVERT est la première évaluation sérieuse de la prise en charge des patients immédiatement après l’AVC. Au demeurant, la présentation du Pr Bernhardt à la conférence de l’ESO a été saluée par une standing ovation, le président de l’ESO, le Pr Kennedy Lees (Université de Glasgow) qualifiant le travail « d’immense succès », en dépit des résultats négatifs.

Les résultats étant très récents, il n’est pas question d’en tirer pour le moment des conclusions définitives, a indiqué le Pr Bernhardt. Les analyses se poursuivent donc, pour tenter de comprendre quels aspects ont pu se montrer délétères dans le protocole d’AVERT. Certains de ces aspects pourraient en effet déjà figurer dans les prises en charge actuelles. En attendant d’autres informations, il parait raisonnable, au moins, de ne pas renforcer celles-ci.

L’essai AVERT a été financé par le National Health and Medical Research Council australien, le Chest Heart and Stroke écossais, Chest Heart and Stroke d’Irlande du Nord, Singapore Health, la Stroke Association britannique, et le National Institute of Health Research britannique.
Les auteurs déclarent n’avoir pas de conflit d’intérêt en rapport avec le sujet.

REFERENCES:

  1. The AVERT Trial Collaboration group. Efficacy and safety of very early mobilisation within 24 h of stroke onset (AVERT): a randomised controlled trial . The Lancet ; http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(15)60690-0.

  2. European Stroke Organisation (ESO) 2015. (Abstract 71). Glasgow, 17 avril 2015.

  3. Bernhardt J, Dewey H, Thrift A, et coll. A Very Early Rehabilitation Trial for stroke (AVERT): phase II safety and feasibility. Stroke 2008; 39: 390–96..

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