Paris, France -- « A moins d’une remise à plat et de réelles concertations entre les responsables des schémas d’organisation, la situation de la permanence des soins (PDS) pourrait se dégrader dans les années à venir », explique de Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) en préambule de la 12ème enquête nationale sur la permanence des soins.
« Face à une profession de médecins généralistes dont la typologie évolue (démographie en baisse, féminisation, manque d’intérêt pour l’exercice libéral…), c’est tout à la fois le cadre réglementaire, la réflexion sur l’offre de soins et celle sur les mesures incitatives à l’implication des praticiens qui doivent être revus pour éviter un effritement du système dans certaines zones du territoire ».
Et de souligner que « la permanence des soins est quasiment absente du projet de Loi Santé, si ce n’est par l’instauration du numéro d’appel national…On ne retrouve pas trace dans ce projet d’une solution attendue par les praticiens pour garantir leur couverture assurantielle* pendant leurs missions de permanence des soins ».
*A ce jour, en effet, le ministère estime que « le fait que la PDS soit qualifiée de mission de service public par la loi ne suffit pas à donner au médecin de PDS la qualité de collaborateur occasionnel du service public ». Un arrêt rendu par la Cour de cassation a confirmé cette interprétation.
L’enquête électronique réalisée début janvier 2015 auprès des 100 conseils départementaux de l’ordre, de 22 conseils régionaux et elle a été complétée par des contacts téléphoniques avec les responsables de la permanence des soins au sein de chaque conseil.
Premier constat : l’érosion du volontariat
2 763 médecins régulateurs libéraux ont participé à la régulation médicale en 2014, ce chiffre stagne par rapport à 2013 (2 760).
Pour le CNOM, « la régulation médicale ne progresse pas et on doit s’en inquiéter dès lors qu’elle constitue la porte d’entrée du dispositif de permanence des soins et le pivot de sa bonne organisation ».
En nuit profonde, 30 % des départements ne bénéficient pas d’une régulation par un médecin libéral. La permanence du samedi matin ne progresse plus non plus. Et déjà un département, la Lozère, ne trouve pas de médecins libéraux pour assurer la régulation.
En 2014, 63 % des départements enregistraient un taux de volontariat de plus de 60 % des médecins libéraux, alors qu’ils étaient 73 % en 2012. Le montant horaire des astreintes de régulation médicale variait de 70 à 90 € entre 20 h et minuit et entre 70 et 120 € de minuit à 8 h, selon les régions.
Deuxième constat : des territoires sans effecteurs
Depuis 2012, le nombre des territoires de santé a été abaissé de près de 25 % et il a été divisé par deux depuis la mise en place de la PDS en 2002. Cette politique de regroupement a été dictée par une recherche d’économies dans le versement des astreintes et par une volonté de limiter le nombre des territoires à faible activité.
Sur les 1 707 territoires de permanence des soins, 89 n’ont pas de garde assurée par des effecteurs libéraux entre 20 h et minuit.
En nuit profonde, 568 territoires ont été définis et une offre est disponible dans 448 d’entre eux.
Enfin en journée des week-ends et jours fériés, ce sont 30 territoires qui ne bénéficient pas d’effecteurs.
Pour le CNOM, « la suspension de la garde en nuit profonde se poursuit à un rythme soutenu : en 2014, 67 % des territoires s’arrêtent de fonctionner à minuit contre 61 % en 2013 et 55 % en 2012. Ce processus devrait se poursuivre et, par extension, la problématique du maintien d’une permanence de soins ambulatoires de 20 h à minuit commence à se poser ici ou là ».
Troisième constat : une absence de dynamisme des maisons médicales de garde
En 2014, 414 lieux de permanence des soins (Maison Médicale de Garde ou MMG) étaient accessibles ; la moitié d’entre eux exclusivement après régulation médicale. Ils couvraient 27,5 % des territoires de santé.
Mais comme le souligne le CNOM, « la question du dispositif d’acheminement des patients vers le centre de permanence des soins n’est pas résolue à la fin 2014. L’autre question non résolue, et qui met encore plus en difficulté la viabilité des lieux d’affectation fixe, est celle de la gestion de visites incompressibles, en dehors des territoires urbains où il existe des associations de type SOS Médecins ».
Enfin, le CNOM souligne les « limites » des schémas organisationnels des Agences Régionales de Santé (ARS) : « le nombre de nouvelles maisons médicales de garde est quasi nul en 2015, le manque de pérennisation de ces structures est une source de pertes de motivation des médecins qui les ont promues ».
Que propose le CNOM ?
Le CNOM s’inquiète de « l’absence de lignes directrices apportées par l’Etat et les régions ». Il souhaite d’avantage de concertation entre les pouvoirs publics et les représentants de la profession.
« Les conseils départementaux, parce qu’ils connaissent les acteurs et les particularités de chaque territoires, doivent être au coeur du processus de décision concernant l’organisation de la PDS ». Le CNOM se déclare « disposé à participer à l’évaluation du dispositif tout en veillant à ce qu’il ne devienne pas incompatible avec les autres missions que les médecins de premier recours assurent déjà au quotidien au plus près de la population et malgré une démographie préoccupante ».
Il propose, « une régulation médicale renforcée en amont, y compris en horaire de nuit profonde, ainsi qu’une affectation mieux adaptée aux besoins des territoires ».
Enfin, le CNOM préconise une grande campagne d’information à destination du grand public qui a « une mauvaise connaissance et une mauvaise utilisation du dispositif de PDS » puisque « 60 à 80% des appels traités en régulation débouchent sur un conseil sans recours à une consultation et que moins de 50 % des actes bénéficient d’une régulation en amont pourtant inscrite dans la Loi ».
REFERENCE :
CNOM. Enquête du conseil national de l’Ordre des Médecins sur l’état des lieux de la permanence des soins en médecine générale, au 31 décembre 2014.
Citer cet article: Dr Isabelle Catala. Permanence des soins : rien ne va plus - Medscape - 29 avr 2015.
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