Paris, France -- Le 25 janvier 2015, Lucien Degauchy, député UMP de l’Oise, a exposé devant l’Assemblée Nationale une proposition de loi visant à obliger les chirurgiens, les anesthésistes et les infirmiers à se soumettre à un test d’alcoolémie avant toute intervention chirurgicale. Cette initiative fait suite au décès d’une patiente à la maternité d’Orthez, en lien avec un geste d’anesthésie défaillant réalisé par une anesthésiste en état d’alcoolisation. Et ce n’est pas la première fois que l’on entend parler d’alcoolisme au sein des blocs opératoires.
Les anesthésistes seraient-ils les spécialistes les plus à risque de dépendance à l’alcool ?
Les anesthésistes sont les premiers qui ont osé en parler
Depuis 2002, la SFAR sensibilise les anesthésistes-réanimateurs à la question des conduites addictives. En 2005, une enquête nationale a été menée par le Dr Laure Beaujouan (Mission santé publique AP-HP) et ses collègues du groupe de travail sur l’addiction en milieu professionnel de l’anesthésie-réanimation : 3 476 spécialistes ont répondu (soit un taux de réponse de 38 % dans la profession). Globalement, 6,5 % des répondants étaient abuseurs ou dépendants de l’alcool, 4,5 % des tranquillisants ou hypnotiques, et 0,7 % du cannabis. Ces chiffres ont été confirmés en 2011 par l’enquête SESMAT [1].
Quid des autres spécialités médicales ? En France en 2010, l’état de santé des médecins a été analysé par la Drees. Plus de 8 médecins sur 10 avait consommé de l’alcool au cours des 12 derniers mois. De 21 à 31 % des médecins présentaient une consommation d’alcool à risque ponctuel (quelques jours par mois) et de 6 à 11 % à risque chronique. |
Autotests de dépendance
Le Collège Français des Anesthésistes réanimateurs (CFAR) a mis en place la commission SMART (Santé des Médecins Anesthésistes Réanimateurs au Travail) qui permet aux médecins, depuis 2009, de réaliser en ligne 9 autotests de dépendance (alcool, burnout, harcèlement morale…).
Au total, depuis la mise en place du service, 3 403 tests ont été réalisés (pour un total de 10 000 anesthésistes-réanimateurs en France) et 300 médecins ont analysé leur degré de dépendance à l’alcool.
Pour le Dr Max-André Doppia (CHU de Caen) à l’origine de l’initiative SMART (Santé du Médecin Anesthésiste Réanimateur au travail), « ce résultat ne signifie pas que les anesthésistes-réanimateurs sont plus enclins à boire de l’alcool que leurs confrères. Ils sont plus sensibilisés au sujet et cherchent à se tester pour connaître leur degré éventuel de dépendance. Notre spécialité cherche au travers de cette possibilité d’autotest et sur la diffusion d’un numéro vert d’aide aux anesthésistes-réanimateurs en difficulté, à gérer les risques humains des confrères pour limiter au maximum de faire courir des risques aux patients ».
REFERENCE :
M.-A. Doppia, M. Estryn-Béhar, C. Fry et coll. Enquête comparative sur le syndrome d’épuisement professionnel chez les anesthésistes réanimateurs et les autres praticiens des hôpitaux publics en France (enquête SESMAT). AFAR Volume 30, Issue 11, pages 782-794.
Citer cet article: Alcool au bloc opératoire : comment gérer le risque humain des confrères ? - Medscape - 23 avr 2015.
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