Le risque d’insuffisance cardiaque sous gliptine devra figurer sur les RCP

Stéphanie Lavaud, avec Alicia Ault

Auteurs et déclarations

15 avril 2015

Silver Spring, Etats-Unis — Après les glitazones, c’est au tour des gliptines de faire l’objet d’une suspicion de sur-risque cardiovasculaire, en particulier de majoration de l’insuffisance cardiaque. A ce stade et dans l’attente de données complémentaires, pas de restriction d’utilisation, ni même de retrait, mais un panel d’experts réunis par la Food and Drugs Administration (FDA) demande à ce que l’on mentionne clairement ce risque dans les RCP, de même que celui d’une surmortalité potentielle pour la saxagliptine (Ongliza®, AstraZeneca/Bristol-Myers Squibb) et les combinaisons médicamenteuses qui en contiennent (Komboglyze®). Cette information devra s’étendre aussi à l’alogliptine (Vipidia®,Takeda), pour laquelle le risque d’insuffisance cardiaque n’a pas été démontré – mais il n’a pas été recherché – et qui appartient à la même classe thérapeutique. La publication d’ici la fin de l’année de résultats portant sur d’autres antidiabétiques comme la sitagliptine (Januvia®, MSD ; Xelevia®, Pierre-Fabre) devrait permettre d’y voir plus clair.

Antidiabétiques et évaluation du risque cardiovasculaire
En 2008, les doutes sur le profil cardiovasculaire de l'hypoglycémiant rosiglitazone* ont conduit la FDA et l' Agence européenne du médicament (EMA) à changer leurs procédures d'autorisation des antidiabétiques et à demander aux laboratoires de faire la démonstration de leur innocuité cardiovasculaire. Les études EXAMINE et SAVOR-TIMI 53 s'inscrivent dans ce contexte.
*Les deux réprésentants de la classe des glitazones, rosiglitazone et pioglitazone, n'ont plus d'AMM en France.

Sur-risque d’insuffisance cardiaque avéré

L’avenir des gliptines, saxagliptine en tête, n’est plus aussi radieux. L’excès d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque observé dans le groupe saxagliptine de l’étude SAVOR-TIMI53 a mis la puce à l’oreille des autorités de santé, déjà échaudées par l’affaire de la sécurité cardiovasculaire des glitazones. La FDA avait décidé en février 2014 d’initier une procédure d’évaluation du risque chez les patients diabétiques de type 2 traités par ce nouvel inhibiteur de la dipeptidylpeptidase-4 (DPP-4 ou gliptine). La FDA avait alors demandé une analyse approfondie de toutes les données disponibles sur la saxagliptine, mais aussi sur une autre gliptine, l’alogliptine (Takeda).

Le verdict est tombé la semaine dernière : après ré-analyse de ces données, le rapport d’experts, d’une part, confirme le sur-risque d’insuffisance cardiaque avec la saxagliptine et, d’autre part, s’alarme d’un sur-risque de mortalité toute cause [1,2]. Les experts du Comité de conseil de la FDA sur les médicaments en endocrinologie et du métabolisme qui se sont réunis hier ont voté majoritairement l’ajout de ces nouvelles données de sécurité aux RCP de la saxagliptine. Et même si au départ, le Comité ne se réunissait pas pour évoquer l’alogliptine, les experts ont aussi voté l’ajout de l’information sur le risque cardiovasculaire de la gliptine de Takeda, certains membres du panel ayant le sentiment qu’il pourrait s’agir d’un problème plus large de classe thérapeutique, même si les avis sont partagés.

Suspicion tout azimut et prudence de mise

Le degré de risque cardiovasculaire et de mortalité toute cause ne provoque pas la même inquiétude chez tous les experts du Comité, mais néanmoins « l’ajout d’un avertissement est nécessaire pour que les prescripteurs soient prudents chez les patients présentant le risque le plus important » résume l’un des panélistes, le Pr Morris Schambelan de l’Université de Californie.

La suspicion s’étend désormais aussi à l’impact potentiel de la saxagliptine sur la fonction rénale. L’analyse de SAVOR-TIMI 53 consacrée au rein - et dont les conclusions étaient plutôt optimistes - n’a visiblement pas convaincu le jury de la FDA qui pense que le sujet mérite d’être creusé. Idem pour l’alogliptine dont les données sur la sécurité rénale et cardiovasculaire ne sont pas jugées suffisantes. Pour preuve, l’étude additionnelle menée par la FDA à partir d’ EXAMINE a montré que 89 patients du groupe placebo avait connu au moins une hospitalisation pour insuffisance cardiaque versus 106 patients sous alogliptine, soit un risque relatif de 1,19 (IC 95% : 0,90 – 1,58). «Un chiffre que les experts de la FDA « ne trouvent pas particulièrement rassurant » tout en reconnaissant que l’étude n’était pas dessinée dans ce but.

Pour résumé : c’est compliqué. D’un côté, le Comité d’experts ne veut pas affoler les prescripteurs en leur laissant penser que ces antidiabétiques sont dangereux, mais de l’autre, ils voudraient que chacun d’entre eux aient en tête ces éventuels risques et en tienne compte lorsqu’il prescrit ces molécules.

Hospitalisation pour insuffisance cardiaque : risque accru de 27%
Petits rappels des faits. Tout est parti de l’essai Saxagliptin Assessment of Vascular Outcomes Recorded in Patients with Diabetes Mellitus (SAVOR-TIMI 53) portant sur plus de 16000 patients et présenté au congrès de l European Society of Cardiology en septembre dernier. Dans cet essai, ajouter de la saxagliptine au traitement hypoglycémiant classique de patients diabétiques de type 2 n’apportait pas de bénéfice en termes de prévention des événements cardiovasculaires chez des patients à haut risque, ni n’augmentait les taux de cancers du pancréas, de pancréatites aiguës ou chroniques, en revanche, les auteurs notaient un excès d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 27% dans le groupe « saxaglitine » vs placebo (3,5 % versus 2,8%, respectivement. RR=1,27 ; IC 95% 1,07 à 1,51 ; p=0,007). Le Pr Bhatt qui avait présenté ces résultats à l’ESC avait précisé, à l’époque, que chez ces patients, il n'y avait pas de signal d'excès de mortalité toutes causes, de mortalité cardiovasculaire ou des critères de jugement primaire et secondaires.
De son côté, l'essai de plus petite taille EXAMINE présenté lui aussi lors de l’ESC 2013, qui a enrôlé 5300 patients à haut risque cardiovasculaire, n'a pas retrouvé d'augmentation des hospitalisations pour insuffisance cardiaque avec l'alogliptine. Mais, d’une part, les hospitalisations pour IC n’étaient pas un critère préspécifié d’EXAMINE. D’autre part, l’analyse n’a finalement été menée que sur quelques 800 insuffisants cardiaques chroniques inclus dans l’étude, après exclusion des patients ayant développé une IC après un IDM.

Dans l’attente des résultats avec d’autres antidiabétiques

Les résultats des études en cours avec d’autres antidiabétiques sont évidemment très attendus et pourraient lever le doute. Les regards se portent désormais sur TECOS (A Randomized Placebo Controlled Clinical Trial to Evaluate Cardiovascular Outcomes after Treatment with Sitagliptin in Patients with Type 2 Diabetes Mellitus and Inadequate Glycemic Control on Mono- or Dual Combination Oral Antihyperglycemic Therapy), conduite par Merck et attendue en juin. Et aussi EMPA-REG OUTCOME, qui s’intéresse à l’empagliflozine, troisième représentant de la nouvelle classe des antidiabétiques inhibiteurs du cotransporteur rénal sodium-glucose de type 2 (SGLT2).

 

Le sujet a fait l’objet d’un article sur Mescape.com

 

REFERENCES :

  1. FDA, Briefing material . Endocrinologic and metabolic drugs advisory committee meeting, April 14, 2015.

  2. AstraZeneca's diabetes drug Onglyza may increase death rate –FDA. Reuters 10 avril 2015.

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