Crash Germanwings : les limites de la médecine du travail et du secret médical

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

14 avril 2015

Paris, France – Le secret médical doit-il être levé lorsque qu’un salarié atteint d’une grave pathologie menace la vie d’autrui ? Si le statu quo semble être la règle en France, le secret médical est malgré tout en péril, du fait de procès intentés par des employeurs contre des médecins.

La règle et les exceptions

A la suite du crash d’un A320, le 24 mars dernier, volontairement provoqué par le copilote de l’avion Andreas Lubitz, dépressif, de nombreuses voix se sont élevées pour demander la levée du secret médical dans certains cas extrêmes [1]. Si, en Allemagne, certains députés ont d’ores et déjà demandé un assouplissement du secret médical, aucune réforme législative n’a pour l’heure été évoquée en France.

Toujours est-il que ce débat a suscité des réactions de part et d’autres.

Ainsi, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a dû rappeler, dans un communiqué [2], « que le secret médical, instauré dans l’intérêt des patients, est une condition indispensable à leur confiance. L’obligation de respect du secret est générale et absolue ». Mais, comme toute règle a une exception, « à titre exceptionnel et en cas de risque grave et imminent de mise en danger d’autrui, qu’il ne peut prévenir autrement, et après qu’il ait épuisé toute autre solution, le médecin peut selon le Conseil national de l’Ordre s’affranchir du secret médical en informant le médecin chargé de la santé au travail sinon en saisissant le Procureur de la République. »

A quoi bon légiférer ?

Même son de cloche du côté des milieux syndicaux de la médecine du travail. Pour le Dr Jean-Louis Zylberberg, président de l’association Santé et médecine du travail (SMT), contacté par Medscape, « le médecin du travail est soumis au Code de la santé publique qui régit le secret médical. En dehors de ce qui est prévu dans le Code pénal, à savoir l’alerte du procureur en cas de violence sur enfants, sur handicapés, il n’est pas prévu de dérogations à la levée du secret médical. » Le CNOM évoque également dans son communiqué deux autres cas qui permettent de violer le secret médical, « les sévices ou privations sur les personnes majeures ; le caractère dangereux de personnes qui détiennent une arme ou envisagent d’en acquérir une. »

Personnel navigant : pas de levé du secret mais une inaptitude temporaire

Qu’est-il prévu dans le cas de personnel naviguant atteint d’une pathologie pouvant mettre en danger la vie d’autrui comme ce fut le cas pour la tragédie de l’A320 ? Faut-il légiférer ? « Pour les personnels navigants, il existe des centres d’expertise médicale des personnels navigants, explique le Dr Zylberberg. Ils rendent un premier avis, et il peut arriver que, dans le cadre du suivi médical des personnels navigants, ces centres d’expertise médicale prononcent une inaptitude temporaire de l’exercice de leurs fonctions, selon des pathologies définies. Toutefois, le secret médical n’est pas levé. L’employeur n’aura comme seule indication que la notification de l’inaptitude temporaire. Ce personnel navigant est, dans un deuxième temps, adressé à la médecine du travail qui, selon les dispositions de l’article L46-24-1, peut faire des propositions d’adaptation du poste de travail. »

Un lien médecin traitant/médecine du travail mal connu

Pour autant, mis à part le cas des personnels navigants, les médecins du travail sont-ils bien informés des éventuelles pathologies de travailleurs qui pourraient mettre en péril leur vie ou la vie d’autrui ?

Le Dr Zylberberg regrette, à ce sujet, « un manque d’informations auprès des salariés de la possibilité de consulter à leur demande la médecine du travail. » Quoi qu’il en soit, malgré ce manque d’informations patent des salariés, les médecins du travail, avoue le Dr Zilberberg, sont tenus au courant des pathologies des salariés via le médecin traitant : « Il m’arrive de voir des salariés à leur demande avec un courrier de leur médecin traitant. Par exemple, j’ai vu un salarié muni d’un courrier de son psychiatre, m’informant de son état de santé, et me demandant un aménagement de poste, ou un départ de l’entreprise, pour inaptitude médicale. »

Transgresser ou pas

Outre l’actualité dramatique liée au crash de l’A320 le 24 mars dernier, le secret médical est également menacé par les employeurs, lesquels multiplient les plaintes contre des médecins qui émettent des certificats médicaux établissant un lien entre une pathologie et les conditions de travail du salarié. Dans une récente tribune publiée chez nos confrères de Mediapart [3], cinq syndicats (syndicat de la médecine du travail CGT, syndicat de la médecine générale, Union syndicale de la psychiatrie, association santé et médecine du travail, collectif

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