Microbiote : un terrain d’exploration pour comprendre diabète et obésité

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

13 avril 2015

Bordeaux, France – Le congrès de la Société Francophone du Diabète a consacré plusieurs communications au microbiote, qui suscite des travaux de plus en plus nombreux et aux résultats surprenants.

Un exemple : en présentant des données montrant que le nombre de copies du gène de l’amylase salivaire est inversement corrélé à l’indice de masse corporelle (IMC), le Pr Philippe Froguel (Lille et Londres) a expliqué que les modalités de la digestion de l’amidon pourraient influencer le microbiote. « Les produits de digestion agissent sur la flore intestinale, qui, elle, modifie le métabolisme ».

On en est donc aujourd’hui à envisager que la nutrition, au moins certaines de ses composantes, joue le rôle « d’hormones » vis à vis du microbiote.

Sur le plan clinique, les résultats vont naturellement moins vite, mais on entre clairement aujourd’hui dans une phase d’essais chez l’homme.

« Chez l’animal, on a maintenant des preuves que le microbiote intestinal rend obèse », indique le Pr Karine Clément (Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris). « Chez l’homme, il n’existe pour le moment que des données d’observation ».

Quand on transfert le microbiote, on transfert le génotype

Ces preuves chez l’animal ont été obtenues essentiellement chez des souris axéniques, dont l’intestin n’abrite pas de germes, et qui présentent la particularité d’être hyperphages sans grossir.

Chez ces animaux, on peut transférer le microbiote de souris normales, de souris obèses, ou encore, d’humains – avec, dans ce dernier cas, la possibilité de transférer les microbiotes de deux jumeaux discordants quant à l’IMC, et d’en comparer les effets respectifs.

Dans l’ensemble, ces expériences montrent « qu’avec le microbiote, on transfert le phénotype », résume le Pr Clément. Une réserve cependant : « le phénotype des animaux receveurs ne peut être amélioré que si le régime alimentaire est correct. On ne constate pas d’amélioration en cas de régime gras ». En d’autres termes, le microbiote est une chose. mais c’est l’interaction avec l’alimentation qui est déterminante.

Le microbiote s’acquiert dès la naissance

 
De 20 à 40% de la population présente une véritable atrophie du microbiote -- Pr Clément
 

Ces observations ont, bien sûr, leurs limites. Limite des analyses d’abord, puisque les espèces du microbiote sont anaérobies pour les trois quart d’entre elles, donc difficiles à cultiver. Pour analyser ces populations hétérogènes, on a recours à des techniques de métagénomique, permettant de caractériser un très large éventail de séquences. Il faut cependant prendre les dimensions du problème : lorsqu’on parle du microbiote, on parle en millions de gènes - un chiffre publié indique 3,3 millions - quand le génome humain n’en comporte qu’entre 20 et 25000.

Limite du modèle, ensuite, puisque « les souris sans germes ont un intestin immature », indique le Pr Clément, « donc le microbiote sert à quelque chose ». L’étudier chez un animal qui en est dépourvu reste une approximation plus ou moins grossière.

De fait, chez l’homme, il s’acquiert dès la naissance, puisqu’il existe des différences, de ce point de vue, entre enfants nés par césarienne ou par voie naturelle. Il s’enrichit ensuite durant les 2 à 3 premières années de vie, du moins en principe, puisque « de 20 à 40% de la population présente une véritable atrophie du microbiote », indique le Pr Clément.

Au demeurant, comme l’acquisition, la non-acquisition peut être précoce : des résultats publiés en 2009 montrent ainsi qu’à l’âge de 2 ans, un petit américain présente un microbiote moins riche qu’un enfant amérindien ou né au Malawi. La divergence se poursuit d’ailleurs entre adultes.

Et comme tout se tient, « il existe par ailleurs un effet du sport sur le microbiote », indique le Pr Clément.

Effets de la chirurgie bariatrique et du régime alimentaire

 
Un petit américain présente un microbiote moins riche qu’un enfant amérindien ou né au Malawi.
 

Quelles sont, chez l’homme, les conséquences phénotypiques d’une diversité génétique restreinte du microbiote ?

Dans une population de 169 sujets obèses danois, et 123 non obèses, analysée dans la cadre de l’étude française MicroObese, l’analyse du microbiote montre une distribution bimodale : on trouve des individus à forte diversité bactérienne comme des individus à faible diversité bactérienne.

Or, phénotypiquement, ce second groupe est caractérisé par une adiposité plus marquée, une insulino-résistance, des dyslipidémies plus fréquentes et des marqueurs de l’inflammation plus élevés.

A partir de cette observation, des études d’intervention devenaient envisageables. Elles n’en sont qu’à leurs débuts, mais commencent à montrer que cet « autre génome » qu’est le génome bactérien, est bel

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