Note de d’éditeur : Ce qui suit est la transcription en français du programme vidéo Cardiology Show enregistré le 16 mars 2015, en direct du congrès de l’American College of Cardiology , à San Diego, Californie.
Les panélistes passent en revue les résultats du scanner coronaire dans les essais PROMISE et SCOT-HEART, le ticagrelor dans PEGASUS, les inhibiteurs de PSCK9 par voie injectable, et plusieurs essais de cardiologie interventionnelle (MATRIX, TOTAL, PARTNER). Néanmoins, l’étude qui a marqué le plus les esprits est LEGACY, qui portait sur la perte de poids dans la fibrillation atriale.

Introduction

Valentin Fuster
Valentin Fuster: Bonjour, je suis le docteur Valentin Fuster de New York. Nous assistons actuellement aux sessions scientifiques de l’American College of Cardiology sous le soleil de San Diego, mais je n’ai pas eu l’occasion d’enfiler mon maillot de bain et de sortir ! Je n’ai pas été autorisé à le faire, je travaille trop ! En parlant de soleil, nous avons des personnalités solaires ici aujourd’hui. Un groupe remarquable avec qui nous allons discuter d’un bon nombre de sujets. Laissez-moi vous les présenter :

Anne Curtis
Le docteur Anne Curtis à ma droite, professeur émérite et présidente du service de médecine de l’Université de Buffalo.

Prediman K Shah
Le docteur Prediman K Shah, qui est un bon ami. Il est directeur du centre de recherche Oppenheimer pour l’athérosclérose et du centre de prévention et de traitement de l’athérosclérose au Cedars-Sinai Heart Institute à Los Angeles. Il est actuellement professeur de médecine à la faculté de médecine David Geffen, à Los Angeles, Californie.

Neil Moat
Le suivant qui sourit est chirurgien – donc je ne dirai rien contre les chirurgiens ! Il s’agit du docteur Neil Moat, qui est directeur du programme thoracique et cardiovasculaire au Royal Brompton & Harefield at Foundation Trust, à Londres, Royaume-Uni.

Pamela Douglas
Ensuite nous avons le docteur Pamela Douglas, professeur de recherche en maladies cardiovasculaires à l’Institut de recherche clinique Duke à Durham, en Caroline du Nord.

Sanjit Jolly
Et enfin à ma gauche le docteur Sanjit Jolly, professeur agrégé au département de médecine de l’Université MacMaster. C’est un interventionniste, gardons un œil sur lui !
Nous avons beaucoup de sujets à discuter, alors mettons-nous au travail. Plusieurs études intéressantes ont été présentées lors de ces rencontres. Certaines étaient diagnostiques, d’autres portaient sur les traitements, et d’autres encore sur des techniques interventionnelles.
Essai PROMISE : Imagerie anatomique vs épreuve fonctionnelle chez les patients symptomatiques suspects de maladie coronarienne
Valentin Fuster: Le premier sujet dont nous allons discuter est l’essai PROMISE[1,2]. Le titre complet de l’article paru dans le New England Journal of Medecine est « Résultats de l’imagerie anatomique versus épreuve fonctionnelle dans la maladie coronarienne ». Nous avons avec nous l’investigateur principal, le Dr Pamela Douglas. Je lui ai dit qu’elle ne pourrait pas parler à moins que nous lui posions une question !
C’est une étude très intéressante car comme vous le savez, beaucoup de patients se présentent à nous avec des symptômes de maladie coronarienne, mais bien souvent, nous ne savons pas quel test diagnostique utiliser. Une des approches non invasives est l’épreuve d’effort, quelle que soit sa modalité. L’autre possibilité est la réalisation d’un scanner coronaire. Auparavant, nous pensions que le coroscanner était trop fastidieux, trop cher, tout en délivrant un certain degré d’irradiation. Le Dr Douglas a décidé de comparer ces deux approches chez plus de 10 000 patients symptomatiques issus de 193 sites du nord des États-Unis. Un groupe fut testé de façon anatomique par scanner, et l’autre groupe par épreuve d’effort, que ce soit un ECG d’effort, un test d’effort par scintigraphie, ou bien encore une échocardiographie de stress. Le critère d’évaluation principal combiné était le décès, l’infarctus du myocarde, l’hospitalisation pour angor instable ou pour une complication pendant la procédure interventionnelle. Le critère d’évaluation secondaire était le cathétérisme cardiaque invasif n’ayant révélé aucune obstruction, et le degré d’exposition aux radiations. Curieusement, 52% des patients étaient des femmes. C’est assez fascinant car nous n’avons pas autant de femmes dans la plupart des études. L’âge moyen était de 60 ans, et après un suivi médian d’environ 25 mois, le premier critère d’évaluation a été atteint dans 3,3% du groupe imagerie anatomique et dans 3% du groupe épreuve fonctionnelle, soit aucune différence significative entre les deux cohortes.
J’aurais prédit que le taux de revascularisation serait élevé, mais dans les 90 premiers jours il n’était que de 6,2% dans le groupe coroscanner versus 3,2% dans le groupe épreuve d’effort non invasive.
Un dernier point important auquel je pense est le niveau d’irradiation. De façon générale, il y avait moins d’irradiation dans le groupe scanner par rapport au groupe épreuve d’effort, mais cela dépendait bien sûr de la technique utilisée. Evidemment, il existe une plus forte dose d’irradiation si vous utilisez scintigraphie par rapport à un scanner. Par contre il n’y a aucune irradiation en cas d’ECG d’effort ou d’échocardiographie de stress.
Les conclusions de cette étude sont que chez les patients symptomatiques suspects de maladie coronarienne qui requièrent une approche diagnostique non invasive, la réalisation d’un coroscanner comparée à une épreuve fonctionnelle n’améliore pas le devenir clinique, après un suivi médian de deux ans. Je voudrais finir en disant que le Dr Daniel Mark, également de Duke, a présenté les données économiques reliées à cette étude; et ce qui m’a surpris, c’est que je pensais qu’avec un scanner, il y aurait plus de tests et de gestes de revascularisation, mais les facteurs économiques étaient pratiquement identiques pour les deux approches (anatomique versus fonctionnelle). Que devons-nous donc proposer aux patients qui se présenteront avec une douleur thoracique, sans que nous soyons certains de son origine cardiaque ? Qu’en pensez-vous Anne ? Quel est votre sentiment par rapport à cette étude ?
Anne Curtis: Il me semble que plusieurs options s’offrent à nous. Certains centres favorisent le coroscanner, et d’autres l’échocardiographie de stress. À première vue, je dirais que les deux méthodes sont clairement équivalentes et que nous pouvons utiliser l’une comme l’autre, car les données de PROMISE ne penchent pas fermement en faveur d’une technique.
Valentin Fuster: PK, si vous ressentiez une douleur thoracique sans être sûr qu’elle soit d’origine cardiaque, quelle épreuve de stress choisiriez-vous pour vous-même ?
Prediman K. Shah: Personnellement, si je ne présente pas de contre-indication au scanner, je choisirais probablement cette méthode car elle me donnerait une réponse catégorique quant à la présence ou non d’une maladie obstructive. Et en cas de maladie non obstructive, une modification du facteur de risque pourrait être rehaussée, mais c’est un point de vue personnel.
Valentin Fuster: Neil, quel test choisiriez-vous ?
Neil Moat: Je pense que je réaliserais une épreuve fonctionnelle.
Valentin Fuster: Vous ne voulez donc pas savoir ?
Neil Moat: Non, j’aimerais savoir si j’ai une ischémie fonctionnelle car je ne suis pas certain que le scanner nous donne réellement des informations assez précises sur une lésion qui limite le débit ou bien sur une plaque d’athérome qui devient instable. Donc si je présentais des symptômes en faveur d’un angor, je préfèrerais avoir recours à une épreuve fonctionnelle.
Valentin Fuster: Sanjit ?
Sanjit Jolly: En tant qu’interventionniste, je penche plutôt pour une imagerie anatomique car nous voyons un bon nombre de patients se présenter en salle de cathétérisme avec des résultats d’épreuves fonctionnelles anormaux, alors que leurs coronaires sont saines. Et particulièrement en ce qui concerne les patients à faible risque, peut être leur faisons nous courir un risque inutilement.
Valentin Fuster: Anne, j’ai une autre question : irradiation versus pas d’irradiation, quelle est votre position ?
Anne Curtis: Honnêtement, beaucoup de ces patients semblent ne pas avoir reçu de grandes quantités. Personnellement, je préfèrerais probablement le scanner car j’aimerais connaître mes caractéristiques anatomiques. Avec une épreuve fonctionnelle, vous ne pouvez pas voir ce qui se passe sur le plan anatomique; j’aime l’idée de savoir ce qui ne va pas sur le plan structurel.
Valentin Fuster: Si je pense que l’angor est peu probable, je ferais une épreuve de stress, mais si je suspectais réellement un angor, je préfèrerais le scanner. Pamela, vous avez pratiqué des coroscanners si ma mémoire est bonne ?
Pamela Douglas: Non, je n’ai jamais réalisé de coroscanner; je suis échocardiographe. Si votre patient est en mesure d’effectuer un effort, je réaliserais probablement une épreuve de stress car je pense que les informations fonctionnelles sont très importantes. Maintenant, si votre patient ne peut faire aucun exercice, n’a pas un ECG lisible ou ne peut monter sur un tapis roulant, le scanner semble être la bonne méthode. Donc je me situe en quelque sorte au milieu.
Valentin Fuster: Le statut fonctionnel du système coronaire est important. C’est quelque chose que nous ne pouvons pas ignorer, mais il y a lieu de faire preuve de jugement clinique : il y a des gens assez patients pour faire les choses pas à pas, et d’autres qui veulent tout savoir tout de suite. L’anatomie est bien sûr quelque chose que vous visualisez directement avec un scanner. Êtes-vous d’accord, PK [Prediman K.]?
Prediman K. Shah: Je pense que l’autre bénéfice à réaliser un scanner est, qu’après avoir éliminé une maladie obstructive, vous savez que vous avez une athérosclérose et donc que vous présentez un risque dans le futur, ce qui vous pousserait alors à le surveiller de près. Tandis qu’une épreuve d’effort revenue négative ne me permettrait pas d’exclure une athérosclérose non obstructive.
Valentin Fuster: C’est un bon point. Cette étude se base sur un suivi relativement court, moins de trois ans. Et j’aimerais bien savoir ce qu’il se passera dans cinq ou dix ans. L’épreuve d’effort vous donnera quelques informations, mais en tant que patient hospitalisé j’aimerais en savoir un peu plus au sujet de mes risques futurs. Je pense que la décision doit être adaptée au cas par cas. Vous ne pouvez pas choisir le même test pour tout le monde. Pam ?
Pamela Douglas: Je suis d’accord et je voudrais dire également que la décision n’est pas ciblée uniquement pour le patient. Elle l’est aussi en fonction de l’expertise du centre où le patient est pris en charge. Si vous avez à disposition un excellent scanner et des équipements pour épreuves fonctionnelles moins performants ou vice versa, vous pencherez plus en faveur de la technique qui vous apportera l’information la plus fiable.
Valentin Fuster: Je pensais que les niveaux d’irradiation dans votre essai étaient un peu élevés comparé au type d’exposition que l’on peut au moins observer avec les équipements scannographiques à disposition dans les établissements académiques.
Pamela Douglas: Oui, mais PROMISE est un essai communautaire et pragmatique. Beaucoup d’intervenants avaient un équipement ancien qui n’a pas les acquisitions de séquences que l’on peut voir avec les nouveaux équipements. PROMISE reflète une pratique communautaire, à la différence des pratiques observées dans des institutions académiques de pointe ou dans des centres de recours régionaux où le personnel a consacré du temps à essayer de limiter les taux d’irradiation et à modifier leurs protocoles d’imagerie.
Citer cet article: ACC 2015 : Le Cardiology Show en français avec Valentin Fuster - Medscape - 1er avr 2015.
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