Bithérapie antiplaquettaire chez le coronarien stable : les enseignements de PEGASUS

Dr Catherine Desmoulins

Auteurs et déclarations

31 mars 2015

San Diego, Californie -- Comme cela avait était annoncé par le laboratoire AstraZeneca , l’étude PEGASUS*, présentée en Hot Line au congrès de l’ACC 2015 est positive sur son critère de jugement primaire : dans une population à haut risque à distance d’un infarctus du myocarde, renforcer la prévention secondaire par aspirine en ajoutant du ticagrelor (Brilique®) réduit de 15% la survenue des événements ischémiques du critère de jugement , à savoir les infarctus, AVC et décès cardiovasculaires. L’effet se manifeste sur les 3 critères pris séparément avec à peu près la même amplitude, y compris donc pour la mortalité mais sans pouvoir atteindre le seuil critique de significativité. Par ailleurs, dans cette étude où, outre le dosage conventionnel de ticagrelor à 90 mg, un groupe à dose réduite de 60 mg était également testé comparativement au placebo (randomisation 1 :1 :1), il ne sort pas de différence significative d’efficacité entre les deux doses.

Mais, sans surprise - puisque qu’il s’agit d’ajouter un second antiplaquettaire dont on connait l’efficacité - il y a un prix à payer en matière d’hémorragies. A 3 ans, le taux d’hémorragies majeures TIMI est respectivement de 2,6 % dans le groupe ticagrelor 90 mg, de 2,3% dans le groupe à 60 mg et de 1,06 % sous placebo. Il est néanmoins précisé que le taux hémorragies intracrâniennes (fatales ou pas) ne diffère pas de manière significative avec le groupe placebo.

Rappel de la méthodologie
PEGASUS est une étude randomisée contrôlée multicentrique gigantesque ayant inclus 21 162 patients > 50 ans à haut risque cardiovasculaire puisqu’ils devaient à la fois avoir fait un SCA, entre 1 et 3 ans auparavant et présenter un autre facteur de risque cardiovasculaire : âge > 65 ans, diabète traité, second antécédent d’IDM, maladie coronaire diffuse, insuffisance rénale chronique (eGFR < 60 ml/mn).
Les sujets sous anticoagulant, thiénopyridine, cilostazol et ceux ayant présenté un trouble de la coagulation, un AVC, une tumeur intracrânienne ou un saignement gastro-intestinal dans les 6 mois précédents étaient exclus de même .que ceux ayant été opérés dans le mois précédent.
Ils étaient randomisés 1 :1 :1 entre un groupe sous la dose conventionnelle de ticagrelor (90 mg x 2/j), un groupe sous dose réduite (60 mg x 2/j) et un groupe placebo.
Le suivi médian est de 33 mois.

Deux points positifs et deux points négatifs

Medscape - Faut-il se réjouir de ces résultats ?

Pour le professeur Gabriel Steg (CHU Bichat, Paris), investigateur de l’essai, il y a deux points positifs dans PEGASUS et deux points négatifs.

Pr Gabriel Steg

Premier point positif, « PEGASUS est une étude marquante car c’est la première démonstration formelle que chez des patients coronariens stables à haut risque, il y a un bénéfice à une bithérapie antiplaquettaire pour prévenir l’infarctus du myocarde et les événements cardiaques graves. Car jusqu’ici, le résultat le moins mauvais avec une bithérapie antiplaquettaire prolongée était l’essai CHARISMA (bithérapie par aspirine + clopidogrel chez des coronariens à haut risque avec ou sans antécédent d’infarctus, ACC 2006).Mais l’étude était négative, les analyses à posteriori sur les sous-groupesde patients avec un antécédent d’événement ischémique étaient quant à elles positives.

Donc aujourd’hui on n’avait aucune raison de prolonger un traitement antiplaquettaire double chez un coronarien, au-delà de 12 mois après un SCA ou un infarctus. Au-delà de 12 mois, on était hors AMM. L’essai DAPT ( AHA 2014)qui prônait un prolongement de la bithérapie antiplaquettaire à 30 mois après angio-stenting a déjà un peu ébranlé cette recommandation mais PEGASUS est la première démonstration en post-infarctus et indépendamment du stent.

Deuxièmement « quand on regarde la mortalité, il y a une forte tendance à la réduction et quand on poole les deux doses, c’est statistiquement significatif, donc il y a une réduction de la mortalité. On a donc une réduction des évènements cardiovasculaire et de la mortalité avec la bithérapie en aigu dans PLATO et à distance dans PEGASUS. »

Concernant les deux points négatifs, « le premier est le prix à payer hémorragique qui est plus important que celui espéré par les investigateurs. Ce n’est pas vraiment étonnant car le ticagrelor est plus antiagrégant que le clopidogrel. Dans CHARISMA, le sur-risque hémorragique était moindre ».

Le second point négatif est le fait de ne pas être arrivé à mettre en évidence une différence d’efficacité entre les deux doses. Cela s’explique facilement par les arrêts de traitements pour cause d’intolérance (dyspnée)

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