Nouvelle Loi sur la fin de vie : interview du Dr Jean Leonetti

Nadia Graradji

20 mars 2015

Paris, France -- Après deux jours de débats, la proposition de loi sur la fin de vie a été adoptée mardi 17 mars 2015 à l'Assemblée nationale, en première lecture avec un large consensus. Le texte, porté par les députés Alain Claeys (PS, Vienne) et Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes) instaure un droit à une sédation « profonde et continue » jusqu’au décès pour les malades en phase terminale et rend contraignantes les « directives anticipées ». Le Dr Jean Leonetti, déjà auteur de la loi de 2005 sur la fin de vie, explique à Medscape ce que cette nouvelle proposition change par rapport à la précédente.

Medscape : Dix ans après la promulgation de la loi Leonetti, pourquoi légiférer à nouveau ?

Dormir pour ne pas souffrir avant de mourir, ce n’est pas utiliser des médicaments pour faire mourir.

Dr Jean Leonetti : En France, on meurt encore en souffrant et la parole du malade n’est pas toujours entendue. La loi de 2005 apporte de réelles avancées en matière d'autonomie et de droits des malades. Elle impose aux médecins le non abandon, la non souffrance et le non acharnement thérapeutique. Mais cette loi est peu connue, en particulier par le corps médical, et mal appliquée, et rencontre encore des réticences. Le Comité consultatif national d'éthique et le rapport Sicard l'ont souligné et le gouvernement a reconnu cette carence majeure. L’application de la loi s’est heurtée à la formation très insuffisante des professionnels de santé, notamment des médecins, à la mort, à la douleur, à la souffrance et à l’accompagnement de la fin de vie. Par ailleurs, la France a encore un grand retard dans le développement des soins palliatifs. Il existe de fortes inégalités sur le territoire national : des endroits où les soins palliatifs sont d’une grande efficacité et d'autres où la culture palliative n’a pas pris.

La mesure phare de la proposition de loi Leonetti/Clayes est l’instauration du droit à une « sédation profonde et continue » pour certains patients. Quels sont les changements par rapport à la loi de 2005 ?

JL : Si elle n'apparaît pas noir sur blanc dans la loi de 2005, la sédation en phase terminale est déjà pratiquée, dans des circonstances assez précises. La sédation profonde et continue jusqu’au décès est désormais décrite dans la proposition de loi tout comme les circonstances dans lesquelles elle devait être mise en œuvre. Cette mesure du texte est un copier-coller des recommandations de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. Si le patient est en fin de vie, avec une mort imminente et que ses souffrances ne peuvent être soulagées avec les traitements habituels, on doit soulager par une sédation profonde et continue jusqu'au décès. Au devoir des médecins correspond désormais un droit des malades pour inciter l’ensemble du corps médical à changer de culture.

Vous avez déclaré devant l’Assemblée nationale que « ce texte ne permet pas de donner la mort et n’est pas la porte ouverte à l’euthanasie ou au suicide assisté ».

Une société doit donner des raisons de vivre !


JL :
Dormir pour ne pas souffrir avant de mourir, ce n’est pas utiliser des médicaments pour faire mourir. Donner la mort revient à franchir un interdit majeur, un interdit à la base de la démocratie selon l’expression de Robert Badinter. Le droit à la vie est l’un des derniers droits-créances qui persiste. Quand on fait passer les droits-libertés en droits-créances on déséquilibre

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