Télésurveillance des défibrillateurs implantables : 10 ans et toujours pas de financement pérenne !

Dr Catherine Desmoulins

Auteurs et déclarations

2 mars 2015

Paris, France – C’est un autre « French paradox » qui prouve bien les difficultés que posent aujourd’hui les nouveaux modes de suivi des patients par télémédecine. D’un côté, le télésuivi des dispositifs cardiaques implantables (défibrillateurs automatiques implantables ou DAI) est cité en exemple à tout bout de champ par le ministère de la Santé comme le système de télémédecine le plus abouti. Le gouvernement vient d’ailleurs de lancer une campagne de communication « Déploiement de la télémédecine : tout se joue maintenant ». De l’autre, aucun mode de financement pérenne de cette télésurveillance n’a encore été trouvé. En d’autres termes, les quelque 38 000 porteurs de DAI qui bénéficient de ce service sont dépendants du bon vouloir des fabricants de dispositifs, des Agences régionales de santé (ARS) et de divers autres organismes, hôpitaux ou institutions.

Les blocages technico-administratifs qui durent depuis une bonne dizaine d’années créent des inégalités entre territoires et empêchent l’ensemble des porteurs de DAI de bénéficier d’une télésurveillance dont les avantages sont pourtant nombreux (amélioration de la qualité de vie et du pronostic, réduction de l’encombrement et des délais hospitaliers, des transports…).

De quoi parle- t-on ?
Il faut distinguer la télémédecine, de la télésanté. Dans un cas, cela implique la participation d’un médecin et d’un patient. Dans l’autre celle d’un prestataire de service et d’un consommateur.

 

En 10 ans donc, la télésurveillance des DAI a prouvé, au fur et à mesure des essais randomisés, qu’elle permettait de détecter rapidement une anomalie de fonctionnement du cœur ou de la prothèse, d’où la possibilité de réduire les chocs inappropriés, qu’elle faisait aussi bien que le suivi présentiel (2 visites/an) et qu’elle réduisait les coûts (suivi présentiel réduit de 25%).

Dans le volet médico-économique de l’essai français ECOST (2013), le suivi ambulatoire des porteurs de prothèses rythmiques par rapport au suivi hospitalier réduisait les coûts de 16% d’un point de vue de l’assurance maladie (257 euros/patient/an).

Les chiffres

On implante chaque année en France 80 000 dispositifs cardiaques dont 84% de pacemakers et 16% de défibrillateurs. Tous disposent aujourd’hui d’une technologie permettant un suivi à distance, donc y compris les stimulateurs cardiaques.

 

Le Dr Laurence Guédon-Moreau (CHU Lille) qui participait à une conférence de presse du SNITEM en parallèle des Journées Européennes de la SFC 2015 a rappelé la chronologie des études randomisées ayant conduit à valider cette stratégie de suivi : TRUST (2010), PREFER (2009), CONNECT (2010), ALTITUDE (2011), COMPAS (2012) et ECOST (2013).

La dernière étude en date, IN-TIME (Lancet 2014), menée chez 330 insuffisants cardiaques porteurs de DAI (avec ou sans resynchronisation) a montré une moindre aggravation des patients télé-suivis (63 vs 90) et surtout une réduction de la mortalité de plus de 50% à un an.

La télécardiologie en pratique
En pratique, un enregistrement nocturne est envoyé toutes les nuits à un centre et analysé durant les jours ouvrés. En cas d’anomalie justifiant d’une intervention, le patient est alors contacté dès le lendemain matin pour lui demander de consulter rapidement son médecin pour procéder à un réglage de l’appareil. Cela permet, entre autres, de réduire la survenue de chocs inappropriés, tant redoutée par les patients.

 

Pourquoi ça coince ?

Pour pérenniser cette prise en charge, il manque d’une part la tarification des actes de télésurveillance par l’Assurance Maladie. D’autre part la valorisation par le CEPS (Comité Economique des produits de Santé) de la prestation technique de télésurveillance au Titre I de la LPPR (liste des produits et prestations remboursables). En d’autres termes, il faut à la fois trouver un mode de rémunération des médecins qui pratiquent la surveillance (ces derniers seront probablement payés sur une base forfaitaire) et, par ailleurs, financer la prestation de la société qui transmet et héberge les données des prothèses cardiaques. Cette deuxième condition impose le respect de la confidentialité des données que seul un système de facturation dématérialisé peut fournir. Cette solution « dématérialisée », qui semble s’imposer pour toute la télémédecine se fait attendre…

Ce n’est pas nouveau, un rapport IGAS (décembre 2014) préconisait lui aussi de dématérialiser le traitement des prestations de l’Assurance Maladie pour gagner en efficience. Reste qu’à ce jour, l’approche de facturation aux fabricants reste très « conservatrice ». Et seul le transmetteur (boitier posé à proximité du lit) donné au patient a fait l’objet d’une revalorisation du prix du dispositif implantable.

Bref, à l’heure des opérations de communications du gouvernement sur la télémédecine comme la solution à tous nos maux, il serait bon que l’Assurance maladie fasse un bond technologique.

 

REFERENCE :

Conférence de presse organisée par le SNITEM (syndicat national de l’industrie des technologies médicales), le 16 janvier 2015.

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