Saxagliptine : une option possible chez le diabétique insuffisant rénal

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

26 février 2015

Toronto, Canada – Cardiopathie et néphropathie sont des comorbidités fréquentes du diabète. Il importe donc que tout nouveau traitement antidiabétique fasse la preuve de son innocuité sur ces deux types de complications. Une analyse de SAVOR-TIMI 53 qui visait avant tout à évaluer la sécurité cardiovasculaire de la saxagliptine (Onglyza®, Bristol-Myers Squibb/AstraZeneca) vient de montrer sa sécurité sur le plan rénal chez les patients diabétiques à risque cardiovasculaire, du moins chez ceux présentant une insuffisance rénale légère à modérée [1]. L’innocuité du critère primaire de jugement comportant les décès cardiovasculaire, les infarctus (IDM) et les AVC est confirmée, quelle que soit la fonction rénale de base, en revanche le sur-risque d’insuffisance cardiaque déjà observé subsiste.

Quid de la saxagliptine chez les insuffisants rénaux ?

Si l’inhibiteur du DPP-4, saxagliptine, a montré son efficacité sur le contrôle du diabète, quid de son utilisation chez les patients à risque cardiovasculaire et insuffisant rénaux ? Au congrès de l’European Association for the Study of Diabete s (EASD) , nous rapportions qu’aucun diabétologue n’était allé plus loin que le classique conseil de prudence chez les insuffisants cardiaques, en particulier en cas d’insuffisance rénale ou de BNP élevé. Le Dr Itamar Raz (Hôpital Hadassah, Jérusalem) avait considéré alors que le traitement était sûr « chez des patients âgés, porteurs de nombreuses comorbidités» tout en considérant qu’il fallait être prudent chez les patients insuffisants cardiaques.

Le Dr Darren McGuirre (Université du Texas), cardiologue et autre investigateur de SAVOR-TIMI 53, avait quant à lui affirmé que, compte-tenu des alternatives, il continuerait, même chez un insuffisant cardiaque, à utiliser la saxagliptine pour « ses avantages : monoprise quotidienne, risque d’hypoglycémie très faible [contrairement à l’insuline ou aux sulfonylurées], absence de prise de poids ».Il faudrait néanmoins « expliquer au patient de faire très attention aux signes d’IC, pour interrompre le traitement bien avant l’hospitalisation ». Et le Dr Mc Guire d’ajouter que « chez des patients en IC avancée (NYHA IIIb ou IV), en particulier en cas d’insuffisance rénale, je ne l’utiliserais pas ».

Trois niveaux de néphropathie

Pour affiner l’attitude à tenir en cas d’insuffisance rénale, une nouvelle analyse a été conduite dans laquelle les 16 492 diabétiques de type 2, à risque CV ont été stratifiés en fonction de l’état de leur fonction rénale : absence ou faible insuffisance rénale (taux de filtration glomérulaire estimé [eGFR] > 50 mL/min/1,73 m2; n = 13 916) ; insuffisance modérée (eGFR 30–50 mL/min/1,73 m2; n = 2240) ou sévère (eGFR < 30 mL/min/1.73 m2; n = 336).

Les patients ont ensuite été randomisés entre un groupe saxaglitine et un groupe placebo. Les médecins étaient autorisés à ajuster les traitements, y compris les agents hypoglycémiants. La dose de saxagliptine était de 5 mg 1 fois par jour en cas de fonction rénale normale ou légèrement altérée et de 2,5 mg pour les patients en insuffisance rénale modérée à sévère. Les patients en insuffisance rénale terminale, en dialyse ou transplantés ont été exclus de l’étude. Le critère primaire composite de jugement portait sur les décès cardiovasculaire, les infarctus (IDM) et les AVC. Le principal critère secondaire comportait le critère primaire plus le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, les revascularisations coronaires et l’angor instable. Un critère spécifique incluait le risque de microalbuminurie.

Quatre conclusions majeures

Au final, après 2 ans de suivi, on observe que la saxagliptine n’augmente ni ne diminue les critères primaires et secondaires par rapport au placebo, et ce, quelle que soit la fonction rénale (tous les p des interactions > 0,19).

Le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (IC) pour les 3 groupes de eGFR, indépendamment du traitement assigné, était inversement proportionnel à la fonction rénale, soit 2,2% (fonction rénale normale), 7,4% (HR ajusté, 2,38; P < 0,001), et 13,0% (HR ajusté, 4,59; P < 0,001), respectivement. Cependant, le risque d’hospitalisation pour IC au sein des patients traités par saxagliptine ne différait pas en fonction du taux de filtration glomérulaire estimé (P d’interaction = 0,43) chez les patients avec un eGFR >50 mL/min/1.73 m2 (HR, 1,23), eGFR 30–50 mL/min/1,73 m2 (HR, 1,46), et les patients avec un eGFR < 30 mL/min/1,73 m2 (HR, 0,94).

Quant aux patients avec une insuffisance rénale, ceux sous saxagliptine ont obtenu des réductions de leur microalbuminurie (comparés au placebo), excepté quand l’atteinte rénale était la plus sévère.

Les chercheurs tirent quatre conclusions majeures de cette étude.

  1. Les patients diabétiques avec la néphropathie la plus avancée en termes d’insuffisance rénale sont ceux qui ont le risque cardiovasculaire le plus élevé comparé à ceux ayant des atteintes rénales moins sévères.

  1. Les effets cardiovasculaires de la saxagliptine, y compris les hospitalisations pour cause d’insuffisance rénale, chez les patients avec une fonction rénale modérée à sévère sont « cohérents » avec ceux retrouvés chez les patients avec une fonction rénale normale ou légèrement altérée.

  1. Le traitement par saxagliptine résulte en une modeste mais significative augmentation du contrôle glycémique. Si la saxagliptine prévient la progression de la microalbuminurie chez les patients avec une néphropathie modérée à sévère, elle ne modifie en revanche aucun autre paramètre rénal mesuré.

  1. Enfin, les hypoglycémies majeures, bien qu’inhabituelles, étaient tout de même trois plus fréquentes chez les patients avec une néphropathie, avec des taux plus élevés sous saxagliptine comparativement au placebo, à l’exception des patients avec une insuffisance sévère. Cela pourrait être dû à la prise concomitante d’autres antidiabétiques comme les sulfonylurées ou au hasard, suggèrent les auteurs.

« Ces résultats éclairent l’augmentation du risque cardiovasculaire chez les patients avec une néphropathie diabétique et fournissent des éléments d’information sur l’efficacité et la sécurité de la saxagliptine pour que les cliniciens puissent en tenir compte quand ils mettent au point des stratégies de traitement chez leurs patients atteints à la fois de diabète de type 2 et d’une altération rénale » concluent les auteurs.

Dans un commentaire sur l’article à nos confrères de l’édition internationale de Medscape, le Dr Darren McGuirre a précisé :« Nous ne disposons pas de ce type d’informations pour la plupart des traitements antidiabétiques; la plupart des essais excluent les patients avec une atteinte rénale à un stade modéré, et encore plus, quand elle est sévère [2]. » Il a ajouté : « ce que je retire, à titre personnel de cette étude, c’est que je me sentirai assez confiant pour prescrire cet antidiabétique chez les patients diabétiques avec une insuffisance rénale chronique de stade I à III, en revanche, je ne pense pas que nous ayons des données pour dire quoi que ce soit des stade IV et des insuffisances rénales terminales, puisque les stades IV étaient très peu nombreux et les stades terminaux exclus. »

 

 

L’étude SAVOR-TIMI 53 a été financée par Bristol-Myers Squibb et Astra Zeneca. Les liens d’intérêt de chacun des auteurs sont disponibles dans l’article.

 

REFERENCES:

1. Udell JA, Bhatt DL,Braunwald E et al. Saxagliptin and Cardiovascular Outcomes in Patients With Type 2 Diabetes Mellitus and Moderate or Severe Renal Impairment: Observations From the SAVOR-TIMI 53 Trial. Diabetes Care 2014. DOI: 10.2337/dc14-1850.

2. Saxagliptin: A Therapy Option in Diabetes and Renal Failure. Medscape, 13 janvier 2015.

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