Cincinnati, Etats-Unis – Soit deux placebos injectables, présentés comme deux médicaments à la fois efficaces et strictement équivalents quant à leur formulation – au détail près que l’un coute 100 $ la dose, et l’autre 1500 $. Chez des sujets parkinsoniens, le second donnera des résultats supérieurs au premier sur le plan moteur.
Ce résultat, qui vient d’être publié dans Neurology, est assez fascinant [1]. A la fois parce qu’il « porte l’étude de l’effet placebo à une nouvelle dimension du questionnement », selon l’expression employée par deux éditorialistes américains, spécialistes du Parkinson et membres du département de bioéthique du NIH [2], et parce qu’il confirme que la présentation spectaculaire de la marchandise peut nous impacter physiologiquement.
Transposable aux génériques ?
Le renforcement de l’effet placebo par le prix supposé élevé du produit (et donc les attentes qui peuvent en découler), joue-t-il un rôle dans la perception souvent négative des génériques ? La question est explicitement soulevée par les auteurs, sans, évidemment, recevoir de réponse. Mais comme il s’agit d’une question importante, il est possible que ce travail pousse des instances de santé à s’intéresser à l’effet placebo pour améliorer leur communication sur les génériques.
L’étude a été menée chez 12 patients parkinsoniens (75% d’hommes ; âge moyen : 62 ans ; ancienneté moyenne du diagnostic : 11 ans ; score Schwab and England sous levodopa > 85 ; score off > 70).
Ces 12 personnes étaient des patients du Dr Alberto Espay (Gardner Family Center for Parkinson's Disease and Movement Disorders, Cincinnati, Etats-Unis) premier signataire de l’étude. Ceci peut avoir son importance, en termes d’effet placebo, et constitue par ailleurs une prise de responsabilité personnelle du médecin dans une étude placebo contre placebo. Détail qui a son importance : aucun des patients n’a changé de médecin après l’étude.
Dans un premier temps, ces 12 patients ont subi des évaluations motrices et une IRM cérébrale fonctionnelle avant et après prise de lévodopa.
Dans un second temps, l’examen a été renouvelé, le traitement intercalé entre les deux évaluations étant cette fois une solution saline placebo.
Les patients savaient qu’ils participaient à une étude. Mais celle-ci leur était présentée comme une comparaison de deux agonistes dopaminergiques injectables, d’efficacité similaire, et se distinguant seulement par le prix (100 ou 1500 $ la dose), l’écart étant expliqué par des différences dans les systèmes de production. En fait, ce n’est pas le traitement qui a été randomisé, mais la mention du prix du traitement dans le discours.
Enfin, après un délai de 4 heures, soit l’intervalle entre deux prises de dopa, la séquence évaluation-traitement-évaluation était encore renouvelée, avec cette fois un cross-over entre groupes.
Plus c’est cher, plus c’est bon
Résultat : les deux placebos permettent une amélioration fonctionnelle, mais à la première prise, l’amélioration est prix-dépendante.
Sur les items moteurs de la Unified Parkinson's Disease Rating Scale, utilisée comme critère primaire, les patients traités par le placebo à 1500 $ s’améliorent de 28%, contre 10% pour les patients traités par le placebo à 100 $ (p=0,007).
L’amélioration de score avec le placebo le plus cher « se situe à mi-chemin de ce qui est observé avec la lévodopa », indiquent les auteurs. On note que l’écart entre la lévodopa et le placebo à 1500 $, n’est pas significatif.
S’agissant de l’IRM fonctionnelle, l’administration de lévodopa s’est accompagnée d’une désactivation dans certaines zones cérébrales. Cette désactivation a été retrouvée avec le placebo à 1500 $, là où au contraire, une sur-activation a été constatée avec le placebo à 100 $, notamment au niveau du cortex sensori-moteur gauche.
Enfin, lors des discussions médecins-patients organisées à la clôture de l’étude, les réactions des seconds sont allées « de l’incrédulité à l’amusement », expliquent les auteurs. Sur les douze patients, huit ont déclaré avoir nourri d’importantes attentes quant au bénéfice du traitement, les quatre autres déclarant au contraire n’avoir pas nourri d’attentes particulières. Or, « les sujets du second groupe n’ont présenté que des changements négligeables [sous l’un ou l’autre placebo], et n’ont déclaré aucun changement dans l’évaluation clinique globale qui leur était demandée en fin d’étude ».
Un effet spécifique du Parkinson ?
En termes de mécanisme, on ne sait évidemment pas décrire comment des attentes plus ou moins fortes, conformes à un modèle social assimilant la valeur et le coût, vont impacter la libération de neurotransmetteurs. Des travaux antérieurs ont néanmoins constaté que « la réponse placebo dans la maladie de Parkinson, est médiée par la libération de dopamine au niveau du striatum dorsal et ventral », indiquent les auteurs. « Les changements dans l’activation du putamen pourraient constituer le substrat neurobiologique de l’amélioration des scores moteurs dans notre étude ».
« La régulation dopaminergique positive des voies affectées dans la maladie de Parkinson, est corrélée avec l’anticipation, la motivation et la réponse à la nouveauté chez les sujets sains », rappellent par ailleurs les auteurs. En d’autres termes, la maladie de Parkinson est un cas particulier, dont la physiopathologie même se prête particulièrement bien à l’effet placebo et à l’amplification de cet effet par un discours sur le prix. Les résultats observés dans cette étude ne sont donc pas nécessairement généralisables à d’autres affections.
Il n’en reste pas moins que « les interventions coûteuses à l’efficacité non prouvée, ne sont pas éthiques, mais qu’en revanche, les stratégies visant à exploiter la réponse placebo pour accroitre l’efficacité des traitements, doivent être encouragées » concluent les auteurs de l’étude.
Les déclarations d’intérêt des auteurs figurent dans la publication. |
REFERENCES:
Espay AJ, Norris MM, Eliassen JC et coll. Placebo effect of medication cost in Parkinson disease. A randomized double-blind study. Neurology 10.1212/WNL.0000000000001282
LeWitt PA, Kim S. The pharmacodynamics of placebo : Expectation effects of price as a proxy for efficacy. Neurology 10.1212/WNL.0000000000001294
Citer cet article: Vincent Bargoin. Effet placebo dans le parkinson : plus le médicament actif est cher, mieux ça marche - Medscape - 20 févr 2015.
Commenter