Paris, France -- « Les difficultés thérapeutiques que l’on rencontre actuellement dans la gale sont liées à la fois à la maladie, aux médicaments et au terrain », analyse le Pr Olivier Chosidow, à l’occasion d’une session sur la gale des Journées dermatologiques de Paris (JDP 2014).
Une maladie en pleine mutation
L’incidence de la gale semble augmenter en France depuis dix ans en raison de diagnostics tardifs, de formes inapparentes et de transmissions indirectes. « Pour limiter le risque de diffusion, les médecins doivent avant tout penser à ce diagnostic et définir la gravité de la maladie pour le cas index. Idéalement, un réseau de suivi épidémiologique devrait être mis en place par l’InVS. Enfin, respecter l’application des deux doses de traitements est essentiel », explique le Pr Chosidow.
« Mais ce qui a le plus influé sur l’augmentation de l’incidence, c’est la rupture de disponibilité de l’Ascabiol® depuis fin 2012. A ce jour, en France, nous disposons de 3 traitements locaux dont aucun n’est pris en charge par la sécurité sociale : l’Antiscabiosum® en délivrance hospitalière, le Spregal® (esdépalléthrine) dont l’efficacité n’a pas été totalement prouvée et la permethrine à 5 % qui n’est pas disponible de façon permanente », continue le Pr Chosidow. « Un médicament utilisable par voie générale, l’ivermectine, dispose aussi de l’AMM ».
L’un des autres points de difficultés thérapeutiques dans la gale tient aussi au terrain sur lequel survient la maladie. En effet, le contexte social est souvent difficile puisque les épidémies concernent des femmes enceintes, allaitantes, des nouveau-nés, des enfants de moins de 15 kg, des patients immunodéprimés, des familles recomposées… Si les femmes enceintes peuvent être traitées par l’ivermectine tout comme les enfants de plus de 15 kg, la prise en charge des plus jeunes doit passer initialement par une hospitalisation.
Traitement des nourrissons de moins de 15 kg : pas simple
« 10 % des cas de gale en France concernent les moins de 15 kg. Or, depuis la disparition de l’Ascabiol® en novembre 2012, seuls le Spregal® (esdépalléthrine-butyoxyde de pipéronyle) et le Stromectol® (ivermectine) sont utilisables chez l’enfant. Le problème est particulier pour les tout-petits puisqu’avant l’âge de 2 mois, l’esdépalléthrine est la seule molécule utilisable. Entre 2 mois et 1 an, il est possible de prescrire l’esdépalléthrine et la permethrine et après 12 mois, l’esdépalléthrine, la permethrine et l’ivermectine sont indiqués », explique le Pr Franck Boralevi (Bordeaux) [2].
En raison du nombre élevé d’échecs thérapeutiques chez les enfants de moins de 15 kg – du fait notamment des réticences des parents à utiliser un traitement local – l’ivermectine est utilisé chez certains enfants de moins de 15 kg en France, sans que l’on dispose de véritables données de tolérance.
Un observatoire de l’utilisation de l’ivermectine a été mené sur 63 enfants âgés de 12 mois en moyenne (1 à 32 mois) et pesant 9,3 kg en moyenne. Ils ont été traités par de l’invermectine à une dose comprise entre un quart de comprimé et deux comprimés et demi. Les prises ont été répétées en moyenne 2,4 fois.
« Aucun effet secondaire important cutané, neurologique ou digestif n’a été noté avec le traitement. Néanmoins, un enfant a présenté une poussée d’eczéma. Une récidive de la maladie a été notée chez 14% des enfants 2 à 4 semaines après le traitement », explique le Pr Boralevi.
De nouveaux traitements pour 2015
Une session d’actualité des JPD a traité des pénuries de médicaments en dermatologie. A cette occasion, le Pr Christophe Bédane (Limoges) est revenu sur la pénurie d’Ascabiol ® en France [3]. La rupture de stock qui est survenue en novembre 2012 est en lien avec un problème d’approvisionnement de l’un des principes actifs, le sulfirame, qui n’était produit que par une seule usine dans le monde, en Inde. Or, l’Ascabiol® est commercialisé sans sulfirame dans d’autres pays. Le laboratoire Zambon travaille donc à une nouvelle formulation sans sulfirame qui devrait être soumise à l’AMM française en 2015.
Par ailleurs, un traitement topique à base de perméthrine, Topiscab® (laboratoires Codexial Dermatologie) va être commercialisé début 2015, après l’obtention d’une AMM en novembre 2014. Cette pommade pourra être utilisée chez les plus de 2 mois et chez l’adulte, y compris la femme enceinte, en deux applications à 7 jours d’intervalle.
Olivier Chosidow déclare des conflits d’intérêt avec Sanofi-Aventis et MSD. |
REFERENCES :
Chosidow O. Difficultés thérapeutiques dans la gale. JPD 2014.
Boralevi F. La gale dans tous ses états. JPD 2014.
Bédane C. Gérer la pénurie de médicaments en dermatologie. JPD 2014.
Citer cet article: Dr Isabelle Catala. De plus en plus de gale et pas de médicament : un casse-tête pour les dermatologues - Medscape - 17 févr 2015.
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