POINT DE VUE

Epuisement des médecins : il y a urgence

Dr Manuel Rodrigues

Auteurs et déclarations

18 février 2015

Le blog du Dr Manuel Rodrigues – Oncologue

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Le médecin, rouage d’un système qu’il ne comprend plus 
Le burnout ou syndrome d’épuisement professionnel, du soignant, peut se décomposer en 3 composantes :
-l’épuisement émotionnel, généralement le premier symptôme, est la perte de la capacité à accueillir une émotion nouvelle. Cela peut se traduire par des frustrations, des explosions émotionnelles et ce symptôme ne s’améliore pas au repos.
-la déshumanisation de la relation à l’autre : cynisme, sécheresse relationnelle. C’est le noyau dur du syndrome.
-la perte du sentiment d’accomplissement de soi au travail : c’est le sentiment de ne pas être efficace en particulier dans sa relation à l’autre. La perte de sens s’associe à une démotivation et à une culpabilité.

Pourquoi s’intéresser au burnout ?
Il faut s’intéresser au burnout car ses conséquences sont très négatives d’une part pour la prise en charge des malades et d’autre part pour le soignant lui-même. Le burnout est à l’origine de dépression et d’idées suicidaires.

Dans un récent sondage de Medscape édition  internationale , 46% des médecins interrogés se déclarent en burnout, soit une augmentation de 6% comparativement au même sondage réalisé 1 ans plus tôt. Ces chiffrent vont, selon les spécialités, de 35% à 55%, les plus élevés étant retrouvés en médecine générale, médecine d’urgence et réanimation. La situation devient donc préoccupante aux Etats-Unis avec près d’un médecin sur deux en état d’épuisement professionnel.
Il ne faudrait pas, pour autant, oublier le burnout des autres soignants : infirmières, aides-soignantes, brancardiers, assistantes médicale et des médecins plus jeunes, externes et internes en médecine.
Dès les premières années, les étudiants en médecine sont à risque de burnout.

Deux grandes questions se posent.
Quelles sont les causes ?
Dans le sondage de Medscape, les causes retrouvées sont les causes courantes des études de burnout : en premier lieu, l’excès de charges administratives avec des médecins qui ont l’impression de n’être plus « qu’un rouage dans une grande machinerie de la santé qu’ils ne comprennent plus ». Si ces charges administratives sont importantes aux Etats-Unis, la France n’est pas en reste. La mobilisation actuelle des médecins contre le projet de Loi de santé témoigne bien de ce problème.
La deuxième cause avancée par les médecins américains est de passer trop de temps au travail.  C’est effectivement la conséquence de l’augmentation des charges administratives. Le déséquilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle est très associé au burnout, d’autant plus que, paradoxalement, on passe moins de temps avec le malade. On joue ici sur la troisième composante du burnout qui est la perte de l’accomplissement au travail.
On voit que le burnout a ses racines dans l’organisation de la santé. Dès lors, le  sujet du projet de Loi de santé est un sujet majeur qui peut avoir des conséquences considérables sur l’ensemble de la profession.
Un autre facteur qui ressort régulièrement dans les études est la pression des patients qui augmente au fur et à mesure des années du fait de l’accès à l’information (Internet) mais aussi de la judiciarisation de la médecine.  Cette pression des patients se répercute sur les médecins qui n’ont pas suffisamment de temps à leur consacrer, ce qui va mettre une distance encore plus grande entre le médecin et le patient.
S’y ajoute le fait qu’au plan sociétal, les médecins sont  régulièrement pris à partie sur des questions éthiques (dépassements d’honoraires,…). Toutes ces rumeurs, questionnements, fantasmes, alimentent la distance, de plus en plus grande, entre les médecins et les patients.  Ce n’est pas toujours le cas,  loin de là, mais  de plus en plus de patients sont dans le doute.

Que peut-on faire ?
Les médecins en burnout peuvent être pris en charge par des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) et  par relaxation. Mais il est surtout important de prévenir le stade d’épuisement professionel par des mesures individuelles (apprendre aux médecins à mieux gérer leur temps, à alléger leur emploi du temps…) et des mesures plus globales. On retombe sur la question du projet de Loi de santé. Il y a des mesures fortes à prendre au niveau national pour décharger les soignants de toutes ces charges administratives qui ne font que se multiplier alors même que leur pouvoir de décision est de plus en plus faible.
Comme le disait les médecins américains interrogés par Medscape, « on a de plus en plus tendance à devenir des rouages d’un système qu’on ne maitrise plus, qu’on ne comprend plus ».

A bientôt sur Medscape pour une chronique plus oncologique, je l’espère.

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