Londres, Royaume-Uni – La moitié des britanniques nés après 1960 se verront annoncer un cancer au cours de la vie. C’est ce que révèle une nouvelle étude. Soit une prédiction plus sombre que les précédentes qui évoquaient 1 personne sur 3. Principale raison de cette inflation : des calculs statistiques différents de ceux utilisés auparavant, prenant mieux en compte le risque suivant l’année de naissance, mais surtout l’augmentation de la longévité [1]. « Le cancer est avant tout une maladie des gens âgés, avec plus de 60% des cas diagnostiqués chez des personnes de plus de 65 ans ». Plus nous vivons vieux, plus le risque de mutations génétique augmente et, avec lui, la probabilité de déclenchement d’un processus tumoral.
Risque de cancer en forte augmentation si naissance en 1960 versus 1930
Un sur deux. Le pourcentage fait froid dans le dos mais l’analyse statistique, qui procède d’une méthode différente de celle utilisée auparavant et prend mieux en compte le risque de mortalité par cancer sur la durée d’une vie pour une cohorte donnée, est a priori plus juste. Pour arriver à ce résultat, le Dr Peter Sasieni, chercheur au Centre de prévention du cancer (Université de la Reine Marie, Londres) et ses collègues ont exploré les taux de mortalité toutes causes pour 100 000 personnes/années à partir du bureau des statistiques nationales du Royaume-Uni. Ils ont pris en compte des données historiques pour la période 1951-2012 et des projections pour la période 2013-1960 et ont appliqué les taux de 1951 aux années précédentes (1930 à 1950). Les chercheurs ont tenu compte du risque pour tous les cancers excepté le cancer de la peau non-mélanome et ont calculé l’incidence du cancer et les taux de mortalité en utilisant un modèle statistique dit âge, période, cohorte (APC). Pour aller jusqu’en 2040, ils ont procédé à une extrapolation à l’aide d’une autre méthode statistique (détaillée dans la publication).
Au final, le risque de cancer sur la durée de la vie estimée pour les hommes et les femmes nés en 1930 est de 38,5% chez les hommes et de 36,7% chez les femmes. Chez les personnes nées 30 ans après, ce même risque passe à 53,5% chez les hommes et à 47,5% chez les femmes.
Risque estimé de développer un cancer par année de naissance et selon le sexe
Année de naissance |
1930 |
1935 |
1940 |
1945 |
1950 |
1955 |
1960 |
Homme (%) |
38,5 |
42,2 |
45,4 |
47,8 |
49,8 |
51,5 |
53,5 |
Femme (%) |
36,7 |
39,7 |
42,6 |
44,2 |
45,3 |
46,4 |
47,5 |
Principale explication : la longévité
Comment expliquer cette augmentation du risque d’avoir un cancer à 30 années de naissance d’intervalle ? Pour les chercheurs, la longévité constitue la principale explication. Le risque de se voir diagnostiquer un cancer augmente au fur et à fur que l’on vieillit. « Le risque cumulé est particulièrement augmenté après 65 ans, et plus de la moitié du risque de cancer sur une vie entière chez les personnes nées en 1960 tient aux cancers diagnostiqués après 70 ans » indique le Pr Sasieni.
Risque cumulé pour les personnes nées en 1960
Tranches d’âge (années) |
Hommes (%) |
Femmes (%) |
0- 64 ans |
12,9 |
15,1 |
0- 74 ans |
29,6 |
26,4 |
0 – 84 ans |
49,8 |
39,9 |
La longévité étant la principale raison avancée pour expliquer l’incidence élevée des cas de cancer au cours d’une vie, peut-on aller jusqu’à dire que toute personne qui vivrait suffisamment longtemps développerait un cancer un jour ou l’autre ?
Les calculs des chercheurs permettent de répondre à la question. Ainsi, pour une longévité supposée de 120 années, ils prédisent que près de 90% des hommes auraient un cancer, alors que ce chiffre est de 70 % pour les femmes. « Donc, il semble que virtuellement tous les hommes développeraient un cancer – s’ils ne sont pas décédés d’une autre cause avant. Alors que du côté des femmes, une majorité aurait un cancer mais une part substantielle, minoritaire il est vrai, pourrait ne pas en avoir » commentent les chercheurs.
Ne pas s’en tenir à un message fataliste et insister sur la prévention
Bien sûr, au-delà de la longévité, d’autres facteurs entrent en compte pour expliquer en partie cette recrudescence [3]. Les taux d’incidence de certains cancers spécifiques ont augmenté.
Chez les femmes, les cancers du sein et du poumon ont indéniablement crû depuis la moitié des années 70. Des changements de style de vie comme le tabagisme des femmes, l’obésité, le fait d’avoir moins d’enfants et plus tardivement et le dépistage sont à considérer.
Chez les hommes, le cancer de la prostate et le cancer colo-rectal ont vu leur incidence grimper. Là encore le dépistage par PSA, mais aussi l’augmentation de la consommation de viande et de l’obésité, expliquent en partie ces changements, selon les auteurs.
Pour atténuer le message relativement déprimant et fataliste de leur étude - « Si les gens vivent assez longtemps, ils finiront par développer un cancer » - les chercheurs s’attachent à délivrer un message optimiste : « Il y a néanmoins beaucoup de choses à faire en termes de prévention, comme arrêter de fumer, être plus actif, boire moins d’alcool, et garder un poids de forme » rassure le Pr Sasieni.
« Si nous voulons réduire le risque de développer un cancer, nous devons redoubler d’efforts et agir dès maintenant pour mieux le prévenir chez les générations futures » ajoute-t-il.
Bien que les résultats soient spécifiques à la population britannique, la méthodologie pourrait être appliquée aux autres populations, indiquent les auteurs. Avec les mêmes résultats en France ?
L’étude a été financée par le Cancer Research UK. |
REFERENCES :
Ahmad AS, Ormiston-Smith N, Sasieni PD. Trends in the lifetime risk of developing cancer in Great Britain: comparison of risk for those born from 1930 to 1960. British Journal of Cancer advance online publication 3 February 2015; doi: 10.1038/bjc.2014.606
1 in 2 people in the UK will get cancer , Cancer Research UK, Communiqué de presse, 04/02/2015
Why are cancer rates increasing? Cancer Research UK, 04/02/2015
Citer cet article: Stéphanie Lavaud. 1 britannique sur 2 nés après 1960 aura un cancer au cours de sa vie - Medscape - 12 févr 2015.
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