15 perturbateurs endocriniens associés à une ménopause précoce

Vincent Richeux, Pam Harrison

Auteurs et déclarations

10 février 2015

Washington, Etats-Unis - Contenus notamment dans les pesticides et les matières plastiques, 15 perturbateurs endocriniens sont mis en cause dans une étude américaine pour leur influence sur la ménopause. Les femmes présentant les taux les plus élevés sont ménopausées deux à quatre ans plus tôt, comparativement à celles ayant des taux plus faibles.

« En plus d'être associée à une hausse de certains cancers ou à des troubles métaboliques, l'exposition à des perturbateurs endocriniens peut induire une perte de qualité du sperme, une puberté plus précoce ou un déclin de la fertilité », rappellent les auteurs de cette nouvelle étude, publiée dans Plos One [1].

111 perturbateurs endocriniens évalués

Pour évaluer les effets sur la ménopause, le Dr Amber Cooper (Université Washington, Saint-Louis, Etats-Unis) et son équipe se sont penchés sur les données d'une large cohorte de femmes américaines provenant du programme de recherche NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey).

 
L'effet de ces 15 composés sur la ménopause s'avère plus important que celui d'une consommation de cigarette -- Les auteurs
 

Ils en ont extrait celles de 1 442 femmes ménopausées présentant des résultats de dosages de perturbateurs endocriniens, effectués à partir de prélèvements de sang et d'urine. Aucune d'entre elles n'était sous traitement hormonal substitutif.

Au total, les mesures ont porté sur 111 substances chimiques soupçonnées de perturber le fonctionnement de l'organisme en mimant ou en modifiant l'activité des hormones. Les chercheurs se sont surtout focalisés sur 35 molécules persistantes, dont la durée de demi-vie est supérieure à un an.

Il s'agit de phytoestrogènes, de polychlorobiphényles (PCB), des contaminants depuis longtemps interdits, mais toujours présents dans l'environnement, de pesticides et de dioxines. Malgré une demi-vie inférieure à 24 heures, les phtalates, contenus dans les matières plastiques, ont été également inclus, en raison d'un effet avéré sur la reproduction.

Effet plus marqué avec les phtalates

Une éventuelle corrélation entre les niveaux de ces perturbateurs et l'âge de la ménopause a été recherchée. Les résultats montrent un lien significatif entre une ménopause précoce et 15 perturbateurs endocriniens, parmi lesquels figurent neuf PCB, trois pesticides, un furane (additif de produits ménagers) et deux phtalates.

Avec une relation dose-effet pour la plupart des composés, la ménopause est survenue, en moyenne, entre 1,8 et 3,8 ans plus tôt chez les femmes présentant les niveaux les plus élevés de ces perturbateurs endocriniens, par rapport à celles ayant des niveaux plus faibles. Les deux phtalates ont été associés aux ménopauses les plus avancées (-3,8 et -3,17 ans).

L'effet de ces 15 composés sur la ménopause s'avère plus important que celui d'une consommation de cigarette, liée dans une précédente étude sur la cohorte NHANES à une ménopause avancée de 0,8 à 1,4 ans, notent les auteurs.

« Notre étude montre qu'il existe une corrélation entre un niveau de perturbateur endocrinien persistant et l'âge de la ménopause dans un échantillon représentatif de la population de femmes américaines », soulignent-ils.

Pas de lien de causalité

Pour autant, « elle ne montre pas de lien de cause à effet, les dosages ayant été effectués à un temps donné. Il faudrait pour cela que les femmes soient suivies sur le long terme », a affirmé auprès de Medscape Medical News, le Dr Cooper.

 
Manger des aliments frais, qui ne subissent aucun traitement et qui n'entrent pas en contact avec les emballages, contribue à réduire l'exposition.
 

« Une ménopause survenant quelques années plus tôt peut avoir un effet significatif sur la santé des os ou du système cardiovasculaire, mais aussi sur la mémoire et la qualité de vie des femmes en général ».

Invitée à commenter ces travaux, le Dr Andrea Gore (Université du Texas, Austin, Etats-Unis), rédactrice en chef de la revue Endocrinology, a rappelé qu'il reste difficile d'éviter l'exposition à certains de ces perturbateurs endocriniens.

« Dans la plupart des cas, ces molécules sont depuis longtemps interdites, mais elles restent très persistantes » dans l'environnement et les organismes. Si la fabrication de PCB a en principe été abandonnée, les rejets se poursuivent avec l'élimination de gros appareils électriques et de déchets.

Selon elle, il est toutefois possible de limiter l'exposition en évitant produits alimentaires et boissons conditionnés. « Manger des aliments frais, qui ne subissent aucun traitement et qui n'entrent pas en contact avec les emballages, contribue à réduire l'exposition ».

Les Français particulièrement imprégnés de PCB
« Les concentrations sériques de PCB observées dans la population française sont (…) environ cinq fois plus élevées qu'aux Etats-Unis », a souligné l'Institut de veille sanitaire (InVS), dans une étude sur l'exposition des Français aux pesticides et aux PCB, publiée en 2013.
« Cette situation s’explique probablement, en partie, par des différences d’évolution du contexte réglementaire et de comportements alimentaires (consommation moindre de poisson aux Etats-Unis par comparaison avec les Européens) ».
Parmi les divers PCB mesurés par l'InVS dans la population française, on retrouve deux des PCB associés dans l'étude américaine à une ménopause précoce, avec des niveaux effectivement beaucoup plus élevés par rapport à la population américaine.
Utilisés autrefois pour leurs propriétés lubrifiantes et isolantes, les PCB ont été interdits dans les années 1980 en France. « Entre 1986 et 2007, la concentration sanguine de PCB a été divisée environ par trois en France », notent l'institut.
Néanmoins, il reste qu' « environ 13% des femmes en âge de procréer (…) ont une concentration de PCB totaux supérieure aux seuils critiques » définis par l'Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments (Anses).

 

REFERENCE :

  1. Grindler N, Allsworth J, Macones G, Persistent organic pollutants and early menopause in US women, Plos One, publication en ligne du 28 janvier 2015.

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