Paris, France -- Depuis fin janvier 2015, l’ANSM a restreint les prescriptions initiales d’isotrétinoïne (Roaccutane® et génériques) aux seuls dermatologues, les médecins généralistes (MG) pourront en revanche effectuer le suivi des patientes [1]. Raison avancée : le manque de rigueur supposé quant à la prévention du risque tératogène par les MG. Un argument discutable et qui a mis certains d’entre eux en colère.
Risque tératogène mis en avant
Interrogée par Medscape, l’ANSM explique « l’objectif est d’identifier une cible d’initiateurs du traitement la plus restreinte qui pourra être plus facilement contactée et sensibilisée sur le bon usage du médicament ».
Quels sont les arguments de l’ANSM pour motiver cette décision qui avait déjà été annoncée à l’occasion des Journées Parisiennes de Dermatologie 2014 ? Le risque tératogène avant tout.
A la session d’actualité des JDP 2014, Nathalie Dumarcet, responsable du pole dermatologie, hépato-gastro-entérologie et maladies métaboliques rares à l’ANSM avait expliqué que cette décision avait été prise à la suite de résultats alarmants d’études menées à partir de la base de données de l’Assurance Maladie.
En effet, la prescription d’isotrétinoïne doit prendre en compte la prévention des risques tératogènes, estimés à 20 à 30 %. Chez les patientes en âge de procréer, cela implique une contraception efficace doit être utilisée depuis au moins un mois et un test de grossesse négatif réalisé dans les trois jours précédent la première prescription doit être présenté au médecin. Par la suite, la patiente doit poursuivre sa contraception et effectuer un test sérologique de grossesse tous les mois [2].
Un test de grossesse dans 37 % des cas seulement
Or, comme l’explique la Société Française de Dermatologie, « l’ANSM a motivé sa décision au vu des résultats d’une enquête de l’Assurance Maladie à partir d’un échantillon des généralistes des bénéficiaires – via l’étude des remboursements de tests de grossesse. Sur les 1 367 femmes de 11 à 50 ans ayant débuté un traitement par isotrétinoïne entre 2007 et 2013, seulement 37 % avaient réalisé un test de grossesse dans les trois jours précédent la prescription initiale, 18 % n’avaient jamais réalisé de test durant la totalité de la durée du traitement et 88 % n’en avaient pas non plus fait un au cours des 5 semaines suivant l’arrêt. »
Par ailleurs, « les enquêtes de pharmacovigilance conduites entre 1987 et 2013 retrouvent 748 grossesses déclarées, dont 430 interrompues et 11 ayant conduit à des naissances d’enfants malformées. Néanmoins, depuis l’instauration du carnet patiente, le nombre de grossesses a diminué (47 entre 2009 et 2011) ».
Les généralistes incapables de prendre en compte le risque tératogène ?
La présentation de ces données avait donné lieu à un débat à l’occasion des JDP 2014, et ce d'autant plus, que Nathalie Dumarcet avait signalé que le taux de réalisation du test de grossesse préliminaire était plus important en cas d’initiation du traitement par les généralistes. En effet, si l’isotrétinoïne n’est prescrite pour la première fois que dans 13 % des cas par les médecins généralistes, ces femmes avaient réalisé un test de grossesse dans les trois jours précédents dans 63 % des cas (contre 32 % en cas de prescription initiale par un dermatologue.
Par ailleurs, sur Twitter, on peut lire « je prescrivais de l’isotrétinoïne en raison de la pénurie de dermatologues. Cette mesure a encore allongé les délais », « je connais des MG et des dermatologues qui font n’importe quoi avec l’isotrétinoïne », « la prochaine étape sera la prescription hospitalière »…. Bref, les généralistes s’interrogent sur cette mesure qui semble affirmer qu’ils sont incapables de prendre en compte le risque tératogène de l’isotrétinoïne, contrairement aux dermatologues.
Un courrier de liaison pour prévenir le risque dépressif de l’adolescent L’ANSM a demandé en parallèle aux 4 laboratoires qui commercialisent l’isotrétinoïne (Arrow, Bailleul, Pierre Fabre et Expanscience) [3] d’adjoindre aux documents réglementaires mis à la disposition des dermatologues un courrier de liaison entre ces spécialités et les généralistes dans le but de prévenir les risques de dépression chez l’adolescent sous traitement en utilisant de façon régulière l’échelle ADRS (Adolescent Depression Rating Scale). Cette échelle comprend 10 questions : je n’ai pas d’énergie pour l’école ou le travail, j’ai du mal à réfléchir, je sens que la tristesse me déstabilise en ce moment, il n’y a rien qui m’intéresse ou m’amuse, ce que je fais ne sert à rien, au fond, j’ai envie de mourir, je ne supporte pas grand chose, je me sens découragée, je dors très mal, à l’école ou au travail je n’y arrive pas. Le risque de dépression est considéré comme modéré pour un total compris entre 3 et 5, et il est important pour des scores supérieurs à 6. En cas de dépression sous traitement (ce qui est le cas de 1 à 5% des patients), la prescription doit être suspendue et le patient adressé à un psychiatre. |
REFERENCES :
Communiqué de presse de la Société Française de dermatologie. Isotrétinoïne, nouvelles conditions de prescription et délivrance , 26 janvier 2015
Feuillet patient "Ce qu’il faut savoir avant de commencer un traitement par isotrétinoïne orale" - Point d’information, 26/01/2012
http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/01340d685d89e7abb077fdf4d6469131.pdf
Citer cet article: Dr Isabelle Catala. Acné : les généralistes exclus de première prescription d’isotrétinoïne - Medscape - 2 févr 2015.
Commenter