Affaire Médiator : Servier fait pression sur 2 sociétés savantes

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

22 janvier 2015

Paris, France -- Un nouvel épisode du feuilleton Mediator® (Servier) qui agite la communauté cardiologique depuis 2009. Comme le rapporte le journal Libération du 21 janvier 2015 [1], Simmons&Simmons, les conseils du laboratoire dans les affaires Mediator® au pénal et au civil, ont écrit le 29 décembre 2014 au Pr Yves Jullière, président de la Société Française de Cardiologie (SFC) [2], et au Dr Olivier Hoffman, président du Collège National des Cardiologues Français (CNCF) [3].

Que reprochent ces avocats aux présidents des deux sociétés savantes ? D’avoir relayé sur les sites de la SFC et du CNCF un article co-signé des Drs PV Ennezat, C Tribouilloy, Y Jobic, S Maréchaux, JP Gueffet et MC Malergue sur les valvulopathie médicamenteuses qui a été publié par la revue Cardinale en octobre 2014 [4].

Cardinale, une revue non référencée

Dans son courrier, Simmons&Simmons s’interrogent sur la mise en ligne d’un lien sur les deux sites vers cette publication de Cardinale « qui se présente comme un état de l’art, alors qu’elle contient de nombreuses affirmation qui ne sont pas ou trop peu étayées par des données issues de la littérature (ndlr : l’article fait état de 35 références) ». Ils ajoutent « que Cardinale n’est pas référencée dans les bases de données scientifiques et ne remplit pas les critères qui permettent d’en garantir la qualité scientifique » et que « la plupart des assertions de cet article ne sont que l’expression de l’opinion de ses auteurs et non l’expression d’un consensus de la communauté scientifique internationale ».

Enfin, les conseils de Servier sollicitent une rencontre avec les présidents des sociétés savantes pour « faire part de leurs commentaires au regard de cette publication, dont nous nous étonnons qu’elle soit ainsi mise en exergue, pouvant laisser entendre que vous soutenez le contenu ».

Rhumatisme like ne veut pas dire 100 % rhumatismal

Et quel est donc le contenu de cet article richement illustré d’images d’échographie cardiaque qui pose problème à Servier ?

Rien de bien nouveau : pour les auteurs, depuis 50 ans, un certain nombre de valvulopathies classées comme post-rhumatismales étaient en fait liées à la prise de fenfluramines ou de benfluorex. Ils parlent d’un « croisement étiologique qui a eu lieu dans les années 1990 pour les personnes vivant en France métropolitaine », l’origine médicamenteuse prenant le pas sur les pathologies post-RAA.

Ils soulignent que « le benfluorex induit des lésions valvulaires restrictives « rhumatisme like » et que toute valvulopathie restrictive chez une personne qui a été traitée par benfluorex doit faire évoquer une toxicité valvulaire médicamenteuse ».

Ils ajoutent « évoquer un diagnostic différentiel rhumatismal chez un patient exposé au benfluorex et présentant une valvulopathie découverte souvent au-delà de 50 ans n’est pas pertinent en l’absence d’antécédents de RAA documentés et de cardite survenue dans l’enfance ».

Ils précisent que « l’atteinte rhumatisme-like de la valvule mitrale associée à une insuffisance aortique restrictive pure par fibrose des sigmoïdes est très évocatrice d’une étiologie médicamenteuse. En particulier, tout antécédent de remplacement valvulaire prothétique pour un rétrécissement mitral, une insuffisance mitrale, une maladie mitrale, une insuffisance aortique ou une maladie aortique inexpliquée doit faire rechercher une exposition médicamenteuse […] et la retenir comme étiologie si l’exposition a précédé la mise en évidence de la valvulopathie ».

REFERENCES :

  1. Mediator : Servier prescrit le retrait d’une étude médicale . Libération, 20 Janvier 2015.

  1. http://www.sfcardio.fr

  2. http://www.cncf.eu

  3. Les valvulopathies médicamenteuses . Cardinale.fr

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