TAVI : les étapes clés avant l’élargissement des indications en 2016

Adélaïde Robert-Géraudel

Auteurs et déclarations

16 janvier 2015

Paris, France – « Les indications du TAVI vont sûrement changer, on attend l’evidence-based medicine », indiquait le Pr Hélène Eltchaninoff (CHU de Rouen)lors de l’état des lieux dressé sur le TAVI aux Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie [1].

La question de l’élargissement des indications aux patients de risque intermédiaire n’est pas nouvelle mais la réponse approche : l’une des études susceptibles de faire bouger les lignes est l’étude PARTNER II dont les résultats vont être présentés à l’ACC 2015, dans quelques mois.

 
On est très gênés face à tous ces patients de risque intermédiaire que l’on voit tous les jours et qui nous demandent à bénéficier du TAVI -- Pr Didier Carrié (CHU Toulouse)
 

PARTNER II compare la chirurgie vs TAVI avec la nouvelle prothèse Edwards SAPIEN XT THV® et l’introducteur NovaFlex system 18F® dans la population-cible actuelle (cohorte B, patients inopérables avec sténose aortique sévère) mais aussi (cohorte A) chez des patients à haut risque et à risque intermédiaire.

En réalité, le glissement s’est déjà opéré, puisque l’Euroscore des patients bénéficiant d’un TAVI en France a régulièrement diminué depuis 2011, d’après les données du registre FRANCE TAVI /France 2. Il est passé de 21,9 en 2011 à 18,8 au 31 mars 2014.

« Les cardiologues hésitent de moins à moins à proposer un TAVI, en accord avec la heart team », témoigne le Dr Didier Tchétché (clinique Pasteur, Toulouse). Les chirurgiens eux-mêmes orientent de plus en plus leurs patients de plus de 85 ans vers le TAVI, a souligné le Pr Eltchaninoff. Et les patients font pression. « On est très gênés face à tous ces patients de risque intermédiaire que l’on voit tous les jours et qui nous demandent à bénéficier du TAVI», a précisé le Pr Didier Carrié (CHU Toulouse).

Les recommandations reposent sur une expérience (résultats de l’étude PARTNER, en 2008-2009) qui ne correspond plus à la pratique actuelle.

La procédure s’est affinée (moins d’implantation transapicale), la technologie (prothèse, introducteur) s’est améliorée, l’expérience s’est accrue, et les résultats (essai SAPIEN 3 ou l’étude sur la CoreValve®, de Adams et al. parue dans le NEJM en 2014) sont excellents (plus l’Euroscore est bas et le STS bas, meilleurs ils sont). De plus, il n’y a pas d’alerte sur le vieillissement des prothèses, a souligné le Pr Eltchaninoff.

Tout cela rend le TAVI envisageable chez des patients de plus faible risque en particulier chez les plus de 80 ans… Et même si la spécialiste réaffirme qu’en 2015 « les patients de risque faible et intermédiaire ne sont pas candidats au TAVI » et que seuls le sont les patients inopérables et à haut risque, le glissement a débuté.

Selon la spécialiste, il risque de s’accélérer si les résultats de PARTNER II sont favorables, mais il faudra attendre sans doute l’été 2016 pour que l’élargissement au risque intermédiaire soit acté dans de nouvelles recommandations.

L’élargissement du TAVI aux risques intermédiaires n’implique l’augmentation du nombre de centres implanteurs, et notamment s’ils ne disposent pas de possibilité chirurgicale. « Ce ne serait pas logique », estime le Pr Eltchaninoff. « On doit avoir la possibilité d’opérer les patients sur place en urgence », renchérit le Dr Thierry Lefèvre (Massy). De plus « même si le chirurgien n’est pas indispensable pour la procédure, il l’est pour la décision », souligne la spécialiste.

Les nouveaux dispositifs devraient lever les barrières

« Il est probable que les nouvelles valves seront la solution à un certain nombre de limites actuelles du TAVI et ouvriront la porte aux risques intermédiaires », a souligné le Dr Thierry Lefèvre.

On attend ainsi de ces nouvelles valves et de la taille réduite des nouveaux introducteurs : une fuite paraprothétique inférieure à 2/4, un risque minime d’occlusion coronaire ou de rupture d’anneau, un risque faible de complication vasculaire et d’accident vasculaire cérébral (AVC), un risque acceptable de troubles conductifs, a rappelé le Dr Lefèvre au cours de son intervention.

« Les fuites paraprothétiques [10% en moyenne de fuites modérées à sévères avec les prothèses de première génération, même si elles restent difficiles à quantifier] ont plusieurs causes, a-t-il ajouté. «Une prothèse trop petite, un positionnement trop haut ou trop bas, une calcification importante ».

Aussi, « une amélioration de la mesure de la racine aortique ou l’amélioration du déploiement ou de l’architecture des prothèses devraient avoir un impact sur ces fuites et, de là, sur la survie », estime-t-il.

De même, le risque d’AVC précoce, probablement sous-estimé jusqu’à aujourd’hui, pourrait être diminué avec les nouvelles prothèses et les nouveaux introducteurs puisqu’il dépend essentiellement de facteurs liés à la procédure (positionnement/déploiement).

Les nouveaux modèles se sont ainsi dotés, selon les cas, de poignées ergonomiques, d’un marqueur central, d’une mollette d’ajustement etc. pour faciliter un positionnement plus fiable.

Certaines sont repositionnables mais leur intérêt est controversé. « Si on veut diminuer le risque d’AVC, il faut le système le plus simple possible, avec un dispositif positionnable d’emblée au bon endroit car moins on aura de mouvement mieux ce sera », estime le Dr Lefèvre.

Pour l’heure, seule la Sapien 3® est sur le marché français, la CoreValve Evolut R® devrait également être disponible cette année. D’autres ont le marquage CE et sont utilisées dans le cadre d’essai, mais les premières d’entre elles ne seront pas disponibles avant 2016.

Ces avancées technologiques ne sont cependant pas les seuls leviers d’amélioration des résultats du TAVI, la sélection des patients et les traitements péri-procéduraux en font aussi partie.

Parmi les attitudes à préciser, le Dr Tchétché citait notamment la stratégie d’anticoagulation. « Aujourd’hui, on met les patients sous bi-antiagrégants, mais on le fait de manière empirique. Il est probable que les antiplaquettaires ne sont pas utiles. L’étude ATLANTIS lancée par le Pr Jean-Philippe Collet, qui compare coumadine vs anticoagulants oraux directs (AOD) post-TAVI dira si les AOD sont utiles ».

 

REFERENCE :

  1. JESFC 2015. TAVI : état des lieux. Jeudi 15 janvier 9h-10h30

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