Paris, France -- Malgré une grève protéiforme des médecins généralistes et spécialistes contre le projet de loi de santé, Marisol Touraine maintient le cap et confirme la mise en place du tiers-payant généralisé en médecine de ville.
Polémique autour des chiffres de la Cnamts
La grève des médecins généralistes contre le projet de loi de santé a franchi un nouveau cap. Après une fermeture des cabinets entre les 23 et 31 décembre, la plupart des syndicats de médecins, généralistes et spécialistes opposés à certaines mesures de ce projet de loi, dont la généralisation du tiers-payant à la médecine de ville, appellent à la grève administrative.
Une nouvelle étape, jugée déterminante, tant la fermeture des cabinets de médecine, en cette fin d’année, a donné des résultats plus que mitigés. Dans un communiqué de presse diffusé le 2 janvier dernier, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnamts) note que, entre les 23 et 31 décembre, l’activité des médecins libéraux est en légère progression. Ce qui signe un échec de l’appel à la fermeture des cabinets libéraux.
Selon les chiffres de l’assurance maladie, transmis à l’Agence France Presse (AFP), 4,9 millions de feuilles de soins ont été télétransmises, contre 4,6 millions en 2013, et 4,8 millions en 2012. Des chiffres à prendre avec des pincettes, selon la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), qui traduisent avant tout « les nombreuses réquisitions auxquelles les pouvoirs publics ont procédé sur les médecins libéraux grévistes ». Par ailleurs, si l’assurance maladie considère la période allant du 23 au 31 décembre, la CSMF prend pour référence la période du 24 au 31 décembre, et note, pour le coup, un infléchissement de 21% du volume des consultations médicales, par rapport à 2012.
Grève de la carte vitale pour saturer les services d’assurance maladie
Quoi qu’il en soit, dès ce 5 janvier, les médecins font cette fois-ci la grève de la carte vitale, pour prescrire avec les bonnes vieilles feuilles papier.
But de la manœuvre ? « Saturer les services de l’Assurance Maladie en leur compliquant la tâche et en renouant avec les formulaires papier », selon la CSMF. Toutefois, pour ne pas pénaliser les patients les plus précaires, la CSMF « demande aux médecins libéraux d’utiliser une feuille papier à chaque fois que le montant de l’honoraire ne sera pas un obstacle à l’accès aux soins ».
Les médecins spécialistes, représentés par l’Umespe/CSMF, emboite le pas de la CSMF, et appelle les médecins à « arrêter toute transmission de feuille de soins électronique à partir du 6 janvier, en restant extrêmement attentifs à ne pas entrainer des difficultés d’accès aux soins ».
L’Umespe demande aussi de ne plus recevoir les délégués de l’assurance maladie « notamment pour l’analyse des prescriptions de transport ».
Malgré les précautions prises pour ne pas désavantager les patients les plus modestes, le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), qui représente les usagers, dénonce, dans la grève administrative des médecins, une atteinte « au patient qui est visé au porte-monnaie. Ceux qui n’ont pas d’argent pour faire l’avance de frais n’ont pas non plus d’argent pour attendre un remboursement différé ».
L’assurance maladie, elle, met en garde les médecins qui fomenteraient une telle grève, en leur rappelant que « la généralisation de la facturation électronique est un engagement pris par les principaux syndicats représentatifs des médecins libéraux (CSMF, MG, SML) dans le cadre de la convention médicale signée le 26 juillet 2011 (article 47) [1]».
MF France, pour les médecins généralistes, a appelé à la grève le 6 janvier. Un appel relayé par la Fédération des médecins de France (FMF), et le syndicat des médecins libéraux (SML), quatre ans jour pour jour après la dernière augmentation du tarif de leur consultation à 23 euros.
« Trahison » de la FHP
Dans les cliniques, la grève des médecins s’organise, même si la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) a annulé, pour sa part, l’appel à la fermeture des cliniques à compter du 5 janvier. La FHP avait lancé cet appel à la grève de peur que les cliniques, tel que le stipule actuellement le projet de loi de santé, ne soit exclues du service public hospitalier (SPH). Depuis, le président de la FHP, Lamine Gharbi , aurait reçu l’assurance que certaines cliniques pourraient disposer d’une dérogation. Mais les médecins libéraux, qui œuvrent dans les cliniques, ont considéré qu’il s’agissait, de la part de la FHP, d’une « trahison », selon les propres termes de l’Umespe/CSMF.
Réquisitions massives pour contrer un mouvement qui s’amplifie
Les médecins spécialistes ont maintenu leur préavis de grève, à l’appel du Bloc, de l’Union des chirurgiens de France, dusyndicat des anesthésistes libéraux (AAL), mais aussi des urgentistes du privé, représentés par le Syndicat national des urgentistes de l’hospitalisation privée (Snuhp). Certains urgentistes accueillent tous les patients et leur délivrent une information sur les raisons de la grève quand d'autres ne prennent en charge que les malades dont le pronostic vital pourrait être engagé. Quoi qu’il en soit, les pouvoirs publics ont contré ce nouveau mouvement de grève en procédant à des réquisitions massives. Ce qui n’a pas empêché la Fédération européenne des services urgences mains (Fesum), qui représente 36 centres privés agrées SOS mains, de rejoindre le mouvement du 5 janvier. D’ores et déjà, certains syndicats, à l’instar de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR), mais aussi de l’Umespe/CSMF, appelle l’ensemble des médecins à manifester le 22 janvier prochain, aux côtés des professions libérales, rassemblées contre le projet de loi Macron, sous la coupe de l’Union nationale des professions libérales (Unapl). Les internes de l’Intersyndicat national des internes (Isni) appellent eux aussi à la mobilisation générale contre le projet de loi de santé, et devrait décider de leur participation au mouvement social ce week-end lors d’une assemblée générale extraordinaire.
Marisol Touraine négocie
Marisol Touraine, ministre de la Santé, qui a confirmé ce 7 janvier sur BFM TV, que le tiers-payant généralisé sera « évidemment maintenu », reçoit néanmoins les syndicats de médecins, pour des négociations. Elle a reçu le Dr Claude Leicher, président de MG France ce 6 janvier et le Dr Jean-Calude Ortiz, président de la CSMF ce 7 janvier. Au moment où nous publions, rien n’a été révélé de la teneur de ces entretiens. Parallèlement, le tout nouveau chef de l’UMP, Nicolas Sarkozy, entamait lui aussi des entretiens avec les syndicalistes, notamment MG France, la FMF, mais aussi la FHP, la FHF et l’Unapl.
REFERENCE :
Cnamts. Télétransmission des feuilles de soins : rappel des responsabilités conventionnelles des médecins, 5 janvier 2015.
Citer cet article: Jacques Cofard. Tiers-payant : grève des cabinets, de la carte vitale… rien ne semble infléchir la ministre - Medscape - 7 janv 2015.
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