La situation des urgentistes pourrait faire des envieux et causer des problèmes

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

7 mai 2015

Paris, France -- RE-ACTUALISATION - La circulaire de décembre 2014 fixe les modalités de travail des praticiens hospitaliers urgentistes, mais ses conséquences n’ont pas été anticipées. Trois présidents de conférences des présidents de commission médicale d’établissement (CME), les Drs Frédéric Martineau (président de la conférence des présidents de CME de CH), Christian Muller (président de la conférence des présidents de CME de CHS) et le Pr Guy Moulin (président de la conférence des présidents de CME de CHU) ont écrit fin avril 2015 à la Ministre de la Santé afin de leur faire part de leurs craintes concernant « la complexité du système » et l’« authentique changement de paradigme pour le monde hospitalier ».
Ils soulignent que « d’autres catégories de praticiens hospitaliers pourraient s’estimer en droit d’en réclamer l’application … Or les conséquences organisationnelles, démographiques, mais aussi sociologiques et financières … n’ont fait l’objet d’aucune étude d’impact… Les besoins en termes médicaux seraient considérables… Nos établissements doivent (déjà) appliquer la réforme du régime des gardes et astreintes du 8 novembre 2013 et celle du temps de travail des internes dans un calendrier extrêmement contraint et sans accompagnement financier …
Les médecins hospitaliers alertent sur « le risque de fracture des communautés médicales suite à des mesures catégorielles…. (il y a ) un danger à voir de nouveau s’isoler les structures d’urgence du reste de la communauté hospitalière … alors qu’elles étaient majoritairement positionnées au centre de la stratégie d’organisation des établissements ».
Et de conclure, « la cohésion des praticiens hospitaliers est pourtant, à l’évidence, une des conditions de la qualité de notre système de soins…nous souhaitons la mise en place de mesures opérationnelles, dans un calendrier réaliste, à l’heure de l’application de la loi de modernisation de notre système de santé ».

30 décembre 2014; Paris, France – Ils furent les premiers à débuter le mouvement de grève des médecins de cette fin d’année, le 22 décembre, et les premiers à mettre fin à leur mouvement social, le 23 décembre. Au terme d’une grève éclair d’une journée, l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), menée par Patrick Pelloux, annonçait la signature d’un accord historique avec les pouvoirs publics puisque leurs principales revendications ont été prises en compte par le ministère de la santé. Pour rappel, l’Amuf réclamait le décompte horaire du temps de travail (actuellement comptabilisé en demi-journée), le paiement en heures supplémentaires des heures effectuées entre 39 h et 48 h hebdomadaires, et une indemnisation de sujétion identique pour les gardes, quel que soit le statut du médecin : praticien hospitalier, praticien à diplôme hors Union européenne (Padhue), PU-PH. L’Amuf a de fait été entendue sur les deux premiers points.

Décompte horaire et forfait pour les activités « non cliniques »

Au terme d’une négociation avec Marisol Touraine, ministre de la Santé, une instruction ministérielle a été édictée, et résume l’accord signé entre les urgentistes et les pouvoirs publics [1].

Marisol Touraine y rappelle qu’une mission sur l’attractivité des carrières médicales a été confiée à l’ancien sénateur Jacky Le Menn, qui doit rendre ses conclusions courant janvier. Mais, sans attendre les recommandations de cette mission, la ministre de la Santé a souhaité prendre trois «principes forts», concernant les « structures d’urgences Samu-Smur ».

Première de ces mesures, la généralisation du principe du décompte horaire du « temps de travail dans toutes les structures d’urgence et/ou Samu et/ou Smur au plus tard le 1er juillet 2015 », par voie réglementaire.

Deuxième mesure, la prise en compte, comme temps légal de travail, de la semaine des 39 heures. Mais la formulation, inscrite dans l’instruction ministérielle, est plus alambiquée. Marisol Touraine évoque pour sa part « la mise en place d’un référentiel national de répartition et de gestion du temps de travail applicable dans les structures d’urgence et/ou Samu et/ou Smur ». Ce référentiel délimitera un « temps dédié au travail clinique posté de 39 heures ». Au-delà de ces 39 heures, le temps de travail sera réservé « aux activités non cliniques » et forfaitisé. Exit les heures supplémentaires au-delà des 39 heures, vive le forfait ! Marisol Touraine justifie cette mesure, en avançant que « la capacité pour les praticiens exerçant dans ces structures de pouvoir consacrer une partie de leurs activités à des travaux non cliniques est en effet essentielle à la préservation de l’attractivité dans la durée de leur exercice professionnel ».

Pour autant, aucune définition n’est donnée à ces activités non cliniques.

Définition de l'accord au 1er avril 2015, mise en application en juillet

Selon un syndicaliste du SNPHAR-E, il s’agirait essentiellement d’activités institutionnelles ou «relationnelles». Ces activités devront cependant être définies au 1er avril 2015, ainsi « que le forfait minimal du temps y afférent et les conditions de rémunération complémentaires par tranche de 5 heures applicables aux heures de travail posté réalisées au-delà du plafond de temps clinique ». Sans rentrer dans le détail, l’instruction annonce que l’AP-HP bénéficiera d’un traitement particulier, eu égard « à sa taille, et à des spécificités organisationnelles ».

Enfin, l’accord entérine l’adaptation des organisations de l’urgence de manière locale, au plus tard au 1er juillet 2015. Les Agences régionales de santé (ARS) devront pour ce faire « conduire un travail spécifique sur la territorialisation des organisations de travail des équipes d’urgence Samu-Smur », afin de mutualiser les ressources médicales, entre les sites d’urgence et les différents Smur. Autre avancée : les urgences devront travailler main dans la main avec les sapeurs-pompiers. Une collaboration qui, dans certains territoires, reste problématique…

Marisol Touraine annonce également une adaptation de ces mesures aux autres spécialités, en particulier pour celles « présentant des sujétions comparables liées à la prédominance d’activités en travail posté et en permanence des soins ».

Furieuse, la CMSF dénonce le favoritisme du gouvernement pour l’hôpital

L’accord était à peine connu que la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), qui participe à une grève des cabinets des médecins libéraux entre le 23 et le 31 décembre contre la loi de santé, publiait un communiqué furibond témoignant, selon la Confédération, de la préférence du gouvernement pour l’hôpital. « Après une demi-journée de grève des médecins urgentistes hospitaliers, le Gouvernement a trouvé un accord et a miraculeusement fait apparaître 90 millions d'euros pour répondre aux revendications qui s’étaient exprimées […] Pour la CSMF, premier syndicat médical français, le Gouvernement affiche désormais de façon très claire sa préférence pour l’Hôpital. Ceci prouve, s’il en était besoin, que la CSMF ne s’est pas trompée d’analyse dans la lecture qu’elle fait du projet de loi de santé et que celui-ci vise bien à étatiser l’organisation des soins et à privilégier le modèle public hospitalier. »

Samu-Urgences de France prend acte des engagements de Marisol Touraine, mais reste vigilant, « afin que des suppressions de postes et de lignes de garde d'urgences ne puissent être effectuées hors de tout projet médical validé par les professionnels ».

Deux intersyndicales de praticiens hospitaliers, Avenir hospitalier et la Confédération des praticiens hospitaliers (CPH), considèrent cet accord comme une « mesure de justice », tout en exigeant que l’ensemble des professionnels médicaux hospitaliers puissent bénéficier du décompte horaire du temps de travail, et de la semaine à 39 heures.

Forte mobilisation pour la grève des libéraux
Débutée le 23 décembre le mouvement de fermeture des cabinets des médecins libéraux est très suivi, selon MG France. « Dans les régions les plus mobilisées, précise le syndicat, 80% des cabinets médicaux sont fermés. Dans de nombreuses villes ou villages, tous les médecins sont en grève. » La fermeture des cabinets a été accompagnée dans certains territoires de manifestations auprès des ARS ou de conférences de presse.
Pour la CSMF, qui, pour sa part, a lancé la grève le 24 décembre, la mobilisation s'annonce comme un succès, puisqu'elle indique dans un communiqué que « selon les régions, entre 70% et 80% des cabinets de ville ont “baissé le rideau“ ». Par ailleurs, « d'après les premières remontées de terrain, ce mouvement va se poursuivre et encore s'amplifier entre Noël et le Nouvel an ». Rappelons que les syndicats de médecins libéraux en grève demandent pour certains le retrait du projet de loi de santé, et pour d’autres sa réécriture, de fond en comble.
Et en cette toute fin d’année, 65 associations de la structure d'intervention en urgence, SOS médecins, s’associent au mouvement d’interruption d’activité des médecins libéraux jusqu’à mercredi 31, 8 heures [2]. Pour autant, le service fonctionnera comme prévu car il a été réquisitionné par le préfet et l'agence régionale de santé (ARS), précise SOS Médecins.

REFERENCES :

  1. Instruction du ministère de la Santé.

  2. SOS Médecins. Lettre ouverte aux Agences Régionales de Santé , 20 décembre 2014.

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