Rotterdam, Pays-Bas -- L’étude randomisée néerlandaise MR CLEAN, qui a inclus 500 patients et qui est publiée dans le NEJM, conclut pour la première fois que le traitement par thrombectomie, associé dans 85 % des cas à une thrombolyse intraveineuse, permet un meilleur bénéfice clinique que le traitement de référence : augmentation de 65 % des patients ne souffrant que d’un handicap minime à modéré à 3 mois et balance bénéfice/risque très en faveur du traitement combiné.
« La prise en charge de l’AVC ischémique ou infarctus cérébral va connaître une révolution avec la parution de cette étude et ce, d’autant plus, que déjà d’autres études (ESCAPE, EXTEND IA, SWIFT PRIME) ont aussi été annoncées comme positives (publications prévues premier trimestre 2015) », explique à Medscape le Dr Bertrand Lapergue (Unité neurovasculaire, Service de Neurologie, Hôpital Foch, Université Versailles Saint-Quentin en Yvelines).
65 % des patients améliorés en termes d’autonomie
Les 500 patients de l’étude MR CLEAN ont été randomisés dans les 6 heures suivant un AVC lié à une occlusion proximale de la circulation cérébrale antérieure confirmée par imagerie (233 dans le groupe intervention, 267 dans le groupe contrôle). Au total, 89 % des patients (445), âgés en moyenne de 65 ans, ont été traités par thrombolyse (alteplase) avant randomisation. Une thrombectomie par stent retriever a été réalisée chez 190 des 233 patients du groupe intervention.
A 90 jours, 3 % des patients du groupe contrôle présentaient un score de Rankin de 0 (aucun symptôme) et 9 % de 1 (pas d’incapacité en dehors des symptômes : activité et autonomie conservés), contre respectivement 0 et 6 % pour les patients contrôle. Pour les scores de Rankin 2 (handicap faible : incapable d’assurer les activités quotidiennes mais autonomie) ces chiffres s’établissaient respectivement à 21 % et 13 % et pour les scores de Rankin 3 (handicap modéré : besoin d’aide mais marche possible sans assistance) ils étaient de 18 et 16 %.
Globalement, 65 % des patients étaient améliorés par la thrombectomie en termes d’autonomie.
Une première étude positive grâce à une révolution technologique
Interrogé par Medscape, le Dr Lapergue repositionne cette étude dans l’histoire récente de la prise en charge interventionnelle des AVC.

Dr Bertrand Lapergue
« A la fin des années 1990, pour la première fois, la prise en charge en unités neurovasculaires des AVC a démontré son intérêt pour les patients en termes de prévention du handicap. En 2003, la thrombolyse intraveineuse administrée dans les 3 heures est devenue le traitement de référence de l’AVC ischémique. Le délai a été repoussé à 4 h 30 en 2009 au moment de la parution de l’étude ECASS3. Mais l’utilisation de ce traitement est limitée : fenêtre thérapeutique étroite (<4h30) et faible efficacité dans les AVC les plus graves en lien avec une occlusion d’une artère cérébrale proximale (20% dans les terminaison de carotide interne, 40% dans les sylviennes proximales).
C’est pour cette raison qu’une autre approche a été développée : la thrombectomie. En 2013, trois études parues dans le NEJM portant sur l’intérêt d’une approche endovasculaire complémentaire à la thrombolyse, n’avaient pas montré de bénéfices cliniques pour le patient.
Alors, pourquoi l’étude MR CLEAN est-elle positive alors que les précédentes ne l’étaient pas ? En raison d’une véritable révolution technologique ! Contrairement aux précédentes études MR CLEAN utilise du matériel de thrombectomie dit de 3ème génération (Solitaire et Trevo stent retriever) qui est beaucoup plus efficace pour recanaliser rapidement l’artère cérébrale occluse (>70% de recanalisation) et doté d’une faible morbidité (embols erratiques, perforation d’artère, <3-9%). Les précédentes études de 2013 avaient utilisées la thrombolyse intra-artérielle essentiellement, ou des dispositifs de thrombectomie maintenant obsolète (système MERCI retriever).
En outre, la sélection des patients dans MR CLEAN est bien meilleure que dans les études précédentes (dans IMS3 par exemple, plus de 20% des patients inclus ne présentaient pas d’occlusion proximale !).
Quel impact dans la pratique en France ?
Cette étude est une révolution car elle va entraîner une refonte globale de la prise en charge de l’AVC en France. Le traitement de référence va désormais combiner thrombolyse intraveineuse et thrombectomie ou reposer sur une thrombectomie seule en cas de contre indication à la thrombolyse. Cela signifie que tout patient éligible à la thrombectomie pris en charge en urgence en Unité de Soins Intensifs Neuro-Vasculaires (USINV) devra pouvoir bénéficier d’un traitement endovasculaire complémentaire soit sur place (si l’USINV est adossée à une unité de Neuroradiologie Interventionnelle), soit en étant transféré en urgence vers une unité de ce type. Les autorités de santé vont donc devoir rapidement réorganiser la filière AVC.
Cette avancée majeure pour les patients souffrant d’AVC doit néanmoins être tempérée en rappelant qu’à l’heure actuelle, les traitements par thrombolyse IV ou thrombectomie mécanique ne concernent qu’un faible nombre de patients (environ 10% des 130.000 AVC par an en France).
Les neurologues vasculaires, disposent maintenant - avec l’effort conjoint des neuroradiologues interventionnels - de traitements performants pour soigner les AVC. La diffusion de telles techniques de traitement passera par une meilleure connaissance des signes de l’AVC par la population (engourdissement ou paralysie, perte de la parole, ou troubles visuels), avec l’appel du 15 en urgence pour être pris en charge dans les plus brefs délais dans l’USINV la plus proche ».
Le Dr Bertrand Lapergue ne déclare pas de conflits d’intérêt. Crédit photo Stryker. |
REFERENCE :
Berkhemer O, Fransen P, Beumer D for MR CLEAN Investitagors. A randomized trial of intraarterial treatment for acute ischemic stroke. NEJM. DOI : 10.1056/NEJMoa1411587
Thrombectomie post-AVC : recanaliser n'améliore souvent pas la clinique
Impact de la thrombectomie post-AVC sur la recanalisation et le pronostic, une étude française
Arrêt de l'essai IMS-3 de combinaison de thrombolyse IV et IA dans l'AVC
AVC : des microsaignements à l'IRM sont-ils une contre-indication à la thrombolyse ?
Neurologue et scanner dans l'ambulance: la thrombolyse post-AVC 25 minutes plus tôt
AVC : le bénéfice de la thrombolyse se maintient à 18 mois dans IST3
Citer cet article: Dr Isabelle Catala. AVC sévère : pour la première fois, un traitement invasif réduit le handicap - Medscape - 18 déc 2014.
Commenter