Paris, France -- Selon les résultats d’une étude pré-hospitalière menée par l’équipe du Pr Alain Cariou (cardiologue, Hôpital Cochin, Paris) sur 1 556 patients en arrêt cardiaque en ayant bénéficié de manœuvres de ressuscitation, l’utilisation de l’adrénaline est associée à un mauvais pronostic neurologique en sortie d’hospitalisation. Ce travail publié dans le Journal of the American College of Cardiology montre en outre que le risque neurologique est aussi lié au délai avant l’utilisation de l’adrénaline et aux dosages utilisés [1].
Interrogé par Medscape.fr, le Pr Cariou précise, « nos résultats ne prouvent pas qu'il existe une relation de causalité mais soulignent uniquement l'existence d'un lien entre l'emploi de l'adrénaline et une évolution ultérieure défavorable. Ainsi, il ne me semble pas possible, sur cette base, de déconseiller l'emploi de l'adrénaline qui demeure le médicament de référence. Des études prospectives comparatives sont certainement nécessaires pour aller plus loin ».
29 % des patients en état neurologique satisfaisant
L’étude a pris en compte les patients admis dans un centre hospitalier parisien unique (Hôpital Cochin) entre janvier 2000 et aout 2013 dans les suites d’un arrêt cardiaque extrahospitalier. Au total, 1 556 patients éligibles ont été retenus, les trois quart d’entre eux (1134) avaient bénéficié au moment de leur prise en charge par les secours pré-hospitaliers d’injections d’adrénaline selon les protocoles internationaux en vigueur : 1 mg toutes les 3 à 5 minutes.
Seuls 31 % de ces patients ont pu quitter l’hôpital vivant et 29 % d’entre eux présentaient un état neurologique considéré comme satisfaisant. Mais ces chiffres cachent une nette disparité entre ceux qui avaient reçu de l’adrénaline et les témoins. En effet, seuls 17 % des malades qui avaient été traités par adrénaline présentaient un bon pronostic neurologique contre 63 % qui n’en n’avaient pas reçu (p<0,001). Ces chiffres restent significatifs lorsque sont pris en compte la durée des manœuvres de ressuscitation, l’existence d’un rythme initialement choquable (54 %) ou le traitement hospitalier proposé par suite (angioplastie ou refroidissement principalement).
Doses et délai d’utilisation
Deux facteurs ont aussi influé sur le pronostic : les doses utilisées et le délai entre l’arrêt cardiaque et l’administration du médicament.
Ainsi, lorsque les doses étaient les plus élevées (>5 mg) le risque de mauvais pronostic était majoré de 77 % par rapport au groupe témoin (OR= 0,23). Pour des doses de 2 à 5 mg, l’augmentation du risque s’établissait à 70 % (OR= 0,30) et ce chiffre était de 50 % pour les doses les plus faibles (1 mg) (OR=0,48).
Par ailleurs, lorsque l’adrénaline était utilisée très tardivement après l’arrêt cardiaque (22 minutes) le taux de survie avec bon pronostic neurologique s’est établi à 17 % contre 33 % si la drogue était utilisée de 10 à 15 minutes après l’arrêt et 54 % lorsque l’adrénaline était injectée au cours des 9 premières minutes.
Pas de remise en cause de l’utilisation précoce
Les auteurs avancent que le mauvais pronostic pourrait être lié à différents facteurs : dysfonction myocardique, existence d’une ischémie de reperfusion, de lésions post-anoxiques, d’un choc post-ressuscitation, d’une augmentation de la lactatémie, ou d’un relargage massif de cytokines au niveau des tissus périphériques soumis à l’ischémie. Or, tous ces phénomènes surviennent préférentiellement lorsque l’adrénaline est utilisée à distance de l’arrêt. Pour les auteurs, « le bénéfice de l’utilisation précoce d’adrénaline n’est pas remis en cause ».
Comme l’explique le Pr Cariou, « il est possible que l’adrénaline – et particulier à forte dose - soit délétère pour certains patients. Néanmoins, actuellement, ce traitement fait partie des recommandations de prise en charge de l’arrêt cardiaque en pré-hospitalier et c’est l’un des seuls disponibles. Cependant, il est nécessaire maintenant de mettre en place de nouvelles études afin de tester d’autres schémas thérapeutiques utilisant l’adrénaline en combinaison avec d’autre médicaments tels que la vasopressine ou les bêtabloquants ».
Les auteurs ne déclarent pas de conflits d’intérêt pour cette étude. |
REFERENCE :
Dumas F, Bougouin W, Geri G et al. Is Epinephrine During Cardiac Arrest Associated With Worse Outcomes in Resuscitated Patients? J Am Coll Cardiol 2014;64:2360–7.
Citer cet article: Dr Isabelle Catala. Arrêt cardiaque : la quantité d’adrénaline associée à un mauvais pronostic neurologique - Medscape - 5 déc 2014.
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