Prévention des IST: la circoncision encouragée par le CDC aux Etats-Unis

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

4 décembre 2014

Washington, Etats-Unis – Le centre de surveillance et de prévention des maladies américain (CDC) a soumis à la consultation publique une série de directives en faveur de la circoncision, en prévention de certaines infections sexuellement transmissibles (IST) [1]. Selon les futures recommandations, les adolescents et les hommes adultes hétérosexuels doivent être informés sur les bénéfices de cette intervention, en particulier dans la réduction du risque d’infection par le VIH.

 
Trois hommes sur quatre sont circoncis aux Etats-Unis --OMS
 

Ces nouvelles directives, qui peuvent jusqu’à mi -janvier faire l’objet de commentaires sur le site de l’ agence, devraient susciter quelques crispations Outre-Atlantique. De plus en plus d’américains se montrent en effet critiques envers cette intervention, encore très pratiquée notamment pour des raisons d’hygiène. Trois hommes sur quatre sont circoncis aux Etats-Unis, selon l’OMS.

Elles font suite à l’avis de l’American Academy of Paediatrics en septembre 2012 [2], qui estime que « les avantages de la circoncision des nouveaux nés surpassent les risques ». Selon cette institution, les parents doivent être informés sur cette intervention avant la conception et en début de grossesse.

Les homosexuels non concernés

Dans ses recommandations, le CDC conseille également les médecins d’informer les parents, mais aussi les adolescents et les hommes adultes hétérosexuels. Pour les homosexuels, l’intervention ne doit pas être encouragée, les bénéfices n’étant pas avérés, en raison notamment de données contradictoires.

Les hommes afro-américains et d’origine hispanique sont en revanche particulièrement visés par ces recommandations. Le CDC souligne que ces deux populations sont « confrontées à un risque plus élevé d’infection par le VIH et présentent un taux de circoncision plus faible », comparativement à la population générale.

Pour justifier ses directives, l’agence gouvernementale s’appuie sur plusieurs études menées, entre 2005 et 2010, en Ouganda [3], au Kenya [4] et en Afrique du Sud [5]. Elles ont rapporté une diminution du risque d’infection par le VIH de 50 à 60%, chez les hommes hétérosexuels après une circoncision.

Les résultats ont également révélé une baisse du risque d’être infecté par le virus herpès simplex de type 2 (HSV2) et le papillomavirus humain (HPV) de 30%.

Même si le bénéfice n’est pas attesté chez les femmes, il semblerait que la transmission du VIH entre l’homme et la femme soit limitée. L’essai mené en Afrique du Sud a ainsi rapporté une prévalence de l’infection par le VIH inférieure de 15% chez les femmes dont le partenaire est circoncis.

Des complications dans 0,4 à 9,1% des cas

Dans son projet, le CDC souligne la nécessité de rappeler aux adolescents et aux hommes adultes que la circoncision ne protège pas complètement contre les IST. Les moyens de prévention habituels, en premier lieu le préservatif, ne doivent pas être évincés, souligne-t-elle.

Pratiquée dans un établissement de soins, la circoncision est associée à un taux de complications de 0,4% chez les nourrissons de moins de un an, avec généralement des saignements ou une inflammation. Ce taux passe à 9,1% chez les enfants âgés de 1 à 9 ans, puis à 5,3% chez les plus de 10 ans.

Pour les hommes adultes, des effets indésirables apparaissent dans 2 à 4% des cas. Il s’agit en majorité de douleurs, de saignements ou d’infections. L’apparence post-chirurgicale peut aussi se révéler insatisfaisante. A terme, « ils rapportent généralement peu ou pas de répercussions sur leur vie sexuelle », précise le CDC.

Pour aider à convaincre les parents, l’agence avance aussi un risque d’infections par voie urinaire réduit de 80% après une circoncision chez les nourrissons. L’intervention serait même associée, selon elle, à une baisse des risques de cancer du pénis et de la prostate, de respectivement 90% et 15%. Un bénéfice qui ne fait pas consensus dans la communauté scientifique.

Une exception américaine
Comme le rappelle le Dr Christian Castagnola, vice-président de l’association française d’urologie (AFU), dans un éditorial publié sur le site de l’association, « aucune société savante ne recommande la circoncision systématique en prophylaxie », excepté l’American Academy of Paediatrics.
Selon l’urologue, la plupart des sociétés savantes s’accordent sur le fait qu’il n’y a pas de fondement médical à la circoncision en dehors des pathologies du prépuce, tel que le phimosis. Son intérêt dans la prévention des IST comme le VIH n’est pas démontré en dehors des zones de pandémies.
En France, si l’AFU ne s’est pas officiellement positionnée contre la circoncision en prophylaxie, le Dr Castagnola, également responsable du comité d’éthique et de déontologie, souligne avant tout l’absence de bénéfice médical et les risques de complications, mais aussi les problèmes éthiques que soulève cette chirurgie.

 

REFERENCES :

1. Recommendations for providers counseling male patients and parents regarding male circumcision and the prevention of HIV infection, STIs, and other health outcomes, CDC, 2 dec 2014.

2. American Academy of Pediatrics Task Force on Circumcision, Pediatrics, sept 2012, 130(3), pp756-785.

3. Gray RH, Kigozi G, Serwadda D. Male circumcision for HIV prevention in men in Rakai, Uganda: a randomised trial, Lancet, fév 2007, 369(9562), pp 657-666.

4. Bailey RC, Moses S, Parker CB. Male circumcision for HIV prevention in young men in Kisumu, Kenya: a randomised controlled trial, Lancet, fév 2007, 369(9562), pp 643-656.

5. Auvert B, Taljaard D, Lagarde E, Randomized, controlled intervention trial of male circumcision for reduction of HIV infection risk: the ANRS 1265 Trial, PLoS medicine, nov 2005, 2(11), pp298

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....