Stanford, Etats-Unis -- Selon une étude rétrospective réalisée aux Etats-Unis, plus des deux tiers des overdoses aux opiacés vues aux urgences en 2010 étaient attribuables aux prescriptions à visée antalgique ou de substitution et non aux opiacés vendus dans la rue tels que l’héroïne [1].
En revanche, le taux de mortalité globale, une fois les patients arrivés aux urgences, était faible (1,4%) et seule la moitié des patients arrivés aux urgences pour une overdose aux opiacés a été hospitalisée.
« Ce qui ressort principalement de l’étude, c’est qu’en 2010, la grande majorité des personnes qui sont arrivées en overdose aux urgences n’en sont pas mortes. Près de la moitié n’ont été gardées que quelques heures et sont rentrées chez elles. Les cas les plus graves étaient ceux qui impliquaient de l’héroïne, soit seule, soit en association avec d’autres opiacés. Ce qui semble confirmer que les opiacés prescrits sont moins dangereux que l’héroïne », a commenté le Pr Marc Auriacombe (Université de Bordeaux/CH Charles Perrens/CHU de Bordeaux, directeur adjoint Sanpsy, CNRS USR 3413, chef du pôle addictologie) pour Medscape France.
Les opiacés prescrits surtout impliqués dans les overdoses non-mortelles
Ces résultats, rapportés dans le JAMA Internal Medicine [1], ont été obtenus par l’équipe de Michael A. Yokell (Stanford University School of Medicine, Stanford, Etats-Unis) à partir des archives nationales des services d’urgence de 2010 (Nationwide Emergency Department Sample). Les chercheurs ont pu dénombrer 135 971 visites aux urgences portant le code relatif aux overdoses aux opiacés (dont la méthadone).
Outre les 67,8% d’overdoses associées aux prescriptions d’opiacés à visée antalgique et de substitution, 16,1% des overdoses étaient liées à l’héroïne, 23,4% à des opiacés non-spécifiés et 2,7% à la consommation de plusieurs opiacés.
A noter, qu’aux Etats-Unis, la méthadone a également une autorisation de mise sur le marché comme antalgique.
« Ces résultats ne sont pas opposés aux données que nous avons par ailleurs et qui montrent que l’augmentation de prescriptions de type méthadone et buprénorphine est associée à une réduction de la mortalité [2]. Aux Etats-Unis comme en France, il y a, depuis une dizaine d’année, un effort pour favoriser la prise en charge de la douleur et la prescription d’opiacés comme antalgiques. Du coup, sont rapportés plus de cas de surdoses avec des opiacés prescrits mais la grande majorité sont non-mortelles. Il faut s’en préoccuper mais garder à l’esprit qu’il s’agit, la plupart du temps, de cas peu graves. Et pour les sujets substitués, peut-être que cela apporte un certain effet protecteur», souligne le Pr Auriacombe.
Quels profils de patients à haut risque d’overdose ?
Les auteurs précisent que la plupart des overdoses liées aux prescriptions d’opiacés sont survenues en zones urbaines (84,1%), dans le Sud des Etats-Unis (40,2%) et chez des femmes (53%).
Ils notent également que les patients victimes d’overdoses souffraient également de maladies chroniques d’ordre psychiatrique, circulatoire et respiratoire, environ un tiers pour chaque catégorie.
Ils suggèrent donc aux médecins qui prescrivent des opiacés de tenir compte de la présence de telles pathologies et de redoubler de prudence.
« Il faut aussi rappeler au médecin qu’avant de prescrire un opiacé, quelle que soit l’indication, il faut bien interroger le patient sur la prise éventuelle d’autres psychotropes, notamment l’alcool et les benzodiazépines, qui comptent parmi les principaux facteurs de risque d’overdoses mortelles », ajoute le Pr Auriacombe.
Des données à suivre dans le temps
« La plupart des patients de notre échantillon ont été victimes d’overdoses dues à la prescription d’opiacés. Il est donc urgent d’obtenir plus de données épidémiologiques sur ce type d’overdoses », concluent les auteurs.
« Il s’agit d’une photographie à un moment donné. Mais, Il serait intéressant de voir comment les choses évoluent », renchérit le Pr Auriacombe.
« Actuellement, il ne semble pas que nous ayons les mêmes chiffres en France. Mais, il faut rester vigilant », conclut le spécialiste des addictions.
Voir liens d’intérêt dans la publication. Le Pr Auriacombe n’a pas de liens d’intérêt en rapport avec le sujet mais il est adjunct associate professor à l’Université de Pennsylvanie, Philadelphie, USA. |
REFERENCES:
Yokell MA, Delgado MK, Zaller ND, et coll. Presentation of Prescription and Nonprescription Opioid Overdoses to US Emergency Departments. JAMA Intern Med. 2014 Oct 27.
Auriacombe M, Franques P, Tignol J. Deaths attributable to methadone vs buprenorphine in France. Journal of the American Medical Association 2001;285:45-45
Citer cet article: Aude Lecrubier. 68% des overdoses aux opiacés sont dues à des produits prescrits : ce qui a changé - Medscape - 26 nov 2014.
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