Chicago, Etats-Unis-- Après neuf ans d’attente (entre la première inclusion et la présentation), l’étude IMPROVE IT montre qu’ajouter de l’ézétimibe (Ezetrol®, Zetia®, Merck/Schering-Plough) à la simvastatine 40 mg en post syndrome coronarien aigu (SCA) apporte un bénéfice modeste mais significatif en termes de prévention cardiovasculaire [1].
L’étude est positive en termes de critère de jugement primaire mais elle soulève de nombreuses interrogations quant au bénéfice clinique réel de cette bithérapie maintenue en moyenne durant 7 ans : réduction de 6,4% du risque relatif d’événements principalement due à la baisse des infarctus (IDM) et AVC mais sans aucun effet sur la mortalité cardiovasculaire.
Les résultats de l’étude IMPROVE IT, financée par Merck/Schering-Plough, ont été présentés en « Late Breaking Trial » lors du congrès annuel de l’American Heart Association 2014 mais ils ne sont pas publiés.
Jusqu’à présent aucune association de statine avec une autre molécule hypolipémiante ne s’était montrée efficace sur la prévention du risque cardiovasculaire chez ces patients à haut risque.
L’ajout d’ézétimibe, en abaissant le LDL aux alentours de 0,5 g/l, permet d’obtenir un bénéfice cardiovasculaire complémentaire. Chez ces patients à haut risque, l’adage « the lower, the better » concernant le LDL cholestérol se confirme, selon les auteurs.
Reste, cependant, que ces résultats, bien que positifs, ne semblent pas convaincre l’ensemble des cardiologues de l’intérêt d’ajouter de l’ézétimibe à une statine en post-SCA. En pratique, l’effet sur la prévention cardiovasculaire reste modeste et il n’existe pas de bénéfice sur la mortalité : deux freins majeurs à l’adoption de cette nouvelle association chez ces patients à haut risque.
Un bénéfice modeste après 7 années de traitement
L’étude a inclus 18 000 patients dans un état stable après avoir été victimes d’un événement coronarien aigu au cours des 10 derniers jours. Les patients, provenant de 39 pays différents, ont été randomisés pour recevoir soit de la simvastatine 40 mg + placebo, soit de la simvastatine 40 mg + ézétimibe 10 mg. Ils ont été suivis pendant au minimum 2,5 ans ou jusqu’à ce que les chercheurs recueillent 5250 événements cliniques.
Globalement, l’étude est statistiquement positive mais les résultats modestes sur la prévention cardiovasculaire et l’absence de gain en termes de mortalité cardiovasculaire limitent leur portée.
Comparés aux patients qui n’ont reçu que de la simvastatine, ceux qui ont reçu de l’ézétimib en sus avaient un risque d’événements cardiovasculaires (critère primaire : décès cardiovasculaires, infarctus du myocarde, angors instables, revascularisations coronariennes ou AVC) réduit de 6,4 % (32,7 vs 34,7%). En valeur absolue, le risque était donc abaissé de 2%.
En d’autres termes, il fallait traiter approximativement 2 patients sur 100 pendant 7 ans, en moyenne, pour prévenir un des événements du critère primaire de jugement.
Cette réduction du risque était principalement due à l’abaissement du risque d’IDM (-14%) et d’AVC (-14% pour les AVC et -21% pour les AVC ischémiques).
Aucune différence statistiquement significative n’a été observée en termes de décès de causes cardiovasculaires.
Survenue des événements cardiovasculaires à 7 ans en fonction des différents régimes
Evènements cliniques (%) |
Simvastatine (n=9077) |
Ezetimibe/Simvastatine (n=9067) |
P |
Critère primaire (Décès cardiovasculaire, IDM, angor instable, revascularisation coronarienne, ou AVC), |
34,7 |
32,7 |
0,016 (SS) |
Décès toutes causes |
15,3 |
15,4 |
0,782 |
Infarctus du myocarde |
14,8 |
13,1 |
0,002 (SS) |
AVC |
4,8 |
4,2 |
0,052 (SS) |
AVC ischémique |
4,1 |
3,4 |
0,008 (SS) |
Angor instable |
1,9 |
2,1 |
0,618 |
Revascularisation coronarienne |
23,4 |
21,8 |
0,107 |
De nombreuses critiques
Interrogé par Medscape, le Dr Sanjay Kaul (Cedars Sinai Medical Center, Los Angeles), qui n’a pas participé à l’étude, indique que l’essai est « techniquement » positif sur le critère primaire, mais il questionne l’importance clinique des résultats en raison de l’effet globalement modeste de l’association.
Il note que « la différence observée sur le critère primaire de jugement est « crânement » qualifiée de statistiquement significative en raison du grand nombre de patients inclus dans l’étude, sans que cela ne reflète réellement un intérêt clinique. »
« Devons-nous applaudir et nous enthousiasmer d’une baisse de risque relatif de 6% d’un critère combiné alors qu’elle est principalement due à la réduction du nombre d’événements non-mortels ? », s’interroge le Dr Kaul. Il ajoute, en outre, que les auteurs du papier ne précisent pas quels types d’IDM, spontanés ou péri-procédure, ont diminué avec l’association de traitement.
Tout aussi critique, le Dr Harlan Krumholz (Yale University School of Medicine, New Haven) explique à Medscape que les résultats d’IMPROVE IT ne permettent pas de savoir si l’effet positif de l’ézétimibe persiste s’il est ajouté à une statine fortement dosée, ce qui correspond aux recommandations actuelles.
La simvastatine 40 mg n’est plus beaucoup utilisée en pratique car les recommandations préconisent désormais d’utiliser l’atorvastatine ou la rosuvastatine 80 mg chez ces patients à haut risque en post-SCA (rappelons que la prescription de Crestor® est soumise à entente préalable en France depuis le premier novembre).
Plus nuancée, le Dr Lori Mosca (Columbia University Medical Center, New York) indique qu’elle prescrit de l’ézétimibe depuis quelques années à ses patients à très haut risque lorsqu’ils n’atteignent pas leurs objectifs avec des statines fortement dosées ou en cas d’intolérance aux statines. Elle considère donc les résultats d’IMPROVE IT comme positifs bien qu’elle souligne que l’ézétimibe doive rester réservé à certaines indications.
En conclusion, le Dr Kaul indique que « l’essai apporte de l’eau au moulin des deux camps- ceux qui n’utilisaient pas l’ézétimibe en routine en première ou en deuxième ligne de traitement et ceux qui utilisaient l’association statine +ezetimibe pour optimiser le rapport bénéfice-risque. »
Ironiquement, maintenant que les médecins ont des données solides sur l’ézétimibe, le brevet arrive à expiration et la molécule va pouvoir être génériquée. A noter : jusqu’ici, ce médicament onéreux a été beaucoup prescrit aux Etats-Unis ces dernières années et peu en France.
Pour rappel, depuis le 1er novembre 2014, il n’est plus possible de prescrire l’ézétimibe seul (Ezetrol®) ou en association avec la simvastatine (Inegy®) sans accord préalable de l’assurance maladie en raison de son coût.
En post SCA : the “Lower is better” ? Selon le Dr Cannon, les résultats de l’étude confirment qu’en termes de cholestérol LDL, the « lower is better ». A l’entrée dans l’étude, le taux de cholestérol LDL des participants était de 95 mg/dL dans les deux bras. Avec la simvastatine 40 mg, le cholestérol LDL a été abaissé à 69,9 mg/dL à un an. L’ajout d’ézétimibe 10 mg a encore fait descendre le taux de cholestérol LDL à 53, 2 mg/dL à un an. Après 7 ans de traitement, il existait toujours une différence significative entre les deux bras. Il ajoute qu’"even lower was even better," car le bénéfice en termes de prévention cardiovasculaire est obtenu en dessous des 70 mg/dL recommandés aux Etats-Unis comme en Europe. L’ajout d’ézétimibe en abaissant le LDL aux alentours de 0,5 g/l permet d’avoir un bénéfice cardiovasculaire complémentaire. |
L’essai IMPROVE-IT a été financé par Merck/Schering-Plough. Liens d’intérêt de C.P. Cannon : Bourses : Accumetrics. Merck, Arisaph, Astra-Zeneca, GSK, Janssen, Takeda, Boehringer-Ingelheim. Honoraires: BMS, Pfizer, Takeda, Merck, GSK, Essentialis, CSL, Lipimedix, Regeneron, Sanofi. Investigateurs IMPROVE IT: Bourses: Merck. |
REFERENCE:
1. Christopher P Cannonon behalf of the IMPROVE IT Invesgtigators. IMPROVE-IT Trial: A Comparison of Ezetimibe/Simvastatin versus Simvastatin Monotherapy on Cardiovascular Outcomes After Acute Coronary Syndromes. Late breaking trial. AHA 2014. 17 novembre 2014.
Citer cet article: Aude Lecrubier. Bénéfice de l'association ézétimibe/simvastatine en post-SCA : l'étude IMPROVE-IT laisse perplexe - Medscape - 19 nov 2014.
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