Chicago, Etats-Unis – Deux études présentées lors du congrès de l’ American Heart Association 2014 suggèrent un lien significatif entre l’asthme non-contrôlé et la survenue d’accidents cardiovasculaires [1]. Dans la grande étude MESA (Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis), cette augmentation de risque s’élevait à 60 % chez les personnes avec un asthme persistant suivi pendant 10 ans. Les chercheurs en concluent que patients et médecins devraient être d’autant plus pro-actifs sur les autres facteurs de risque modifiables.
Risque accru de 60% en cas d’asthme persistant
L’analyse de l’étude multi-ethnique MESA a porté sur 6792 individus, d’origine caucasienne, asiatique, afro-américaine et hispanique. Près de la moitié (47%) était des hommes et l’âge moyen des participants était de 62 ans. Dans la cohorte, 156 souffraient d’asthme persistant, nécessitant le recours régulier à des traitements anti-asthmatiques tels que des corticoïdes inhalés ou oraux, des anti-leucotriène.
Par ailleurs, 511 présentaient un asthme intermittent (les participants diagnostiqués avec un asthme mais ne prenant pas de médicaments) et 6 125 n’avaient pas d’asthme du tout.
Parmi les patients avec un asthme persistant, 84,1% étaient exempts de pathologies cardiovasculaires à 10 ans comparés aux 91,1% de patients avec un asthme intermittent et 90,2% des patients sans asthme. Après ajustement pour l’âge, le genre, l’origine ethnique, ainsi que sur d’autres facteurs confondants comme les taux de cholestérol, la pression artérielle, le tabagisme, le diabète, la prise de médicaments, l’index de masse corporelle, les antécédents familiaux et le niveau de revenus, il est ressorti que les individus avec un asthme persistant avaient un risque d’événements cardiovasculaires augmenté de 59% par rapport aux individus sans asthme. Aucun lien statistiquement significatif n’a, en revanche, été retrouvé entre asthme intermittent et événements cardiovasculaires (CV).
L’inflammation : un mécanisme commun
Par ailleurs, les taux de protéine C réactive (CRP), de fibrinogène et d’interleukine-6 étaient plus élevés chez les patients souffrant d’asthme persistant, ce qui suggère un lien entre les processus inflammatoires de l’une et l’autre pathologie. Pour autant, les investigateurs ont reconnu ne pas savoir la cause exacte de cette augmentation de risque CV chez les asthmatiques.
Ce n’est pas la première fois qu’un tel lien est retrouvé. La Kaiser Permanente Study et l’étude ARIC (Atherosclerosis Risk in Communities) ont montré l’une et l’autre que les patients asthmatiques avaient un risque accru d’accident cardio-vasculaire (AVC).
Pour les investigateurs, le message à retenir est que les patients asthmatiques et les cliniciens devraient être conscients de cette augmentation de risque CV ce qui devrait les rendre encore plus attentifs à la prévention primaire. « En dépit de cette augmentation de 60% du risque, de nombreux autres facteurs de risque comme le tabagisme, l’hypertension, l’hypercholestérolémie contribuent largement aux accidents CV et sont accessibles à l’hygiène de vie » considère l’un des auteurs, le Dr Matthew Tattersall (University of Wisconsin, Madison).
Risque accru de 70% d’infarctus du myocarde en cas d’asthme actif
Sur le même thème, une étude de la Mayo Clinic, présentée elle aussi à l’AHA 2014, s’est, quant à elle, penchée sur le risque d’infarctus chez les personnes souffrant d’un asthme actif - c’est-à-dire traité ou donnant lieu à consultations en urgence [1,2]. Ici, les chercheurs ont apparié 543 patients ayant fait un accident cardiaque aigu avec 543 patients indemnes d’infarctus. Ces patients ont été suivis dans le service de soins de Rochester (Minnesota) entre 2002 et 2006. Ils étaient âgés, en moyenne, de 67 ans, 44 % étaient des femmes.
Après prise en compte des facteurs de risque de crise cardiaque tels que l'âge, l'obésité, l'hypertension artérielle, le tabagisme, le diabète et un cholestérol élevé, des antécédents de maladie coronarienne ou de maladie pulmonaire obstructive chronique, l’analyse montre que, contrairement aux patients souffrant d'asthme inactif, les patients souffrant d'asthme actif, présentent un risque accru de 70% d’infarctus du myocarde.
Précision : les patients présentant un asthme actif avec des symptômes récents, sous traitement et ayant consulté peu de temps auparavant avaient deux fois plus de risque d’infarctus.
Surveiller et informer les patients asthmatiques
Les investigateurs tirent plusieurs conclusions de ce travail. Primo, les patients souffrant d’asthme actif et éprouvant une gêne dans la poitrine et un essoufflement devraient faire l’objet d’un examen cardiovasculaire [2], indique le Dr Duk Won Bang, cardiologue (Séoul) et premier auteur de ce travail. Secundo, les patients doivent être traités de façon adéquate pour leur asthme. Tertio, « sachant que les symptômes de l’infarctus pouvent être confondus avec ceux de l’asthme, et que les médicaments antiasthmatiques sont susceptibles d'être délétères en cas de pathologies cardiaques, les patients doivent être capables de discriminer les signes de l’infarctus de ceux de l’asthme et agir de façon efficace et adaptée [1]» considère le Dr Young J. Juhn, investigateur de l’étude et professeur de pédiatrie à la Mayo Clinic.
REFERENCES :
Active asthma may significantly raise risk of heart attack . American Heart Association’s Scientific Sessions 2014.
Patients with active asthma at higher risk for heart attack, Mayo Clinic research shows. Communiqué de la Mayo Clinic , 16/11/14.
Citer cet article: Stéphanie Lavaud. L’asthme actif ou persistant majore le risque d’infarctus - Medscape - 18 nov 2014.
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