Douleur chronique et anxiété : 2 indications phares de l’hypnothérapie

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

10 novembre 2014

Paris, France – Outre l’hypnosédation et l’hypnoanalgésie - qui intègrent peu à peu les protocoles de soins -, l’hypnothérapie peut soulager dans de nombreux domaines où corps et esprit dysfonctionnent. Les douleurs chroniques et les états anxieux sont à ce titre deux indications majeures de l’hypnose médicale. Lors de la session consacrée à l’hypnose et à l’hypnothérapie lors des Entretiens de Bichat 2014 , les Drs Grégory Tosti (centre anti-douleur, Ambroise Paré, Boulogne) [1] et Saad Kassnasrallah (neurologue, Montpellier) [2] ont tenté d’expliquer comment l’expérience hypnotique pouvait guérir le patient.

Subjectivité de la perception et de la représentation de la douleur

Selon l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP), la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à des lésions tissulaires réelles ou potentielles ou décrites en termes évoquant de telles lésions. « En tant qu’hypnothérapeute, cette définition est particulièrement intéressante car elle montre bien l’objectivité de l’expérience de la douleur, indique le Dr Tosti. C’est d’ailleurs celle de la Haute Autorité de Santé (HAS), « la douleur est ce que la personne qui en est atteinte dit qu’elle est [3] ». La douleur existe dès lors qu’une personne affirme la ressentir que la cause soit identifiée ou non ».

Les 4 composantes de la douleur chronique
Dans la douleur, on distingue les composantes : sensori-discriminative, émotionnelle, cognitive et comportementale. « Chacune de ces composantes étant autant de portes que l’hypnose peut emprunter pour participer au soulagement du patient. En centre anti-douleur, on aura une prédilection pour les deux premières. On sait aussi désormais que les émotions jouent un rôle important dans la modulation de l’intensité des aspects sensoriels et affectifs de la douleur chronique, qu’elles peuvent l’accroître ou le diminuer. Ce qui est vraiment à retenir, c’est que la perception que l’on a de sa douleur conditionne la façon dont celle-ci est vécue » considère l’hypnothérapeute.

 

Proposer des modifications perceptives pendant l’état hypnotique

L’hypnose peut se définir comme une expérience de modification perceptive dans le contexte d’une relation, ici patient-thérapeute, puisqu’il s’agit d’hypnose médicale à visée thérapeutique.

« Dans le contexte de la douleur, l’état de transe hypnotique (ou état de conscience modifiée ou encore état hypnotique) va permettre de réinterpréter des sensations et des émotions», explique le Dr Tosti. Après une phase d’induction qui consiste pour le patient à se concentrer sur un point visuel ou une modalité sensorielle (voix), le sujet sous hypnose se coupe des afférences sensorielles externes et entre dans un état où il est possible de proposer, par des suggestions, des modifications de la perception et des changements de représentation.

Ça marche comment ?

De nombreuses études ont montré que l’hypnose réduit les aspects sensoriels et affectifs de la douleur. Cela fonctionne aussi parce que cette méthode permet de diminuer la dramatisation, l’hyperfocalisation du patient sur sa douleur. Toutes ces modifications ont été objectivées au niveau cérébral par des techniques d’imagerie. Le chercheur canadien Pierre Rainville a ainsi montré que les zones neuro-anatomiques de perception de la composante émotionnelle de la douleur diffèrent de celles de l’intensité de la douleur. De même, les régions du cortex cérébral qui s’activent dépendent de la nature des suggestions données en hypnose, selon que celles-ci visent à agir sur l’une ou l’autre des composantes de la douleur. « Autrement dit, il existe un effet réel de la suggestion sur les réseaux impliqués dans le traitement de l’information de la douleur, objectivé par imagerie (IRMf, PET-scan). Avec différents protocoles d’hypnose, on peut cibler soit l’intensité de la douleur, soit la pénibilité. On peut aussi influer sur la composante cognitive de la douleur, en travaillant sur les croyances et les représentations que le patient en a ».

Quelles techniques hypnotiques ?

L’hypnothérapeute dispose de plusieurs techniques hypnotiques. Selon la composante de la douleur sur laquelle il veut agir et en tenant compte des caractéristiques du patient et de son histoire, il peut suggérer :

- le déplacement de la douleur (dans une autre partie du corps), sachant que ce déplacement peut s’accompagner d’une modification de certains caractères de la douleur (intensité, type de douleur) ;

- l’analgésie locale : le dépôt d’un anesthésique virtuel sur une partie du corps sous hypnose grâce à un « stylo-magique » fonctionne très bien, en particulier chez les enfants ;

- la dissociation corporelle : c’est la technique de choix pour la douleur aiguë, c’est ce que pratiquent les anesthésistes formés à l’hypnose pour un geste loco-régional (ex : curetage ganglionnaire, pose d’un Port-a-cath). Cela consiste à accompagner le patient dans un monde virtuel, celui-ci est tellement profond qu’il devient la réalité pour le patient (technique aussi appelée hypno-analgésie). Ce dernier a conscience de ce qui se passe autour de lui mais, ce n’est, en aucun cas, douloureux ;

- l’exploration du sens de la douleur : il s’agit de changer la représentation d’un épisode (image traumatique de l’accouchement, par exemple) ;

- l’abaissement du seuil douloureux : exercice qui consiste à demander au patient d’augmenter l’intensité de la perception douloureuse sous hypnose, puis de la diminuer à la manière d’un modulateur pour lui permettre de s’approprier l’outil ;

- la distraction : outil de choix chez l’enfant. Quand on est absorbé par autre chose, on ressent moins la douleur.

- la ré-association : ré-intégration d’un membre déficient, douloureux, de façon à faire la paix avec lui.

Redonner le contrôle au patient

« Dans tous les cas, l’objectif de l’hypnose est de rendre au patient une certaine autonomie et un certain contrôle sur la perception douloureuse. Le patient n’est plus soumis à la pharmacopée, il n’est plus victime de sa douleur. Vous lui donnez des outils pour pouvoir lui-même entrainer une antalgie. La « place » de la douleur dans son champ d’attention se modifie, et l’importance de cette dernière change : c’est le rapport à la douleur qui change par l’hypnothérapie » conclut le Dr Tosti.

 

Dans l’anxiété : hypnose + relaxation
Les états anxieux, très fréquents en médecine générale, sont un domaine de prédilection de l’hypnose médicale. Ses manifestations dans le corps sont nombreuses et variées : agitation, fatigabilité, troubles de l’attention et de la mémoire, troubles du sommeil, céphalées, douleurs, irritabilité, tensions musculaires, troubles digestifs fonctionnels, manifestations dermatologiques, palpitations...
« Ne faisant pas le lien entre ces différents symptômes, le patient va habituellement chercher une solution à chaque problème, multipliant les visites médicales, les explorations et les traitements, explique le Dr Kassnasrallah. Le risque est de tomber dans les complications iatrogènes, et surtout d’entretenir cet état de fond au lieu de le soulager. L’hypnose propose une approche complémentaire globale. Elle passe par une alliance thérapeutique avec le patient qui va pouvoir agir sur son anxiété et ses conséquences corporelles. L’usage de l’hypnose est proposé, ici, en complément avec des techniques de relaxation, pour aider le patient à se réconcilier avec son corps. » Après quelques séances, les résultats sont souvent probants.

 

Absence de liens d’intérêt pour les Drs S. Kassnasrallah et G.Tosti.

 

REFERENCES :

1. Kassnasrallah S. Hypnose et états anxieux en médecine générale. Les Entretiens de Bichat. Vendredi 26 septembre 2014.

2. Tosti G. Hypnose et douleur chronique. Les Entretiens de Bichat. Vendredi 26 septembre 2014.

3. HAS. Douleur chronique : reconnaître le syndrome douloureux chronique , 2008.

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