Saignements sous Pradaxa dans la vraie vie : les résultats de deux études américaines

4 novembre 2014

Pittsburgh, Etats-Unis – Selon deux études réalisées à partir des données de l’assurance Medicare, le dabigatran (Pradaxa®, Boehringer Ingelheim) augmente le risque de saignements majeurs et gastro-intestinaux versus AVK mais diminue les hémorragies cérébrales, les AVC ischémiques et les décès [1,2].

Deux études dans la « vraie vie »
L’étude de cohorte rétrospective publiée dans le JAMA Internal Medicine a été réalisée à partir des données d’un échantillon aléatoire de bénéficiaires de Medicare (5% de l’ensemble des adhérents). Les patients enrôlés dans l’étude avaient eu un premier diagnostic de fibrillation auriculaire entre le 1 octobre 2010 et le 31 octobre 2011 et avaient débuté un traitement par dabigatran ou par warfarine dans les 60 jours suivants. Les patients ont été suivis jusqu’à : l’arrêt des traitements, le changement d’anticoagulant, le décès ou jusqu’au 31 décembre 2011.
En tout, 1302 des patients enrôlés ont reçu du dabigatran et 8102 de la warfarine.
L’étude de cohorte rétrospective publiée dans la revue Circulation ,a porté sur 134 414 bénéficiaires de Medicare âgés de plus de 65 ans et atteints de FA non valvulaire. Les patients enrôlés avaient reçu au moins une prescription de warfarine ou de dabigatran entre le 19 octobre 2010 et le 31 décembre 2012.
Au total, le Pr David J. Graham et coll. (FDA, Silver Spring, Etats-Unis) ont pu apparier 67 207 patients ayant reçu du dabigatran avec 67 207 patients ayant reçu de la warfarine.

Plus de saignements majeurs que prévu

Selon une étude publiée dans le JAMA Internal Medicine [1], par rapport à la warfarine, le nouvel anticoagulant oral dabigatran augmente le risque de saignements majeurs quel que soit le sous-groupe de patients étudié (âge, insuffisance rénale chronique…).

Le risque relatif de saignements majeurs est de 1,58 (IC 95% : 1,36 à 1,83). Le risque de saignement majeur avec le dabigatran est particulièrement élevé chez les patients afro-américains (RR=2,12) et chez les insuffisants rénaux chroniques (RR=2,07).

Les risques de saignements associés au dabigatran sont supérieurs à ceux observés avec la warfarine et significativement accrus par rapport à ce qui avait été originellement rapporté lors de l’approbation de la FDA.

Ces données, issues d’une étude « dans la vraie vie » sont en contradiction avec celles de l’essai pivot RE-LY [2], sur lequel s’est appuyé la FDA pour autoriser le dabigatran.

Pour rappel, RE-LY n’avait pas montré de différence statistiquement significative entre les deux produits en termes de saignements majeurs.

Aussi, dans RE-LY les patients sous dabigatran avaient moins de saignements majeurs avant 75 ans et plus après, alors que dans la nouvelle étude, une augmentation des saignements majeurs avec le dabigatran est observée pour les deux tranches d’âge.

Les résultats communiqués par Hernandez est coll. « sont une source d’inquiétude parce qu’il apparait que les risques de saignements associés au dabigatran sont supérieurs à ceux observés avec la warfarine et significativement accrus par rapport à ce qui avait été originellement rapporté lors de l’approbation de la FDA. Cette étude nous rappelle l’importance du suivi post-marketing et la nécessité d’avoir les données nécessaires concernant les risques et les bénéfices encourus par les patient », a commenté le Dr Rita F. Redberg dans un éditorial accompagnant l’article [3]

Les auteurs du papier, le Pr Inmaculada Hernandez, (Université de Pittsburg) et coll., recommandent donc de « prescrire le dabigatran avec précaution, en particulier chez les patients à haut risque. »

Confirmation de la majoration des saignements gastro-intestinaux

Dans l’étude du JAMA Internal Medicine, après ajustement pour les caractéristiques cliniques et démographiques des patients, le dabigatran est associé à un risque significativement accru de saignements vs la warfarine pour tous les saignements (RR=1,30, IC 95% : 1,2 à 1,41) et pour les saignements gastro-intestinaux (RR=1,85 ; IC 1,64 à 2,07).

« Il très important que les médecins expliquent bien aux patients comment détecter les saignements gastro-intestinaux afin qu’ils soient contrôlés au plus vite. »

Le sur-risque de saignements gastro-intestinaux est observé dans l’ensemble des sous-groupes analysés (patients avant et après 75 ans, afro-américains, insuffisants rénaux chroniques, ayant plus de 7 comorbidités).

Le risque accru de saignements gastro-intestinaux observé dans tous les sous-groupes « est spécialement inquiétant d’un point de vue clinique. Il est très important que les médecins expliquent bien aux patients comment les détecter afin qu’ils soient contrôlés au plus vite », soulignent les auteurs.

Dans l’étude de Circulation, le dabigatran est également associé à un sur-risque de saignements gastro-intestinaux (RR=1,28) mais, seulement chez les patients les plus âgés. Une analyse de sous-groupe stratifiée pour l’âge et pour le sexe montre que le risque de saignements gastro-intestinaux majeurs est significatif chez les femmes de plus de 75 ans et chez les hommes de plus de 85 ans par rapport à la warfarine. En dessous de ces limites d’âge, il n’y a pas de différences entre les deux anticoagulants.

Ces résultats sont similaires à ceux observés dans l’étude RE-LY, notamment en termes de magnitude, indiquent les auteurs du papier de Circulation .

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