Canada – Dépisterou non le cancer de la prostate par le dosage du PSA ? Le Canada a tranché et c’est non. Les nouvelles recommandations du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (GECSSP) prônent purement et simplement l’abandon du test PSA comme technique de dépistage, et ce, même chez les hommes à risque [1] ! Tout au plus, les experts canadiens admettent-ils son utilisation chez les patients qui, après une solide discussion avec leur médecin, seraient absolument convaincus de l’intérêt de ce test.
Dépistage par PSA : plus de mal que de bien ? - 11,3% à 19,8% de faux-positifs ; - 40% à 56% de sur-diagnostic conduisant à un traitement invasif ; Complications post-opératoires : - 11% à 21% d’hommes souffrent d’infection, 17,8% d’incontinence urinaire et 23,4% de dysfonction érectile. |
Exit le dosage du PSA, même chez les hommes à haut risque
Les recommandations du GECSSP n’y vont pas par 4 chemins, elles recommandent tout simplement de ne plus dépister le cancer de la prostate en utilisant le dosage du PSA.
Ces lignes directrices s’appliquent à tout homme n’ayant pas préalablement reçu un diagnostic du cancer de la prostate. Cela inclut les hommes présentant des symptômes du bas appareil urinaire (nycturie, urgence, fréquence, débit urinaire faible) ou avec une hyperplasie bénigne de la prostate (HBP).
Elles valent :
- chez les hommes de moins de 55 ans et chez ceux de plus de 70 ans (Forte recommandation; données de faible qualité) ;
- chez les hommes de 55 à 70 ans (Recommandation faible; données de qualité moyenne) ;
La recommandation de non-usage du test PSA s’applique aussi aux hommes à haut risque – hommes de race noire et ceux avec des antécédents familiaux de cancer de la prostate – sous prétexte que les bénéfices et les risques du dépistage ne sont pas différents dans ce groupe.
Tenir compte des préférences du patient
Les recommandations ne vont pas jusqu’à interdire le test PSA à un patient (âgé de 55 à 70 ans) convaincu de l’intérêt de cet examen mais elles préconisent que le professionnel de santé l’informe très clairement sur les tenants et les aboutissants de ce mode de dépistage. Et pas question d’enjoliver les choses : « Tout examen du PSA doit faire l’objet d’une discussion sérieuse entre le médecin et le patient sur les bénéfices incertains d’un tel dépistage et ses risques substantiels » insiste le Dr James Dickinson, membre du groupe de travail. Le GECSSP fournit d’ailleurs sur son site un certain nombre d’outils (FAQ ; vidéo ; avantages/inconvénients) pouvant aider à l’argumentation.
Dans un commentaire accompagnant les recommandations, le Dr Murray Krahn (Toronto) tempère quelque peu le propos [2]. « Si ces recommandations sont un excellent exemple de décisions de santé fondées sur les preuves (EBM), elles ne prêtent pas suffisamment attention aux préférences du patient et aux coûts en termes de qualité de vie et financiers ». En clair : les risques ne sont évidemment pas négligeables mais il revient au patient, selon le Dr Krahn, de juger ce qu’il considère comme étant le meilleur pour lui, après avoir reçu une information digne de ce nom.
Un débat bientôt obsolète ?
Gageons que le débat n’aura bientôt plus lieu d’être et que ces recommandations ne font qu’anticiper la fin prochaine du dosage du PSA pour laisser place à de nouvelles techniques de dépistage beaucoup plus fiables comme l’imagerie par ultrason de la prostate [3] ou l’analyse d’échantillon sanguin [4]. L’étude de nouveaux marqueurs génétiques est aussi à l’étude.
Dépistage : où en est la France ? Dire que le dépistage du cancer de la prostate ne fait pas l’unanimité est un euphémisme. Les résultats contradictoires de deux essais contrôlés randomisés sur le dépistage et la mortalité publiés en 2009 ont suscité notamment en France un débat autour du surdiagnostic. Les pro-dosages – essentiellement les urologues, mais pas tous – ont appuyé leur arguments en faveur du test sur les résultats de l’essai ERSPC qui montrait une réduction de la mortalité par cancer de la prostate dans le groupe dépisté par PSA (risque relatif 0,79, IC95% 0,69-0,91, soit une réduction du risque absolu de 0,128% ou encore 13 vies sauvées pour 10 000 hommes invités à se faire dépister). De l’autre, les opposants – certains médecins généralistes, épidémiologistes, mais aussi les Autorités de Santé - qui, eux, s’appuient sur les résultats de l’essai PLCO qui n’a retrouvé aucun effet du dépistage sur la mortalité par cancer de la prostate (RR 1,09, IC95% 0,87-1,36, 0 décès évités pour 10 000 invitations au dépistage). En 2010, la Haute Autorité de santé (HAS) a considéré que le bénéfice, en termes de réduction de mortalité globale, d’un dépistage systématique par le dosage du PSA sérique total n’était pas démontré dans la population générale [5] – ni même dans les populations à risques [6]. Elle précisait cependant que, sur la base d’arguments indirects, un dépistage individuel, non systématisé, pouvait dans certains cas apporter un bénéfice au patient [5], ce dernier devant recevoir une information non seulement sur les bénéfices potentiels escomptés, mais également sur les risques auxquels pourrait l’exposer ce choix (infections, troubles urinaires et de l’érection). |
REFERENCES :
Canadian Task Force on Preventive Health Care. Recommendations on screening for prostate cancer with the prostate-specific antigen test . CMAJ 2014. DOI:10.1503/cmaj.140703
Khrahn M. Prostate cancer screening: going beyond the clinical evidence. CMAJ cmaj.141252; published ahead of print October 27, 2014.
PSA Test For Prostate Cancer Could Be Revolutionized With New, Painless Imaging Technique. Medicaldaily, 7 avril 2014.
New Non-Invasive Prostate Cancer Blood Test Simplifies Outdated, Ineffective PSA Tests. Medicaldaily, 2 septembre 2014.
Haute Autorité de santé. Dépistage du cancer de la prostate - Analyse critique des articles issus des études ERSPC et PLCO publiés en mars 2009. Rapport d’orientation. Saint-Denis: HAS; 2010. 50 p. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_961182/fr/depistage-du-cancer-de-la-prostate-analyse-critique-des-articles-issus-des-etudes-erspc-et-plco-publies-en-mars-2009
HAS. Dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA : intérêt non démontré chez les hommes présentant des facteurs de risque. 4 avril 2014.
Nouveaux tests génétiques dans le cancer de la prostate : l’avenir ?
Dosage du PSA : « une situation de dépistage de masse qui est tout sauf organisé »
Etude ERSPC : le dosage du PSA sauve des vies mais ne peut être généralisé
Dépistage du cancer de la prostate : le conflit MG-urologue relancé par la plainte d'un patient
PSA : l'AFU défend le dépistage individuel annuel entre 50 et 75 ans
Trois dosages du PSA au cours de la vie suffiraient pour 50% des hommes
Citer cet article: Dosage du PSA : le Canada ose dire « Stop » - Medscape - 29 oct 2014.
Commenter