Après SYMPLICITY-HTN3, faut-il abandonner la dénervation rénale ?

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

20 octobre 2014

Paris, France – La dénervation rénale continue de fournir la matière de la session « Controverse » d’un certain nombre de congrès médicaux. Illustration lors du XVIème Congrès Francophone de Cardiologie Interventionnelle, avec, signe des temps, une évolution significative de la question posée : celle-ci n’est plus « pour ou contre la dénervation rénale », mais « pour ou contre l’abandon de la dénervation rénale ».

Chargé de contester l’abandon, malgré l’échec de SYMPLICITY-HTN3 , le Pr Athul Pathak (Toulouse).

Chargé de prôner sinon l’abandon du moins la remise en ordre d’une évaluation que l’industrie a jusqu’à présent menée à sa guise et à l’échec : le Pr Michel Azizi (Paris).

La position du Pr Azizi, par ailleurs investigateur de l’étude française DENER-HTN, positive, était peut-être un peu paradoxale. Mais comme l’ont relevé les modérateurs (Dr Hakim Benamer, Massy – Pr Michel Pansieri, Avignon), les deux protagonistes auraient parfaitement pu inverser les rôles.

La conclusion à laquelle grosso modo tout le monde se range, est que dans des HTA sévères, dont le caractère primaire et la résistance aux traitements sont avérés, chez des patients présentant une hyperactivité sympathique ainsi qu’une anatomie favorable, la dénervation, réalisée par une équipe expérimentée, mériterait d’être évaluée sérieusement.

En creux, une condamnation sévère de SYMPLICITY-HTN3, dont la procédure sham ne rattrape absolument pas les profondes faiblesses méthodologiques.

POUR : l’étude HTN 3 était trop mauvaise pour pouvoir enterrer la dénervation

Les insuffisances dans l’évaluation de la dénervation rénale n’ont en fait pas commencé avec SYMPLICITY-HTN3.

Quoique supposé défendre la dénervation, le Pr Pathak a ainsi souligné que, « même si les données cliniques se sont finalement révélées rassurantes sur le plan de la sécurité, on peut être choqué, lorsqu’on vient du monde du médicament [le Pr Pathak est pharmacologue], du faible nombre d’études précliniques [réalisées pour les devices]. Peu d’études pertinentes ont été menées sur l’animal ».

La clinique n’est pas en reste. Longtemps, les résultats cliniques sont restés « des preuves de concepts, basées sur la PAS et la PAD de consultation ».

« Certains résultats se maintiennent jusqu’à 3 ans pour les tous premiers patients », ajoute le Pr Pathak, « mais en l’absence d’aveugle, avec tout ce que cela peut impliquer d’amélioration de la prise en charge ».

Ensuite est arrivée SYMPLICITY-HTN3, avec sa procédure sham (tous les patients subissaient une angiographie rénale, et certains seulement, une dénervation).

« Qu’est-ce qui fait que je ne la considère pas comme négative ? », s’est interrogé le Pr Pathak.

En substance, la réponse est que l’étude est trop mauvaise pour cela.

La conception est inappropriée, de même que la sélection des patients. La courbe d’apprentissage a été négligée : « beaucoup de centres n’ont fait que 2 ou 3 patients ». Le dispositif a été mal utilisé : « on ne sait pas combien de points de dénervation ont été effectués par patient, quand il semble exister une relation dose-effet ».

Cette relation dose-effet n’est toutefois elle-même qu’une interprétation, basée sur une analyse post-hoc. De même la mise en cause d’une sensibilité spécifique des noirs américains à la procédure sham, ou la corrélation inverse entre résultats de PA et calcifications et remodelage vasculaire.

Pour finir, le seul résultat certain est que « l’étude n’était pas aux standards européens ou australiens », résume le Pr Pathak.

On peut faire mieux. Et le Pr Pathak de souligner que dans DENER-HTN, même s’ils n’ont pas été randomisés, les patients ont « au moins été pris en charge dans les règles de l’art, et les résultats évalués en MAPA ».

A DENER-HTN s’ajoutent les registres, indique le Pr Pathak, qui soulignent également que l’on comprend maintenant le mode d’action de la dénervation rénale, qu’il qualifie de « sympathomodulation ».

Vu le précédent de SYMPLICITY, la dénervation ne lui semble toutefois plus pouvoir se développer que sous deux conditions : « uniquement chez les patients qui présentent une hyperactivité sympathique », et « avec un monitoring de l’altération des fibres sympathiques lors de la dénervation ».

CONTRE : arrêtons de faire n’importe quoi

Le Pr Azizi confirme ce diagnostic sur SYMPLICITY-HTN3, qui comporte « 112 opérateurs, sans contrôle de la qualité des ablations », alors même que des travaux récents montrent « l’hétérogénéité de la distribution des fibres nerveuses autour de l’artère rénale ».

En outre, rappelle-t-il, « les analyses post hoc suggérant une relation dose-effet et une relation qualité-effet, sont basées sur la PA de consultation, et ne sont pas retrouvées pour la PA ambulatoire ».

Le Pr Azizi confirme également que le problème n’est pas apparu avec SYMPLICITY-HTN3. « Dans SYMPLICITY-HTN2, la basse de PA est de l’ordre de 30 mmHg », rappelle-t-il, « et dans HTN3, de 2 mmHg ».

« La différence est énorme ; c’est un changement total de paradigme », note-t-il.

S’agit-il du même phénomène, et de quel phénomène s’agit-il ? « Pour tout antihypertenseur, avec 50 patients dans chaque bras, on peut détecter l’effet ».

« Dans DENER-HTN, la baisse est de l’ordre de 6 mm Hg » rappelle également le Pr Azizi. « Faut-il prendre le risque pour ce gain, sachant qu’il existe un risque de resténose mal évalué sur le long terme ? »

« On est à la croisée des chemins », estime-t-il. « Les autorités de santé pourraient arrêter complètement la dénervation. Mais ce ne serait pas éthiquement justifié car il existe 30% de patients qui répondent ».

« En revanche, on ne peut pas, à ce stade, laisser la technique se développer partout. Il faut arrêter de sélectionner les patients de manière non optimale, arrêter les cathéters qui provoquent des ablations non complètes et non reproductibles, arrêter les procédures non optimales. Il faut au contraire tenir compte de la courbe d’apprentissage, de l’anatomie nerveuse, identifier des marqueurs per procéduraux ».

Et enfin, « il faut arrêter l’absence de suivi à long terme », martèle le Pr Azizi, en rappelant que le consensus français sur la dénervation fait en principe obligation de ce suivi.

La charge est donc sévère. Mais il faut dire que la situation créée par SYMPLICITY-HTN3 l’est aussi. « Depuis la publication de l’étude, les cardiologues n’adressent plus de patients à la dénervation », ont souligné les deux modérateurs.

Avec ces questions : « qui a monté pareille étude, et qui l’a laissée passer dans une grande revue [le New England Journal of Medicine ] ? »

Les principes qui font la valeur d'une évaluation n’auraient pas dus être perdus de vue. L’histoire de la dénervation présente au moins cette utilité de les remettre sur le devant de la scène.

Le Pr Pathak déclare des liens d’intérêt avec Daiichi Sankyo, Roche, Pfizer, Abbott, Novartis ; AstraZeneca, St Jude, Covidien, Relor.
Le Pr Azizi déclare des liens d’intérêt avec Novartis, CVRx, Servier.

 

REFERENCE :

  1. Pathak A et Azizi M. Controverse : Faut-il abandonner la dénervation rénale ? XVIème Congrès Francophone de Cardiologie Interventionnelle. Paris, 9 octobre 2014.

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